private music

Deftones

Warner  – 2025
par Jeff, le 1 septembre 2025
8

Le problème avec les Deftones, c’est nous. Et par nous, j’entends l’équipe de Goûte Mes Disques, que l’on peut répartir en deux groupes : celleux qui s’en tapent le coquillard, et celleux qui font montre d’une fascination forcément un peu douteuse pour le groupe basé à Sacramento. Et parce qu’on est des fans certifié·es avant d’être des pseudo-journalistes, il arrive que notre intégrité soit malmenée.  

C’est ce que l’on s’est dit après avoir écouté private music, puis relu nos chroniques de Gore et Ohms, les deux précédents longs formats des Américains. On a envie de penser qu’à l’époque, on se satisfaisait de peu, habités par la conviction que cette formation, qui nous avait tant donné, arrivait tout doucement en fin de parcours, et  qu’on se contenterait de considérer chaque nouvelle ligne dans la discographie comme une occasion de claquer un gros bifton pour aller couiner sur « Change (In the House of Flies) » ou « Minerva ». On s’était bien planté.

Cet été, celleux qui ont eu la chance de les voir en festival ont vite capté que quelque chose se tramait : pas un seul nouveau titre sur la setlist, mais un groupe qui n’avait jamais semblé aussi soudé malgré l’absence du guitariste Stephen Carpenter qui, pour des raisons assez obscures, refuse toujours de tourner en dehors des Etats-Unis. On se dit aujourd’hui que les Deftones avaient trop confiance dans ce qu’ils nous préparaient pour lever un coin du voile entre deux tubes de leur golden era, et on les en remercie. Parce que Around The Fur, parce que White Pony et parce que l’éponyme à la tête de mort (le meilleur, nous sachons), il est impossible pour les Deftones de nous raconter quoi que ce soit de révolutionnaire en 2025. Private Music, c’est plutôt le concept de ‘fan service’ poussé à son paroxysme : une musique qui caresse dans le sens du poil sans te prendre pour un·e teubé, qui a conscience de ce que l’on attend d’elle sans pour autant être aussi prévisible qu’une rom com, et qui sait rester honnête par rapport à ses influences (The Cure, Hum, Meshuggah, Helmet) pour ne pas sombrer dans l’auto-caricature. Bien évidemment, on se retrouve avec certains titres ou passages qui relèvent davantage du réflexe pavlovien que de la musique, mais dans l’ensemble, la façon dont les Deftones recyclent la quasi-totalité de leur discographie en 40 minutes de masterclass post-nu metal fait apparaître une entité exemplaire de résilience, à l’intelligence mélodique plus affutée que jamais et qui a retrouvé sa capacité à écrire des tubes – « my mind is a mountain », « ecdsys », « infinite source ». Et puis surtout, l’équilibre entre Stephen Carpenter et Chino Moreno est rétabli après quelques albums où ce dernier avait pris l’ascendant sur le reste du groupe : les riffs du premier sont tranchants comme au premier jour, tandis que le second profite comme jaja d’avoir retrouvé son charisme, son poids de forme et la couleur de cheveux de ses 20 ans. Ces mecs-là sont heureux et putain, ça s’entend. Et pour que ça s’entende encore mieux, si t’as mis un mois de salaire dans une paire d’enceintes, il y a Nick Raskulinecz, dont la production pachydermique contribue à faire de ce retour aux affaires une des meilleures nouvelles de 2025, et une vraie leçon pour pas mal de nos groupes favoris en perdition.

Le goût des autres :