Money Store

Death Grips

Epic – 2012
par Simon, le 27 juin 2012
9

Il est étrange de voir comme certains parcours musicaux sont cousus de fil blanc. Des destinées en tous points conformes à l’époque dans laquelle elles s’inscrivent. A tel point qu’on est en droit de se demander qui de l’époque ou de l’artiste fait l’autre. Et toutes les accointances musicales semblent subir ce phénomène d’identification – doux paradoxe puisque la musique n’a jamais autant collé au fonctionnement de son auditeur malgré une crise sans précédent du marché du disque. Death Grips est un merveilleux exemple de cette absorption totale de l’artiste par son environnement, et puis par son public. Dans un microcosme hip-hop qui a d’abord imposé la toute puissance des réseaux sociaux (Waka Flocka Flame, Lil B), le retour de l’attitude à tous prix (tout le crew Odd Future, Chief Keef) pour finir sur des visuels sous Instagram, le trio ne pouvait que se fondre dans la masse. En mieux, surement.

Parce que Death Grips, c’est globalement une synthèse de ce qui a été dit dans le paragraphe précédent : une manière subtile de jouer sur les codes du « nouveau » hip-hop US pour imposer son art de manière massive, sans jamais donner l’impression d’y toucher réellement. Hip-hop expérimental, trip industriel, flow de bâtard, Death Grips prend tout au passage en le rendant cru et sale. Une urgence qui, cette fois, finit par un oubli de soi, par une surpuissance de la brutalité créatrice. Une batterie, un clavier qui tape ses lignes de boue et un Stefan Burnett irrévérencieux au chant : un programme qui ne révèle rien de ce disque jusqu'à en taper une première écoute. C’est brut, méchant et calé de manière saugrenue. Et ça tape dans tous les sens surtout. Un produit qui tente tout ce qu’il peut pour conserver sa patte d’artisan, sa manière de monter ses titres avec trois bouts de bois pour mieux gueuler comme un possédé sur la prod’. C’est peut-être la dernière chose qui sépare Death Grips de toute l’imagerie que nous vend la blogosphère hypounette, et ce même si on est indéniablement dans une esthétique qui plaira à tous les vendeurs de bon goût social : cette virulence, cette volonté d’être dur avec soi-même, avec une image qu’on ne voudrait jamais lisse.

Si dans ce disque il y a des relents de dubstep old-school à la Distance, de la composition cartonnesque inspirées par Dan Deacon, des lignes électroniques et indus tirées de Nine Inch Nails, on pense surtout aux deux premiers disques de The Prodigy. Moins dans la singerie que dans la filiation spirituelle, ce Money Store a quelque chose de très cru, de très violent. Une sorte de révolution urbaine globale à l’état de larve, qui se nourrit de tout, qui grandit dans les cœurs et pousse finalement au vomissement de tout. Un disque qui, malgré le carton qu’il provoque, résiste à sa manière dans une époque du tout beau, du calcul comme manière de vivre. Live Fast, Die Young.

Le goût des autres :
7 Julien L