Interview

We Hate You Please Die

par Nikolaï, le 13 juin 2023

Les apparences sont trompeuses, comme le dit souvent l’inénarrable pilier de comptoir Kiki au PMU de mon quartier. Prenez le groupe de garage/punk We Hate You Please Die, originaire de Rouen. Leur patronyme laisserait à penser qu’on aurait affaire en interview à des personnes récalcitrantes impatientes de nous chier dans les bottes. La réalité est toute autre. Goûte mes Disques a pu le constater lors d’un Zoom avec les adorables Chloé, Joseph et Mathilde. Chats vissés sur les genoux, le groupe a discuté timidement de leur futur à trois après le départ du chanteur Raphaël ou encore de leur engagement féministe. Un Zoom sponsorisé par l'anxiété sociale et la bienveillance.

Le groupe vient de passer d’un quatuor à un trio, après le départ du chanteur Raphaël. La transition n’a pas été trop dure ?

Joseph : Tu abordes direct les questions épineuses ! On a toujours été en osmose sur la partie instrumentale avec Chloé et Mathilde, depuis le tout début. Du coup, je n’ai pas trouvé la transition si compliquée que ça. Aucune perte de repère à part sur scène !

D’ailleurs, vous venez de recommencer à tourner. Des nouveaux automatismes ou ajustements se sont créés ?

Chloé : Oui… Déjà, j’ai pris le lead au niveau du chant. Notre live est pratiquement un nouveau set de A à Z. Il y a juste une chanson et une reprise qu’on jouait déjà quand on était quatre. Au départ, c’était effectivement étrange. Personnellement, j’ai vite pris le pli malgré le stress d’imaginer ce que les gens allaient penser des nouveaux morceaux. J’ai l’impression qu’on est quand même rapidement passé à autre chose. On est satisfait du nouveau set et de tout ce qui arrive !

Vous partez aussi au Canada pour défendre cette nouvelle formation. C’est la première fois ? Votre degré d’excitation est à combien sur l’échelle de Richter ?

Joseph : Magnitude 9 ! On décolle dans quelques jours et on fait 9 concerts en 10 jours dans toute la partie sud-est canadienne. C’est la première fois qu’on va jouer en Amérique… Les seuls concerts qu’on a fait à l’étranger jusque-là étaient en Suisse et en Belgique. On a aussi joué à la Réunion. C’est la France mais c’est vachement loin quand même ! Mon degré d’excitation est proportionnel à mon degré de stress mais on est carrément content. On te fera un briefing en rentrant pour te raconter comment c’était !

Le groupe a toujours intégré depuis ses débuts de la pop dans son punk et du punk dans sa pop. Je trouve que les nouveaux singles versent plus dans un minimalisme punk rentre-dedans. C’est une direction musicale qui vous parle en ce moment ?

Mathilde : Je pense surtout que nous avons évolué musicalement depuis nos premiers morceaux qui datent de 5 ans. Nos influences ont changé également. Et puis, on avait juste besoin d’un truc rentre-dedans oui !

Chloé : On voulait des chansons efficaces et qui allaient droit au but pour notre retour. Pour d’autres morceaux qu’on joue déjà en live et pour la préparation du futur album, ça ne sera pas que cette direction musicale…

Joseph : On a toujours l’envie de proposer quelque chose qui ne soit pas que du punk dans du punk, du coup. Je n’ai pas l’impression qu’il y a un énorme virage musical mais plutôt une évolution naturelle. C’est de toute façon toujours des trucs qu’on aime !

Les nouveaux singles sont aussi très politisés et fièrement féministes. C’est quelque chose qui vous tenait à cœur, particulièrement en ce moment ?

