Mysteries of A Flowery Dream

Jade

Pulverised Records – 2025
par Simon, le 15 septembre 2025
8

Peu importe le genre évoqué, il existe ce disque qui possède une double qualité qui se fait assez rare : il est capable d’épuiser sa propre matière de manière totale et il connaît exactement l’endroit où il doit s’arrêter pour ce faire. Ça paraît simple évoqué comme cela, et pourtant statistiquement ils sont nombreux, carrément majoritaires, à aller au-delà du nécessaire, sans qu’aucune police du style n’ait à cœur de leur en tenir rigueur.

On retrouve bien souvent ces disques éminemment équilibrés au milieu d’une autre catégorie plus large, celle des growers. Les disques à diffusion lente, qui prennent tout leur temps pour grandir en nous, pour ne plaire qu’à ceux qui y auront mis du leur. De leur temps, de leur confiance, de leur humilité partagée. L’humilité d’un artiste s’étant arrêté musicalement à un endroit qui lui paraissait juste, pour l’occasion d’un format choisi et défini dans sa longueur, au contact d’un auditeur attentif et investi qui aurait pu écourter son temps d’écoute par tant de fois, tenté qu’il est par tout le reste de la musique du monde.

Dans cet environnement d’ascète, il importe finalement assez peu que Jade fasse de la zumba-reggaeton, de la techno ou du death-rock chargé de death metal progressif et de doom. Son genre premier est d’être à sa place, de prendre conscience de lui-même et de raconter son histoire sans omettre de détails. Aucun, même si à l’inverse, il n’y en aura pas un seul en trop. Toujours est-il que Mysteries of A Flowery Dream, pris dans ce contexte, est un gigantesque album de metal progressif, à condition de lui laisser les vingt écoutes nécessaires pour vous le prouver.

Son introduction, presqu’intégralement instrumentale, est à l’image du reste : indéfinie, puissante et lyrique. Mais essentiellement floue à première vue. En tous cas, pas foncièrement impressionnante. Le quatrième album de Jade, dans ses premières écoutes, paraît « juste » très bien. Le disque tourne, tourne encore et il est temps de se rendre compte que tout, de la narration en chapitres aux guitares jouées à l’accord près, en passant par l’organisation des séquences vocales, des respirations instrumentales, de la place que prend chaque chose dans ce tableau, a soigneusement été pensé pour ne jamais trahir la belle histoire d’un grand album de metal.

Étrangement, ce nouvel album de Jade emprunte, en termes de couleurs musicales, beaucoup à trois formations également connues pour leur capacité à livrer des produits parfaitement finis malgré leur absence de frasque: les légendes du doom-gothique/death-rock Triptykon, ces anti-héros si sous-côtés de Bölzer, artisans d’un blackened death émotionnel et cathartique qu’on ne saurait que trop recommander, et finalement tous les disques éructés par Michael Gira sous la bannière Swans, autre spécialiste quand il s’agit de faire des disques à partir de rien ou presque.

À la différence de ce nouvel album des Espagnols, cette chronique n’a pas réussi son pari de s’étendre sans se répandre. Tout ça est déjà bien trop long alors que je n’ai finalement pas parlé du quart de la moitié de ce que recouvrent ces quarante minutes de musique (les cons ont même réussi à condenser toute leur œuvre sur une durée facilement encaissable). Je n’ai pas évoqué les duos de voix, le lyrisme des soli, la profondeur de la tonalité générale, le thème onirique, la balance parfaite entre énormes guitares et énormes émotions. J’ai à peine évoqué ce qui me semblait évident ou ce que je continue à chaque fois d’y découvrir après des dizaines et des dizaines d’écoutes toujours plus attentives, à tout le moins plus naturelles.

Cet album de Jade n’est clairement pas à prendre à la légère, il concentre d’ailleurs sans le dire toutes les bonnes raisons d’écouter du metal. Bienvenu donc à ceux qui prendront le temps nécessaire à son apprivoisement, ne perdez pas espoir et régalez-vous comme il se doit. Ce disque en vaut tellement la peine.