Turnover
Cirque Royal Club, le 6 septembre 2025
Ce samedi 6 septembre, le Cirque Royal Club accueillait les américains Turnover pour le passage bruxellois de leur tournée célébrant les dix ans de Peripheral Vision. Austin Getz et ses camarades savent depuis longtemps que ce grand disque de 2015, est devenu leur mètre étalon et a marqué un tournant plus que décisif dans leur carrière. Abandonnant le pop-punk relativement convenu des débuts en 2009, Turnover s’est engouffré dans une dream pop vaporeuse portée par des textes à la mélancolie diffuse. En 10 ans, l’album a largement pu trouver écho auprès d’une génération, autant à l’aise avec Title Fight que DIIV, devenant l'indéniable classique du genre qu'il est. Mais cette tournée anniversaire souligne autant l’aura éternelle de cet album que la difficulté du groupe à s’en détacher.
Car dix ans après, Turnover tourne encore largement sur son dos, et ce malgré trois albums de bonne facture sortis depuis (Good Nature, Altogether, Myself in the Way). Artistiquement, le constat est sans appel : Peripheral Vision reste le magnum opus du groupe et si c’est comme ça que ça doit se passer, il serait dommage de ne pas le fêter dignement. La salle secondaire du Cirque, plus étroite et torride que son grand théâtre attenant, fait donc office d’écrin pour ce rendez-vous quasiment complet où le groupe de Virginia Beach doit rejouer pour la première fois son album le plus culte en intégralité.
C’est Glixen, jeune formation fondée en 2020 autour de la chanteuse et guitariste Aislinn Ritchie, qui se charge d’ouvrir le bal dès 17h45 pour ce early show, le dernier de la tournée sur le sol européen avant que le package ne parte attaquer la Grande Bretagne. Venu tout droit, et pour la première fois ici, de Phoenix, Arizona, le quatuor propose un shoegaze des plus classiques sur le papier mais qui se révèle rapidement infectieux sur la scène. Leur deuxième EP, Quiet Pleasures, sorti cette année, n’a d’ailleurs pas volé son titre et on sent déjà derrière les murs de fuzz, une vraie écriture, fragile et mélodique. Assurément un nom qu’on réentendra vite.
Dès 18h30, les lumières s’éteignent et les premières notes de "Cutting My Fingers Off" résonnent. La suite est connue d’avance mais attendue comme un rituel : "New Scream", "Humming", "Hello Euphoria"… Le cocon mélodique se referme vite sur les 350 participante·es et les dix titres de l’album se succèdent sans pause inutile, dans l’ordre du disque. Turnover joue proprement, sans surjouer l’émotion, tandis que son public de trentenaires reprend en chœur les refrains dans un moment de jeunesse suspendue. Yeux fermés, paroles murmurées, couples enlacés... Autant de conséquences que provoquent l'écoute de titres comme "Like Slow Disappearing" ou "Take My Head". Cette foutue nostalgie n’est jamais finie.
Et c’est parfois là toute la cruauté de l’exercice. Rejouer Peripheral Vision dix ans après, c’est accepter de ressortir le fantôme qui hante Turnover, tout en portant le constat silencieux que rien dans le reste de leur discographie n’a jamais égalé son éclat. La salle, désormais au-dessus des 30 degrés, vit son bon moment quoi qu’il en soit, tandis que le groupe délivre la magie de ces titres avec un mélange d’application et de gratitude pour le chemin parcouru. Et alors que l’on pensait que le groupe ne s'attarderait pas une fois ledit disque conclu, il annonce par la voix de son leader puis joue deux nouveaux morceaux d’un potentiel album à venir. Les récentes expérimentations disco-pop récentes du groupe ou le vernis soft rock qui suivent (“Tears Of Change", "Super Natural") n’ont pas forcément la même résonance que leurs prédécesseurs mais se laissent toutefois consommer avec allégresse. Turnover choisit enfin de conclure sa soirée sur un énième bonbon de leur premier album Magnolia, avec l’ancienne favorite, “Most of The Time”.
En toute sobriété, le groupe remercie infiniment les siens et promet de ne plus mettre cinq ans avant de revenir en Europe. Cette tournée tenait autant du devoir de mémoire que de la célébration sincère d’une fanbase qui a toujours suivi la bande dans ses aventures mais le temps de regarder dans le rétroviseur est désormais terminé.