Interview

Nothing Works

par Nikolaï, le 22 mars 2022

Nothing Works est votre nouveau shoot d'adrénaline de fuzz-distorsion. Basé à Poitiers, ce duo couvre sacrément bien le terrain entre la noise expérimentale et le bon rock alternatif des familles. En se foutant de la bonne santé de vos tympans comme de leur première chemise et en retournant vos cerveaux lors de concerts mémorables. Auteurs de l'impeccable EP From February to May sorti en octobre dernier, Clément et Isa se sont prêtés au jeu de l'interview Goûte mes Disques. 

GMD : Vous êtes probablement les seuls pouvant affirmer que la pandémie a eu du bon puisqu’apparemment, Nothing Works s'est formé pendant un confinement ?

Clément : Ouais ! Le projet s’est créé pendant le confinement. On s’est rencontré pendant une jam session, quelques mois avant. On s’est ensuite envoyé beaucoup de structures et de morceaux qu’on finissait les uns les autres.

GMD : Mais du coup, vous n’avez pas trop la rage d’avoir eu les ailes coupées concernant les concerts ?

Clément : C’était chaud ! Créer un projet pendant cette période, c’était plus que compliqué. Avec les reports des reports des concerts, tout était bouché. On a parfois réussi à se faufiler au compte-goutte. Mais on commence à faire notre trou et à avoir des retours positifs !

GMD : C’est vrai que vous avez enregistré votre EP dans une bibliothèque à Poitiers ?

Isa : C’était au studio d’un pote qui se trouve dans sa bibliothèque. On a enregistré live là-bas, de février à mai 2021. D’où le nom de l’EP !

Clément : On était sous les toits, avec Isa collé à la batterie. Autant dire qu’on était très serré. Clairement, on ne pouvait pas faire plus intimiste que ça. La promiscuité a beaucoup contribué au son de l’EP.

GMD : C’est dans ce même studio que vous avez enregistré la live session de "Perfume" ?

Clément : Non, on a fait ça dans la grange d’Isa ! Avec des bibliothèques tout le long du mur. On trouvait intéressant de rester dans cette veine-là. Le lieu est cool et rempli de bizarreries. Si tu prêtes attention à l’image, tu peux trouver des tas de trucs drôles. On a tout fait nous-mêmes. Une pote a filmé, j’ai fait le montage, notre ingé son a fait le mix.

GMD : C’est essentiel, cette promotion de l’autoproduction pour Nothing Works ?

Isa : Carrément ! Dès notre rencontre et les jams ensemble, cet aspect était important.

Clément : Ce côté DIY, on l’a déjà dans notre son. Dans notre EP, on peut entendre Isa triturer ses pédales. Tout a été enregistré live, sans assistance. On veut garder la main et se faire kiffer.

GMD : Les origines franco-british du groupe, c’est par rapport à vos influences ?

Isa : Je suis Anglais ! Et Clément a vécu quelque temps en Australie. Du coup, on a une culture britannique qu’on met dans notre musique.

Clément : On arrive quand même à mélanger des genres. J’écoute pas mal de jazz et j’essaie de caler des patterns qu’on ne retrouve pas dans le punk ou le hardcore.

GMD : Isa, tu es apparemment le monsieur expérimental du duo. Tu veux faire le pont entre les guitares à la Fugazi et les sonorités plus électroniques de Boards of Canada ?

Isa : Ouais ! Ces deux exemples définissent bien les démarches que je veux essayer sur certains morceaux. Je demande par exemple à Clément de brancher ses synthés dans mes pédales d’effets. En plus, le fait qu’on soit deux me permet de faire des expérimentations impossibles dans un groupe plus nombreux.

GMD : Sur une échelle de 0 à My Bloody Valentine : tu les aimes à quel point tes pédales d’effets, Isa ?

Isa : Je suis à mi-chemin ! Je ne suis pas comme Kevin Shields qui fout 40 fuzz différents et qui passe son temps dans un studio. J’essaie aussi de laisser la place aux synthés pour que la guitare ne soit pas omniprésente.

GMD : Clément, le groupe est ton exutoire pour faire le sauvage à la batterie. On sent presque le parcours théorique et pratique dans le jazz, tant le focus sur les percussions et les rythmes est essentiel. Je me trompe ?

Clément : J’ai un gros bagage conservatoire, de mes 6 ans à mes 20 ans. J’ai même fait des études à Bordeaux en jazz. Je connais donc le côté académique. Grâce à mes différents voyages, j’ai appris à lâcher cet académisme pour pouvoir me faire plaisir. Pendant très longtemps, j’ai aussi été dans un marching band. Du coup, j’ai beaucoup travaillé la caisse claire et j’adore ajouter de la percussion dans ce que je fais plutôt que de créer une ligne rythmique. Je vise la précision chirurgicale : frapper où il faut, au moment ou il faut.

GMD : En live, vous laissez la part belle à l’improvisation ou vous préférez un set plus carré ?

Clément : Ça dépend… On a fait une résidence en décembre ou on a monté un set, par exemple. Mais nous connaissant, on ne va pas suivre ce qui est prévu ! Souvent ce qu’on fait, c’est tenir compte du nombre de minutes, en sachant qu’on fera peut-être une outro plus longue : si les gens sont chauds, Isa va lancer un riff et petit à petit, on va partir sur une improvisation qui n’était pas prévue… De toute façon, le live c’est ce qui fonctionne le mieux pour Nothing Works. Tu dois convaincre sur un moment donné. Ça ne sert à rien qu’on passe du temps à avoir le son le plus parfait, le potard au millimètre près sur les guitares, la caisse claire la plus nette possible… Je veux être en transe et il n'y a qu’en live que c’est possible. Le studio, c’est comme aller au bureau.

Isa : Avec les confinements, nous n’avons pas eu d'autre choix que de commencer par le studio. On a fait l'inverse de ce qu’on aurait préféré.

GMD : Vous êtes apparemment en train d’enregistrer des compos pour votre nouvel EP ?

Clément : Ouai, on fait des maquettes en ce moment. On travaille sur des nouveaux sons, on en a déjà quatre. On voudrait proposer un nouveau skeud pour septembre prochain ou 2023, avec probablement une direction plus shoegaze…

Nothing Works sera le 24 mars au Groom de Lyon et le 20 avril au Point Carré d'Angoulême.