Weeping Choir

Full Of Hell

Relapse Records – 2019
par Alex, le 25 juin 2019
9

Ceux qui savent, savent. Full Of Hell est un groupe qui rend pleinement justice à son patronyme. Mais surtout, Full Of Hell est un groupe qui ne cesse d’évoluer. Si les quatre garçons du Maryland mettaient dès 2010 nos conduits auditifs à rude épreuve avec un hardcore/punk noyé dans le noise le plus oppressant, ils n’arrivaient pas encore à totalement nous ébranler, la faute peut-être à un résultat fort bordélique. Le combo était-il déjà trop ambitieux ? Avec du recul, tout l’indique puisque depuis le viscéral Rudiments of Mutilation, Full Of Hell enchaîne les démonstrations de force, armé d’une détermination sans faille dès lors qu’il s’agit de proposer une musique totalement décloisonnée et emprunte d’une violence cliniquement distillée.

Sur Weeping Choir, première livraison pour Relapse Records et quatrième long format "en solo" de leur pléthorique discographie (ceux qui savent, savent qu'ils aiment les collaborations), Full Of Hell redéfinit à nouveau la notion de l’enfer en balançant un vortex sonore de 25 minutes, situé quelque part entre grindcore, death metal, noise, hardcore et powerviolence. Le quartet conserve cette même approche sans compromis, mais perfectionne toujours plus sa maitrise du chaos et cette implacable cohérence qui fait que l’on passe d’un track bourré de blast beats à un morceau de doom monolithique ("Armory Of Obsiddian Glass") sans sourciller. Chaque titre sert de rampe de lancement au suivant tandis qu’un vaste spectre de sonorités agressives s’expose à nous au fil des minutes.

On sent d’ailleurs que les infernales collaborations (Merzbow, The Body...) qui jalonnent le parcours du groupe lui permettent désormais de proposer une musique bien plus hétéroclite. Ainsi, quand Full Of Hell n’est pas occupé à nous poncer le visage avec de courtes salves ("Burning Myrrh", "Haunted Arches", "Downward") qui se rapprochent de plus en plus du death le plus primitif ("Silmaril", "Ygramul The Many"), il nous enferme dans des limbes de désespoir à coups de dissonances et d'atmosphères claustrophobes ("Rainbow Coil", "Angels Gather Here"). La composante expérimentale continue ici de s’exprimer pleinement sans toutefois impacter cette vitesse d’exécution inhumaine dont le groupe a le secret. L’équilibre entre les riffs acérés et l’injection de noise bruitiste semble enfin être atteint et la musique de FOH plus aboutie que jamais.

Plus de liberté dans l’écriture et les arrangements, mais aussi énormément de relief dans les titres grâce aux alternances vocales. En plus de la contribution d’invités comme Alex Hughes (Iron Age, Insect Warfare), Pablo Paguntalan (Artificial Brain) ou encore la ténébreuse Lingua Ignota, c’est surtout la parfaite complémentarité entre les timbres de Dylan Walker et du bassiste Sam DiGristine qui viennent donner un côté schizophrène aux morceaux. Derrière les manettes, Kurt Ballou se charge de sublimer le potentiel destructeur du groupe, grâce notamment à un énorme travail sur le son de batterie ("Thundering Hammers", "Aria Of Jeweled Tears").

Aborder l'un de leurs albums n’est jamais chose aisée, mais depuis Trumpeting Ecstasy, la musique de Full Of Hell résonne brutalement tout en se montrant paradoxalement plus accessible. Sur Weeping Choir, parfaite extension de son prédécesseur, les quatre sinistres drilles semblent être exactement où ils devraient être, pulvérisant tous nos repères liés à la musique extrême. Le fait que cet album sorte à l’aube des 10 ans de la formation est également un signe qui ne trompe pas. Il est une déclaration d’intention de ce vers quoi Full Of Hell s’oriente : un son dense, nihiliste et toujours plus efficace. Si les Américains continuent de sortir leur meilleur album tous les deux ans, il y a de quoi s’inquiéter sérieusement pour la concurrence. Sauvage, comme disait l’autre.

Le goût des autres :