Concert

Revolution Calling 2025

Eindhoven, Pays-Bas, le 22 novembre 2025
par Alex, le 4 décembre 2025

Organisé depuis 5 années à Eindhoven, le Revolution Calling Festival est devenu l’un des événements majeurs d’Europe pour la scène hardcore punk. La déclaration d’intention est simple : célébrer l’énergie, l’héritage et la diversité créative du hardcore, tout en offrant une plateforme à des groupes de plusieurs générations. Et la formule convainc complètement puisque le festival pouvait à nouveau se targuer d’une édition sold out en 2025, tant pour la journée principale que pour le pré-show la veille, avec des spectateur·ices venu·es de 55 pays, rien de moins.

Si vous n’avez entendu parler de cette scène que l’année dernière grâce à l'explosion de Turnstile (c’est déjà un bon début), on répond à 5 questions qui, peut-être, vous permettront de ne pas seulement y tremper les pieds mais de sauter à pied joint dans ce monde merveilleux.

 

 

Comment le festival reflète-t-il les valeurs de la scène ?

L’événement s’est construit sur les cendres d’un autre rendez-vous (The Sound of Revolution) et a su reprendre la flamme sans la dénaturer. Année après année, Revolution Calling affirme une identité fidèle à l’éthique DIY, tout en offrant une organisation exemplaire avec trois scènes, pas de barrières pour maximiser l’activation du pit et un événement ouvert à tous les âges. Les bases sont posées et tout est ici pensé par des acteur·ices de la scène pour les gens de la scène. C’est dans cette dynamique qu’intervient aussi Stronger Bookings, structure incontournable dans la mise en place du festival. Dirigée par Martijn Van Den Heuvel, chanteur du groupe No Turning Back, elle incarne à elle seule la passerelle entre le terrain, les tournées et l’événementiel.

Sur place, l’engagement ne se limite pas à la musique puisque plusieurs associations fortes de sens sont présentes. Parmi elles, on mentionnera par exemple la Hardcore Help Foundation, cette ONG allemande essentielle qui œuvre pour venir en aide aux personnes marginalisées et soutient des projets de santé, d’éducation et d’eau potable dans divers pays tout en développant un travail social durable avec des partenaires locaux. 

Alors certes, la parité de l’affiche dans son ensemble est encore très loin d’être un acquis mais on a senti une volonté de la part de l’équipe d’être aussi représentatif que possible. On regrettera également qu’en ces temps sombres, les artistes se soient montrés nettement moins vocaux que d’habitude sur les questions sociétales. Les prises de parole sur l’égalité, l’antiracisme, l’entraide ou les luttes politiques, généralement chères aux acteur·ices de la scène, sont restées plutôt discrètes, voire absentes. Une retenue inhabituelle, surtout dans un milieu où l’idée même de monter sur scène s’accompagne traditionnellement d’un besoin d’affirmer haut et fort ses convictions.

Le festival est-il accessible aux personnes qui découvrent ce style ?

Oui et non. Si le festival se veut être une célébration de la culture hardcore dans ce qu’elle a de plus pur, son affiche verse dans le penchant plus “dur” du genre, au détriment des courants adjacents. A l’inverse du Outbreak Festival qui aujourd’hui tend vers un line-up plus hétéroclite, Revolution Calling ne mise pas forcément sur les groupes emo, indie-punk voire hip-hop que l’on sait proche de ces sphères.

No Pressure par exemple, le projet pop-punk du chanteur Parker Cannon (The Story So Far) était très certainement le plus accessible du line-up et a fait le job. Terror, pour sa 2000ème apparition en Europe minimum, faisait office de passage obligé si vous vouliez vous rendre compte de ce qu’est le meilleur groupe de hardcore du 21e siècle. Enfin, la présence d’American Nightmare, pionniers du hardcore émotionnel et sombre des années 2000, servait également de témoin de ce courant, moins brutal que ses pairs, qui a submergé la scène à cette époque. Ne vous y trompez pas: Si vous êtes encore relativement novices à ce genre de rassemblement, sachez que l’ambiance y est complètement conviviale, que les concerts y sont toujours énergiques, la communauté extrêmement accueillante et l’atmosphère bien festive: autant de facteurs qui ne nécessitent aucun prérequis pour être appréciés. Et ne vous laissez pas impressionner par la horde d’experts en arts martiaux qui peuplent le pit, il y a de la place pour tout le monde et Revolution Calling se place comme un endroit où la musique est encore une affaire de communauté.

 

 

Quels enseignements cette affiche donne-t-elle sur la vitalité de la scène d’aujourd’hui ?

Le line-up de cette année témoigne d’une immense richesse stylistique dont on ne peut que se réjouir : du hardcore anglais le plus abrasif à une scène française en lévitation ces dernières années, du powerviolence scandinave à l’Oi!-hardcore, du NYHC légendaire au beatdown de Détroit : Chaque groupe apporte sa couleur et son vécu, ce qui donne au festival un relief rare. Cette diversité n’est pas le fruit du hasard et reflète la volonté profonde de Revolution Calling de faire dialoguer les générations, de reconstruire un pont entre ceux qui ont construit la scène hardcore et ceux qui la redessinent aujourd’hui.

