Ego Dissolution
Ancient Death
À condition d’écarter l’influence presque gênante que le passé continue d’avoir sur le genre pris dans sa globalité, les anciens doivent probablement bien rire de ce qu’a pu devenir une certaine frange du death metal contemporain. Si on leur avait dit qu’un jour le développement personnel, la conscience extrême de soi et la lutte pour l’épanouissement remplaceraient les viscères qui giclent aux murs, les pochettes sanguinolentes et la course au putride, probablement qu’un bon nombre d’entre eux aurait préféré se casser le pied plutôt que d’aller en salle de répétition au moment d’écrire leurs classiques.
Ajoutez à cela désormais le traditionnel assaisonnement « cosmic » ou « prog » qui va bien plus ou moins à tout le monde et vous obtenez la nouvelle machine à générer le death cool des 20’s. Si on est déjà content de pouvoir s’enquiller autre chose qu’un enième ersatz des formations qui ont fait le genre il y a trente-cinq ans - malheureusement, tout le monde n’est pas encore au niveau d’Hyperdontia - on est surtout tout simplement heureux de voir ce en quoi Ancient Death et son premier véritable album se sont transformés dans nos oreilles, simplement à coups d’écoutes inlassablement répétées.
On le dit sans véritable cri ni effet d’annonce surjoué : Ego Dissolution est un très beau disque de metal. Joué avec une fluidité qui ne peut qu’être la marque d’un groupe serein sur ses appuis. En recherche constante sur la forme finale à adopter, Ancient Death trouve son équilibre final dans un jeu puissant, mesuré et technique, entre death psychédélique extrêmement mélodique, doom en arrière-plan et légèrement thrash quand il faut rendre la chose plus flamboyante.
Il y a aussi cette voix, plaintive et puissante, qui sait qu’il ne s’agira pas simplement de rendre la chose plus agressive pour convertir l’essai. Le grognement vient ici d’un cœur brisé, incertain sauf dans sa douleur, qui se raconte désabusé et rempli de l’énergie des désespérés. Seul ou en combinaison avec la voix claire de Jasmine Alexander (il faut écouter « Breathe - Transcend (Into The Glowing Streams of Forever » pour le croire), le travail vocal d’Ancient Death respire le vrai et le profond. Tu rajoutes des lignes de basse fretless délicieuses de grooves jazz, une production chaleureuse grâce à son traitement analogique, des additions de coquineries ci et là (je te donne un clavier Moog sci-fi par ici, tu me rends un instrumental tristounet par là) et tu obtiens une œuvre cohérente dans toutes ses signatures rythmiques et dans ses allers-retours narratifs.
Une fois pris en main, Ego Dissolution se révèle alors comme un premier album mis en place avec une humilité déconcertante et une force vive digne des plus grands. Un disque qui a énormément à dire dans la scène death actuelle et qui se finit sur un poignant rendez-vous : « Let the judgments of others leave your mind and fill your heart with vessels of light / Live your life and be who you're meant to be ». Vous avez dit essentiel ?