Lifeblood

Manic Street Preachers

Sony BMG – 2004
par Splinter, le 28 décembre 2004
3

"Afterlife". Voici la triste histoire d’un groupe qui a sombré dans l’oubli mais qui voudrait revivre encore un peu les moments où il était dans la lumière. Les Manic Street Preachers ont eu leur heure de gloire outre Manche, et ils ont acquis leur statut de groupe mythique après la mystérieuse disparition de Richey James Edwards en 1995. En France, ils ont toujours été radicalement ignorés, même si leur This is My Truth Tell Me Yyours a malgré tout eu un petit succès à sa sortie en 1998 grâce notamment à l’excellente "If you tolerate this, your children will be next". Globalement, si leur pop 80’s et très teintée politiquement n’a pas les mêmes résonances ici, il faut avouer que c’est un peu normal quand on voit le score de notre PC aux élections, et personne ne s’en émeut plus que cela.

Pourtant, on ne peut s’empêcher de regretter, peut-être par nostalgie un peu bébête, que Lifeblood, leur nouvel album, n’ait même pas encore été distribué par chez nous alors qu’il est sorti – dans l’indifférence quasi générale, semble-t-il – chez nos amis anglais début novembre dernier. Quelles raisons à ce silence radio ? Elles sont en fait assez évidentes, il n’est pas besoin d’aller les chercher bien loin.

D’une, après le four de Know Your Enemy en 2001 (pourtant vraiment très bon si l’on prenait la peine de s’y plonger), un best of mou du genou en 2002 et un double album juste sympa de faces B et inédits en 2003, on ne donnait pas cher de la peau de James Dean Bradfield et de sa petite bande, qu’on disait plus proches de la fin que du début. Et on avait raison.

De deux, dire que cet album est peu inspiré n’est pas le quart de la réalité. On a rarement entendu des morceaux des Manics aussi peu mélodieux, poussifs, sans refrain marquant. Le groupe se fait vieux, c’est très clair maintenant, et on est très loin par exemple d’un titre comme "European Disco Dancer" qui nous avait bien amusé il y a trois ans, voire de "So Why So Sad", qui en a fait pleurer plus d’un dans des moments difficiles. Remarquez, on aurait dû s’en douter. Le single, "The Love for Richard Nixon", avec son rythme pseudo disco et ses nappes de synthés supra kitsch, lancé en éclaireur, manquait déjà singulièrement d’âme et faisait franchement un peu de la peine. Le reste est à l’avenant.

De trois, si on pouvait encore apprécier il y a quelques années l’esthétique du groupe et l’idée de faire passer un message politique généreux, on ne peut aujourd’hui que se gausser du ridicule d’une citation de Descartes en anglais en ouverture du livret. En clair, ce groupe a toujours pété plus haut que son cul, et c’est sans doute ça le plus pathétique. En 2004, quand tu ne vends plus de disques et que tout le monde se fout de ce tu produis, le strict minimum serait d'adopter une position un peu humble. Un mauvais disque, ça arrive, même les meilleurs ont eu des passages à vide. Mais fichtre, les gars, revenez à la raison, ouvrez les yeux ! Plus personne n’a envie qu’on lui fasse la leçon, et l’époque est au je-m’en-foutisme généralisé, The Strokes en tête. Et puis, quand on veut donner des leçons d’esthétisme, on ferait bien de balayer devant sa porte : la pochette de cet album comme les photos qui ornent le livret sont carrément hideuses et de mauvais goût.

En somme, c’est triste à dire, mais il n’y a rien à sauver de ce Lifeblood, pas le moindre petit poil qui se dresse, même pas le minimum syndical. Il y a une dizaine d’années, de manière un peu vacharde, les Manics souhaitaient à REM de finir comme Freddie Mercury. Pourtant, aujourd’hui, on se préoccupe encore un peu de ce que fait Michael Stipe… "Empty Souls" (âmes vides) : ils l’avouent eux-mêmes, et ce disque, le septième album studio, sonne comme le dernier. Salut les gars.

Le goût des autres :
6 Popop