L’équation pour un bon line-up n’est pas si compliquée quand on y pense : les jeunes groupes qui ont la dalle et les vieux groupes qui ont écrit l’histoire. Défendre la scène plutôt que la nostalgie à tout prix et montrer que le hardcore n’est pas une relique mais un organisme bien vivant, c’était semble-t-il la feuille de route au moment d’élaborer ce line-up bien dodu qui allait faire trembler les murs du Klokgebouw, usine réhabilitée où résonnent d’ordinaire les fantômes de l’industrie néerlandaise. A ce titre, on espère chaudement y avoir vu les fers de lance du genre dans les prochaines années.

Cela pourrait être Clobber et leur hardcore poisseux qui ont eu la lourde tâche d’ouvrir la Stronger Stage (deuxième en termes de capacité) mais a largement réveillé les esprits, notamment avec une reprise pas vilaine du “Ace Of Spades” de Motörhead. Il faudra également regarder du côté de Paris avec des représentants solides comme Calcine ou nos chouchous de Sorcerer, dont la courbe de progression est tout bonnement hallucinante. 

Cela pourrait passer par Xiao, seul représentant powerviolence d’une scène scandinave également en plein essor et venu présenter un set court et chaotique ou encore le “evilcore” viscéral de Whispers qui, par sa simple présence, rappelle que l’Asie du Sud-Est est devenue un foyer brûlant du genre. Il fallait également voir les californiens de Big Boy qui fêtaient ici leur toute première apparition européenne avec un set hyper euphorisant, eux qui n’ont toujours pas sorti le moindre album mais dont la notoriété repose essentiellement sur la scène live et le bouche-à-oreille. Enfin, comment ne pas mentionner Guilt Trip qui est déjà passé dans ce braquet supérieur du metalcore, au même titre que des compatriotes chevronnés comme Malevolence par exemple. Le groupe a livré une performance extrêmement carrée et a tenu à célébrer sa récente signature sur Roadrunner Records avec une reprise foudroyante du “Davidian” de Machine Head en conclusion. L’avenir est radieux pour eux.

 

 

Les vieux bandent-ils encore ?

Oui. A côté de la next gen, les légendes américaines constituaient tout de même les principales têtes d’affiche. Il ne fallait pas rater Killing Time dans l’après-midi pour une de leurs très rares apparitions européennes. Formée à New York en 1988, la bande menée par Anthony Comunale peut se targuer d’avoir sorti l’un des albums les plus influents du genre avec Brightside (1989) et c’est forcément celui-ci qui composait l’essence même de leur setlist conclue sur un parfait “Backtrack”. Visualisez votre grand-père sur scène et 15 personnes qui lui sautent dessus pour hurler “One step forward - Two steps back”, vous aurez le tableau.

Dans un registre plus souterrain, les discrets mais extrêmement respectés Battle Ruins et leur hardcore inspiré du heavy metal se sont également fendu d’une apparition exclusive européenne tandis que la redoutable entité Ringworm prouvait à nouveau à celles et ceux qui en doutaient pourquoi le son de Cleveland, ce mélange de crossover thrash, metalcore old-school et hardcore sombre, passe forcément par eux. Il ne fallait certainement pas manquer non plus les les darons de Boston Slapshot qui célébraient leur tout dernier concert sur le sol européen avant de tirer une révérence bien méritée. De 1985 à 2025, merci pour les travaux.

Si on parle NYHC, impossible de ne pas causer Gorilla Biscuits. Groupe fondateur, icône du hardcore positif et mélodique, la bande à Walter Schreifels contiunue d’attirer un public multigénérationnel malgré une actualité discographique inexistente. Il suffit pourtant d’entendre les nombreux hymnes qui jalonnent Start Today pour comprendre que ce groupe est intemporel. Leurs nombreuses reprises en forme de célébration de cette musique, de Warzone aux Clash en passant par Minor Threat, prouvent également que le hardcore est un genre qui s’adapte, qui absorbe, qui recrache, et qui finit toujours par retrouver sa route. Une institution, tout simplement.

Enfin, on en place une pour l’une des attractions de cette journée : Cold As Life. Le groupe de beatdown originaire de Detroit est l’un des plus cultes de sa génération, certainement bien aidé par ce mythe violent qui repose autant sur leur musique que sur la dureté de leur histoire (Jeff Gunnells a pris 10 ans de prison pour braquage à main armée, sombre enroule). De retour depuis sa libération et en Europe pour la première fois depuis des années, le leader ne cache pas son bonheur d’être là et sa gratitude de pouvoir reprendre les affaires. Leur influence sur le hardcore actuel est immense et le plaisir qu’on a pris devant leur prestation fût de même envergure, malgré un dernier titre avorté par la Croix Rouge pour une histoire de stage dive qui a très mal fini…

Hatebreed est-il le meilleur groupe de hardcore au monde ?

La réponse est oui. Bonne journée.