Princess Nokia, Chynna et IAMDDB portent haut les couleurs d'un rap féminin qui sent bon l'empowerment

par Amaury, le 11 septembre 2017

On s’était réjoui de voir débarquer Princess Nokia sur Rough Trade qui n’a pas attendu pour capitaliser les talents de sa nouvelle protégée en rééditant dans la foulée sa mixtape 1992 sous la forme d’une version deluxe, avec 8 titres supplémentaires.

Cette sortie est escortée par le clip de « Flava » que Princess Nokia a réalisé aux côtés de Milah Libbin. Après un long monologue, l’ambiance intimiste bascule sur une tonalité parodique qui se charge de railler le ridicule des bourgeoises new-yorkaises. Au travers de ces deux volets, tant inspirés que percutants, l’artiste poursuit l’une de ses lignes principales de combat : la valorisation de la solidarité féminine, l’amour de soi et l’empowerment des femmes.

Pour prolonger ce beau travail, on souhaitait mettre en avant deux artistes du game qui tendent à le plier aussi bien que la princesse.

Commençons par Chynna Rogers dont l’expression s’apparente à celle de cette dernière, sur des vagues sombres qui rappellent les nappes et le phrasé de Tommy Genesis. Elle se situe même entre ses deux homologues avec une lourde frappe presque retenue, comme étouffée, qui s’étend et se déploie.

Ayant d’abord entamé une carrière comme modèle, Chynna s’est lancée dans le rap vers 2013, après avoir pas mal traîné avec A$AP Yams et quelques autres membres du A$AP Mob. L’entourage oblige, de Philly à New-York. Et ce n’est pas plus mal, puisque la jeune cador de 22 ans s’est battue contre plusieurs addictions qu’elle n’est parvenue à rejeter qu’avec l’aide de la musique.

Si elle possède déjà une flopée de projets et de titres, il faut surtout se pencher sur son précédent EP, Ninety, fort d’une locution pesante sur laquelle planent des ambiances glauques et obscures. Reste à préciser que le garçon manqué a très souvent été comparé à des artistes masculins, au sujet de cette manière particulière – probablement par ignorance. La « Tomboy » libère évidemment sa puissance lunaire comme ses consœurs et vient gonfler les rangs d’une armée proprement féminine.

Car c’est une évidence, le rap indé regorge à l’heure actuelle de talents féminins qui ont peut-être commencé par des productions trap – plutôt assimilable à une masse généralement masculine – mais qui se sont progressivement écartés des tendances, sans pour autant constituer de niches. Il suffit de voir le flux permanent que propose Madame Rap.

Avec un parcours inverse de celui de Chynna, IAMDDB s’est rapprochée de la trap au fur et à mesure de ses exploits, en conservant son originalité propre.

L'Anglaise Diana Debrito s’est donc plutôt illustrée dans le R&B alternatif, depuis ses débuts, avec des morceaux qu’elle qualifiait « d’urban jazz ». Et elle avait bien raison. Toute son œuvre hésite entre la nu-soul et le R&B, sous des allures de Jorja Smith, Erykah Badu ou Lianne la Havas qui auraient envie d’autre chose. De faire claquer le palais. L’artiste s’est ainsi envoyée deux EP, WAEVEYBBY, volume 1 et Vibe, volume 2.

Une douceur électronique superbe glisse sur tous les titres. IAMDDB pouvait sans aucun doute se faire un nom dans le genre. Ses manières tranchées et déterminées apportent un plus à ce R&B souvent rencontré, souvent trop léger. Pas de redites et de la diversité – sur deux ep. Puis la gentille fille jazzy est devenue une caïd. En sortant son troisième volume, Hoodrich, IAMDDB s’est lancée dans le game. La langue assume ses syncopes, claque de la trap et suit des fluides bien soul dans des martèlements électroniques bien raps. La chef ne change pourtant pas, elle se diversifie, toujours plus. La finesse reste la même que celle présente sur ses productions précédentes. Elle s’encanaille.

Ces 3 exemples viennent confirmer à sa suite le message que posait une autre reine, Litlle Simz, sur l’ouverture de son premier album A Curious Tale Of Trials + Persons :

A tale of gain and loss
Trials and persons will be explained
Don't be intimidated but it's OK to be confused
All will make sense in the end
They took her wings and told her flying was impossible
They told her women cannot call themselves kings
They told her fame is not made for everyone
Trials and persons will be explained
Women can be kings