Concert

We Love Green

Paris, le 4 juin 2016
par Gwen, le 8 juin 2016

WE LOVE GREEN, I LOVE YOU BUT YOU BRINGING ME DOWN.

« Vous aviez toujours rêvé de vivre l’expérience d’un festival à l’anglaise ? Découvrez le dress code We Love Green pour parer les intempéries et profiter pleinement du festival tout le weekend ! » Des bottes et un K-Way, donc. Il nous faut tout de même saluer l’énergie du désespoir avec laquelle l’équipe du We Love Green a tenté de rivaliser avec le glamour fermier de Glastonbury vingt-quatre heures avant l’ouverture des portes.

Dans les faits, le festivalier aguerri est rarement effarouché par l’annonce d’une marée brune. Il sait que cela lui donnera l’occasion de jouer à Koh Lanta le temps d’un week-end, de gonfler son récit de survivant à son retour et de s’accrocher un nouveau badge sur le coin de la veste, juste à côté de celui de Dour 2012. On imagine bien la déception des Parisiennes qui avaient probablement prévu une garde-robe plus affriolante mais les petits désagréments causés par une météo merdique, on s’en fout assez au final.

En revanche, attendre 45 minutes pour une putain d’Heineken à 4,50€ servie par une serveuse blasée, c’est une véritable déclaration de guerre. Le genre de faux pas que le festivalier susmentionné ne pardonne pas. Il ne pardonne pas non plus la première heure perdue à se mettre en ordre avec le système cashless, la deuxième à se chercher un hamburger hors de prix et la troisième à s’extraire de l’enceinte du festival dans un chaos total, piégé dans un long sentier à l’étroitesse criminelle. Un éternuement maladroit aurait suffi à créer le mouvement de panique ultime et deux jours plus tard, les pelleteuses étaient toujours occupées à prélever des porteurs de Stan Smith emplâtrés dans la gadoue. Pour les Walking Dead qui atteignent misérablement le bout du chemin sous le regard d’un gardien de « sécurité » apathique, il est temps d’apprendre que le service des navettes a pris fin. Après une nouvelle randonnée jusqu’à la station de métro la plus proche et c’est au tour de la RATP d’avoir tiré les rideaux, laissant des centaines de personnes à quai. Über remercie d’ailleurs chaleureusement l’amateurisme généralisé de cette petite sauterie boisée.

Heureusement, le We Love Green a pu compter sur la programmation sans faille de cette journée de samedi pour ragaillardir le troupeau. Après la prestation d’un Girl Band en roue libre, Floating Points et son groupe livrent un set paradoxalement pointu et accrocheur qu’il fallait savoir mériter. Là où le spectateur distrait n’assiste qu’à un simple jam entre amis, le badaud engagé a lui droit à une performance enlevée, riche en finals généreux. Sam Shepherd nous donne une leçon de live, et son excellent Elaenia sorti l’année dernière ne perd pas une once de son intensité au change. C’est ensuite au tour d’Hot Chip de faire fondre nos cœurs de poussins avec une Sarah Jones en grande prêtresse des fûts et un Alexis Taylor définitivement au sommet du swag dans son poncho des grands jours. Enchaînement de tubes, petits pas de danse stylés dans les flaques et moment tendresse lorsque le groupe nous gratifie de leur « Dancing In The Dark » avec leurs marmots dans les bras. Œil humide, sourire niais.

Entre les deux, les compères de PNL soulèvent plus de sourcils. Dès les premiers beats, nos voisins, perturbés par l’autotune diarrhéique de ces aboiements compulsifs, nous interpellent : « C’est ici, les tremplins COTOREP ? ». Cinq minutes au contact de ce songwriting léché et les sens de la foule se confondent. La diction dyslexique de PNL te percute telle une bifle molle qui invite au voyage. Ferme les yeux et te voilà aux Mercredis Découverte Hip Hop de la MJC de Montargis. Dès le premier « Yo, comment ço vo, Poris ?», on réalise qu’on va avoir du mal à se sentir concerné sans recourir à Google Translate. On se dit également que leurs joggings blancs ne vont pas le rester longtemps dans la tourbière environnante.

Du côté de la Clairière, nous laissons une chance à la jungle futuriste et terriblement brutale d’Amon Tobin. Voir la foule danser, les jambes immobilisées dans la boue tels des pantins désarticulés, se révèle être un spectacle particulièrement bienvenu en cette heure tardive. Juste avant, c’est Hudson Mohawke qui lui a laissé la place, encore fumante d’un set comme d’habitude très efficace. À l’image d’un « Higher Ground » version hardcore que n’aurait pas renié Manu le Malin, l’Écossais n’était pas venu dans le bois pour observer les oiseaux.

En clôture du bal, LCD Soundsystem nous rappelle pourquoi ils nous avaient tant manqué. La bande à Murphy comble les derniers belligérants avec une setlist impeccable : un « Yeah ! » épileptique à souhait, un « Us V Them » fédérateur, un « Losing My Edge » dantesque, un « New York I Love You » à faire chialer Kim Jong-un et ce « All My Friends » définitif qui donne envie de distribuer des bisous. Implacable telle une machine de guerre, les New-Yorkais impressionnent par la précision chirurgicale de leur son pourtant complexe et James Murphy s’époumone avec une confiance impressionnante malgré un registre de chant plutôt casse-gueule. Cette seule performance nous permet d’oublier toutes les bières non bues et les chevilles embourbées...