2008-2013 : le goût des autres
Chronique par Franck Vergeade
Rédacteur en chef de Magic, revue pop moderne
Phoenix
Wolfgang Amadeus Phoenix
Phoenix est le meilleur-groupe-français-du-monde. Sauf que le monde – ébahi – l’a seulement découvert à la sortie du quatrième album, Wolfgang Amadeus Phoenix (2009), qui, comme son titre à peine grandiloquent l’indique, réunit mélomanes, cinéphiles (Amadeus, 1984) et lecteurs (Mozart In The Jungle, 2005).
Dès le bien nommé et incompris United (2000), la bande des quatre inséparables Versaillais faisaient étalage d’un génie flagrant – l’évidence mélodique (les singles Too Young et If I Ever Feel Better), sa maîtrise de l’idiome anglais, un savant mélange de références (l’étourdissant triptyque Funky Squaredance). L’étincelle, déjà manifeste, ne prit pourtant pas. Comme l’écrira Sébastien Tellier dans les colonnes de magic à l’occasion d’un hors-série consacré à Thomas Mars, Deck d’Arcy et aux frères Mazzalai, “Tout est déjà là : la création d’un rêve construit sur des souvenirs heureux et doux – c’est l’âme des Phoenix.”
Après un second LP claustrophobe – malgré une pochette graphique signée Hedi Slimane et le tube tautologique Everything Is Everything–, Phoenix continuait de ronger son frein à la face du monde – “aveugle et sourd”, comme le chantait si bien Dominique Dalcan dans les années 90. Les prémices du succès public commencent à se faire jour à la sortie de It's Never Been Like That, l’album berlinois du quatuor du 78, maître ès 45 tours : Long Distance Call, Consolation Prizes, Rally… Sous couvert d’une pochette rouge où Branco joue au pendu, ce cru 2006 – le dernier pour leur maison disques historique, Virgin –, annonce, à bien des égards, le grand œuvre à venir de Phoenix. Pour la première fois de sa carrière, la formation a trouvé son batteur scénique et de studio en la personne du Suédois Thomas Hedlund, réputé pour sa frappe à la fois lourde et décontractée.
Le 23 février 2009, Phoenix offre en téléchargement gratuit un morceau de Wolfgang Amadeus Phoenix : l’hystérie autour de 1901 est immédiate, l’onde de choc planétaire via Internet. L’offensive se poursuit avec la sortie de Lisztomania, premier single officiel porté par ces paroles prémonitoires : “From a mess to the masses”. Dévoilé par ces deux chansons/tubes, l’album sera au diapason, parfaitement mis en relief par un mixeur et producteur aux mains d’argent : le fidèle Zdar (qui figurait déjà au générique de United).Au final, et avec le recul des quatre années écoulées depuis sa sortie, c’est peut-être la seconde partie du disque qui impressionne le plus tellement la quinte flush constituée de Lasso, Rome, Countdown, Girlfriend et Armistice forment un extraordinaire bloc mélodique et harmonique. Avec Wolfgang Amadeus Phoenix, Phoenix devint enfin le meilleur-groupe-français-du-monde.