An Insatiable Violence

Cryptopsy

Season of Mist – 2025
par Simon, le 19 novembre 2025
8

Que vous les aimiez ou non, nul ne pourra enlever à Cryptopsy sa capacité à s'être battu pour être à la place qu'il occupe aujourd'hui. Pour beaucoup cependant, il n'y aura jamais qu'un seul Cryptopsy : celui de Dan « Lors Worm » Greening, celui qui dirigeait une troupe de surdoués impossible à canaliser sur ce qui reste comme l'un des meilleurs disques du death metal old school, None So Vile, datant de 1996. Une sorte de chef-d'œuvre à l'aune duquel le groupe sera toujours comparé.

Comme Suffocation avec son Pierced From Within, Cryptopsy a été condamné par son plus grand disque, ne connaissant pas par la suite la gloire qui lui était promise. Une formation maudite par son chef-d’œuvre qui restera pour l'éternité dans l'ombre du deuxième cercle. Ce beau boulet, Cryptopsy le traînera avec toute la pénitence du monde jusqu'au deuxième départ du charismatique chanteur en 2007. Matt McGachy, qui reprendra le flambeau, apprendra à la dure qu'internet ne pardonne jamais. Méchamment irrité par le flot de chroniques négatives à propos de The Unspoken King sorti en 2008 – qui critiquait notamment le revirement deathcore du groupe – le nouveau venu ira jusqu'à insulter ses détracteurs sur un titre spécialement écrit pour eux (« It's Dinner Time »), qu'ils ont pris un malin plaisir à jouer en ouverture de leurs concerts. Leurs fans ne leur pardonneront jamais.

C'est donc un groupe en délicatesse avec son public qu'on retrouve Cryptopsy en 2025. Sans véritable lettre d'intention, les Québécois le savent, rien ne pourra plus changer pour eux. C'est précisément ce qui nous amène à An Insatiable Violence, à l'urgence d'un groupe qui voudrait hurler à la face du monde qu'il est non seulement aussi valide que son précédent line-up – il est amusant de noter d'ailleurs que cette formation est en l'état la plus longue de l'histoire du groupe – mais qu'il faudra définitivement inscrire le nom de Cryptopsy sur les tablettes des plus grands groupes de death metal. Une chose que Cryptopsy n'a jamais lâché, c'est sa capacité à être techniquement meilleur que tout le monde. Plus brutal, aussi. On pourrait célébrer ce nouvel album rien que pour sa capacité à défier les lois de la gravité en terme de son abrasif, de calage rythmique et de prouesses technico-techniques. La virtuosité prise pour elle-même n'engendrera jamais un grand disque, mais couplée à la brutalité sans fin du groupe, elle est le véritable ADN de cette bande de brutes épaisses.

Flo Mounier a depuis longtemps prouvé qu'il était probablement le meilleur batteur de la planète et repousse encore un peu plus les limites de l’humainement acceptable en terme de section rythmique. Posséder une telle sulfateuse ne servirait à rien sans des murs de guitares complètement absurdes. Aucun souci de ce côté-là non plus puisque ces huit titres débordent de riffs colossaux, aux vibrations massives quoiqu'assez fines pour un élagage de cette violence. Certains nous diront que la production flirte encore et toujours avec le deathcore (ce qui est un pêché dans tous les cas, malheureusement), usant et abusant de breaks qui pourraient sonner comme scriptés. Mais, bordel, que c'est puissant. Que ces ruades sont belles à prendre dans la gueule. Que cette technicité mise au service de l'ultra-violence est agréable à entendre dans nos oreilles ébahies. Le meilleur de Cannibal Corpse qui rencontre le meilleur de Cattle Decapitation, sans une seconde de pause, sans jamais mettre le pied sur le frein. Dans toute cette urgence, Matt McGachy vient couronner de sa voix multiple un groupe impossible à satisfaire, qui a poussé tous les curseurs au maximum du maximum pour être sûr d'être à nouveau pris au sérieux. Qu'on oublie ce que le groupe aurait dû être et qu'on accueille le Cryptopsy nouveau, non pas tant dans sa forme mais dans ses intentions. Ils peuvent désormais revenir en tournée par chez nous, tout est pardonné.

Le goût des autres :