Poly

Efdemin

Ostgut Ton – 2025
par Simon, le 8 novembre 2025
6

Retrouver la musique d'Efdemin, c'est retrouver ce vieux copain qui était davantage versé dans l'intellect et la discussion profonde que dans les concours de prouts. Ce qui ne l'empêche pas d'en imposer, discrètement. L'œuvre de Phillip Sollman a toujours été humble et sobre, pas nécessairement de celles qui aspirent à tout prix à la reconnaissance populaire. Ce qui est sûr, c'est que vingt ans plus tard, cette apparente discrétion ne l'a pas empêché de devenir une référence en matière de techno minimale. Efdemin soigne ses productions et ses amis le lui rendent bien : Dial, Ostgut Ton, Stroboscopic Artefacts, Curle Recordings, il n'y a que dans les maisons sérieuses que l'Allemand pose ses bagages. Phillip Sollman est le producteur perfectionniste par excellence, l'homme de studio, qui connaît ses machines comme ses gosses et qui envisage toujours son œuvre comme un microcosme global. Quatre albums en deux décennies, quatre véritables essentiels.

Mais l'exercice du long format est piégeux, on le sait pour en avoir vu un paquet se fracasser les dents au moment de choisir. Ils sont nombreux à briller sur EP, beaucoup moins sur une longueur plus étendue. A priori, avec des albums de la qualité de Chicago ou Decay, Efdemin est solidement équipé pour éviter la sortie de route. Alors, je ne sais pas comment l'expliquer, mais quand j'ai vu cette pochette avec une oreille en avant, j'ai immédiatement senti que ça allait partir en couille quelque part. On a trop mangé à cette table pour ignorer ce qui allait se passer. On allait à un moment donné nous parler d'écoute attentive, de disque de la maturité qui refuse de choisir entre le dancefloor et le salon. Tout ça annonce toujours le pire ennemi du long format club : le pot-pourri. Et, malheureusement, Poly est ce disque qui bouffe à tous les râteliers, qui ne démarre jamais vraiment et qui souffre de son manque de cohérence. Pourtant, et vous le saviez avant que je n'aie à vous le dire : Efdemin est incapable d'être mauvais.

Le problème de Poly c'est qu'on va devoir parler du disque par le menu, alors que ce n'était pas forcément pour ça qu'on était venu. Mais on s'y colle quand même, par pure conscience professionnelle : un début electronica appliqué qui rappelle cette difficulté à choisir entre de la musique ambient et de la musique pulsée quand on est producteur de bangers mais qu'on voudrait ne pas être limité qu'à ça (« Drift », « Poly »), de la techno de Detroit (le superbe quoique attendu « Rauris »), de la house de Chicago (« Trophic Cascade »), des virages acid qui déboulent de manière quelque peu grossière (« Microphase », « Radical Hope ») et un final leftfield qui sonne comme un hybride entre du Alva Noto et le « Pakard » de Plastikman. Et au milieu de tout ça, un paquet de séquences qui ne ressemblent évidemment qu'à du Efdemin dans le traitement si élégant des textures et dans l'aspect biomécanique et minimal de la chose. 

Mais à quel prix ? Celui de faire un effort de tri permanent, d'avancer au beau milieu d'idées éparses, si qualitatives soient-elles, quand on sait ce dont l'homme est capable quand il fait preuve de la concentration qui a été la sienne sur vingt ans. Nous voilà donc avec un cinquième album dont les soixante minutes de musique refusent de se positionner réellement, en rupture avec la cohérence habituelle de son auteur. Un disque qui se picore gentiment au buffet à volonté, là où attendait l'expérience huit services. De l'importance, parfois, du début suivi d'un milieu puis d'une fin.