Dit is Guy

Zwangere Guy

United Systeem – 2025
par Ludo, le 24 septembre 2025
8

Après une succession phénoménale d'albums en solo ou avec Stikstof, la trajectoire de Zwangere Guy a connu un léger coup d'arrêt en 2022 avec Pourriture noble. Sur cet album enregistré pendant le covid, le Bruxellois semblait plus que jamais en guerre avec ses démons, et ses streams of consciousness combinés aux expérimentations du (pourtant génial) batteur Lander Gyselinck donnaient davantage la nausée que le vertige. Mais qu'on se rassure : en 2025, Zet Gee va mieux et revient vollenbak. Il a d’autant plus de mérite qu’il a réussi à tracer sa voie, sinueuse à balle, malgré un chemin parsemé d’embûches personnelles, et ça a fini par payer. Tout ça, nous on le savait déjà. Mais avec Dit Is Guy, toute la Belgique va - enfin - être au courant.

En clair, tous les albums de Zwangere Guy pourraient s’appeler comme le premier, Wie is Guy?. Gorik, l’homme, change — et à chaque mutation, ses questionnements et ses doutes ; ses joies et ses peines. Et comme il cherche depuis des plombes cette paix intérieure, cette quête rend son quotidien aussi pénible pour lui qu’il est passionnant pour les autres. Toujours en proie à de vives émotions, ZG s’emballe, passe du coq à l’âne et pardonne à sa mère tout ce qu’il lui reprochait quelques années plus tôt (« Gorik, Pt.2 »). Outre ce « Dear Mama » version brusseleir, l’homme enceint le plus connu du monde (n'en déplaise à Arnold) nous explique qu’il a pris de la DMT au Costa Rica, ou alerte sur le génocide qui a lieu à Gaza dans une atmosphère 100 % alternative (« Vecht voor papier »). Cette esthétique destroy avec laquelle sont souvent décrits les laissés-pour-comptes peut également faire penser à la clique de La merditude des choses. Mais de là à dire que ce Zwangere Guy-là nous ferait penser à un Seth Gueko qui aurait troqué la Vodkamagra contre un bac de CaraPils il n’y a qu’un pas, qu’heureusement nous ne franchirons pas.

C’est ce côté DIY, grande gueule et blindé de zwanze qui donne ce cocktail détonant dans la musique de Zwangere Guy, et qui rend chacun de ses morceaux intéressant — même s’il a tendance à se répéter, avec le risque de trop s’enfoncer dans l’introspection (« Soms vraag ik me af » — enfin souvent plutôt). Et même si d'aucuns vont en faire un album de la maturité, Dit Is Guy ressemble plutôt à un pot-pourri, avec son lot de fillers - dont le dispensable  « Boksring S.o Krikke 94 », référence à un personnage haut en couleur. Quant à la conclusion de cet album, elle correspond parfaitement à son aspect foutraque : une fantasque reprise de "Vous êtes fous" de Benny B, renvoyant à ce qu'il avait déjà fait avec le « Alane » de Wes sur son album Zwangerschapsverlof vol.3  pour donner naissance au morceau « ZG is zo haai ».

Ça est à dire (pour parler comme dans Bossemans et Coppenolle) qu’on a besoin de cette image de Bruxelles qui change un peu du personnage de François Damiens dans Dikkenek, ou des meilleures parodies des Snuls, sans rompre définitivement avec son héritage. Le gars a beau s’emporter dans la presse flamande sur la ville de Bruxelles qui fout le camp (sûrement depuis qu’il a eu une petite fille, nommée Zaza, et que son regard sur l’insécurité a changé), et sur sa passion nouvelle pour le yoga, au fond il est toujours cet éternel ket qui ne va pas se défiler si vous lui proposez de venir se refaire la cerise dans une bonne brasserie. Certes, il aurait désormais la sagesse de ne pas reprendre de bière (le morceau « Lege Fles », avec le refrain qu’il ne chante pas lui-même comme par pudeur, rappelle étrangement « I Feel Like Dying » de Lil Wayne, alors qu’il était lui aussi au climax de son addiction), mais notre brulaap préféré compensera par des affirmations péremptoires qu’il vous délivrera droit dans les yeux en vous attrapant par le colback, avant d’éclater de rire devant votre tête médusée. Après tout, c’est peut-être lui le seul type suffisamment fédérateur pour enfin former en stoemelings un gouvernement bruxellois après plus de 470 jours de négociations bien couckenbacks. On en est là.

Le goût des autres :