Tremor

Daniel Avery

Domino – 2025
par Jeff, le 18 novembre 2025
8

En 2005, le groupe belge Millionaire sortait Paradisiac. Un album qui avait fait parler de lui pour ses qualités, mais aussi son producteur : Josh Homme des Queens of the Stone Age. À l’époque, un petit détour par le Rancho de La Luna où le tonton Josh avait ses habitudes avait valeur d’adoubement. Sauf qu’en se convertissant le temps d’un album en un rouleau compresseur au service d’un narratif stoner implacable, le groupe sacrifiait son éclectisme sur l’autel de l’efficacité. 

20 ans plus tard, on a l’impression que Daniel Avery est en train de « nous faire une Millionaire ». En une petite dizaine d’années, l’Anglais était parvenu à imposer sa forte personnalité sur la scène électronique, capable de plaire aux envahisseurs de big rooms comme aux amateurs d’une dance music plus mentale. On peut donc légitimement se poser la question du revirement opéré par le natif de Bournemouth sur Tremor. Censé exprimer « toute la richesse de son univers sonore », ce septième album est peut-être celui qui le restreint le plus. 

En effet, Tremor est un disque qui choisit de gambader dans pré carré qui se limite essentiellement à l’indus et au shoegaze. Doit-en vraiment s’en étonner venant d’un gars qui fait cohabiter Model/Actriz, Kangding Ray et un titre du dernier album des Deftones dans sa playlist track ID’s pour Spotify ? Non bien sûr. Ceci étant dit, les premières écoutes du disque sont consacrées à essayer de répondre à cette question: pourquoi un tel revirement sous son nom propre alors qu’un travail sous alias aurait fait sens ? Vous nous direz qu’il serait temps qu’on arrête d’enculer les mouches mais en même temps, on sait très bien que c’est pour ça que vous êtes ici.

Le pinaillage susmentionné est d’autant plus interpellant que, comme à peu près tout ce qui sort du cerveau fécond de l’Anglais, le disque est bon. On peut même dire que pour un type qui met pour la première fois en musique ses obsessions pour les murs de guitares que rien ne peut fissurer, c’est régulièrement exceptionnel. Certes, la mise en route est un peu laborieuse (on ne sait toujours pas dire si « Haze » est le meilleur morceau de l'album ou le pire), mais rapidement on retrouve le Daniel Avery sûr de son fait, et bien décidé à ne pas céder à la facilité – alors qu’on sait qu’un déluge de reverb façon My Bloody Valentine ou une rythmique qui vous roule dessus comme sur un bon Nine Inch Nails a servi de cache-misère à bien des producteurs en panne d’inspiration.

C'est alors au fil des écoutes successives (car oui, on a vite envie d’y revenir) et au détour de titres aussi aboutis que « The Ghost Of Her Smile » ou « Tremor » que le disque devient un peu moins celui de ses influences et un peu plus le sien ; que les contributions de ses nombreux invités (yeuleAlisson Moshartbdrmm) se mettent toutes au service d’une vision claire, et qu’on reconnaît enfin au disque des qualités d’écriture, de production et de storytelling qui nous rappellent ce que l’on avait peut-être oublié en entamant le présent papier : Daniel Avery est bien un des grands producteurs de notre temps.