Chloé : Maintenant que j’ai pris le chant, je voulais traiter de sujets qui me touchent personnellement. Comme la sororité et le droit à l’avortement puisque c’est les thèmes des nouveaux singles. Ce droit peut nous être repris à tout moment en France. C’est important et d’actualité. Je pense notamment aux Etats-Unis ou c’est encore très compliqué…

C’est aussi une manière d’éviter le cynisme et de toujours aller au charbon pour lutter contre les inégalités ? La musique sert aussi à ça ?

Chloé : Oui ! À notre échelle évidemment. C’est pour ça qu’on a mis les paroles en avant dans tous les articles de presse qui sont sortis. C’était hyper important pour nous d’évoquer ces sujets, en tout cas pour "Sorority" et "Control".

D’ailleurs, de plus en plus d’initiatives féministes fleurissent dans le monde de la musique. Je pense notamment à More Women on Stage. Chloé, tu as lancé Go Girls avec Lucie Marmiesse. Tu peux m’en dire plus ?

Chloé : On a lancé ça il y a un an ou deux… J’ai un énorme doute, je me perds dans la notion du temps ! L’idée vient de Lucie Marmiesse qui est notre attachée de presse et une copine à nous. Elle avait envie de prendre des portraits de femmes et de leur donner la parole. On a réfléchi à ce qui était faisable et on a créé un compte Instagram qui s’appelle Go Girls. Lucie s’occupe de prendre des polaroïds et on peut lire une petite interview avec les mêmes questions à chaque fois. Ce sont des femmes qui travaillent toutes dans le milieu de la culture, mais pas uniquement dans la musique : le cinéma, le théâtre, la photographie… Elles parlent de leurs vécus, du sexisme et plus généralement des obstacles qu’elles ont pu rencontrer.

On a déjà parlé de We Hate You Please Die comme d’un des groupes les plus prometteurs de l’Hexagone. Ce genre de remarque vous fait paniquer ou ça vous galvanise ?

Mathilde : Dès qu’on reçoit un compliment super gentil, c’est la pression !

Joseph : On fait la musique qu’on aime mais je ne suis pas persuadé qu’on soit le groupe le plus prometteur. Surtout dans un pays avec autant de talent que la France ! Y a rien de pire pour se mettre une pression malsaine.

Le nom du groupe est une référence à Scott Pilgrim que j’adore. Vous êtes hypés par l’annonce de l’adaptation en série animée sur Netflix ?

Mathilde : Oooooh !

Chloé : J’étais pas au courant ! Du coup, considère moi hypée oui !

Joseph : Grave. Ça va être classe.

Je me suis intéressé à We Hate You Please Die parce que le nom m’a tout de suite parlé et intrigué. C’est le cas pour vous et d’autres groupes que vous avez découvert à peu près de la même manière ?

Joseph : C’est grâce à 15 ans d’études de marketing ! Ça va être compliqué de choisir… Surtout qu’on va avoir des réponses individuelles. Je pense à Queens of the Stone Age, qui m’a énormément marqué. Et c’est toujours le cas, même si j’écoute moins qu’avant. Y aura toujours dans un coin de ma tête quelque chose qui me fait dire que ce sont des génies.

Mathilde : Bikini Kill, que je trouve archi badass. Quand on est une femme musicienne amenée à faire des concerts, c’est quand même une grosse inspiration et une grosse force.

Chloé : Je suis en pleine réflexion mais je n’arrive pas à trouver un truc là tout de suite ! Si ça me vient, je t’interromps pour te le dire !

L’aspect visuel semble important pour le groupe. C’est la somme des sensibilités de chacune et de chacun ?

Joseph : Pour les pochettes et les clips, on a toujours laissé carte blanche aux artistes photographes et vidéastes. Nous n’avons jamais trop donné de ligne directrice. Sur scène, je trouve qu’il y a une certaine authenticité. Aucun calcul sur l’esthétisme… C’est assez sobre et carré. Ça vient du fait qu’on est déjà à peu près comme ça dans la vraie vie.

Chloé : Ça dépend qui !

C’est quoi alors la suite pour We Hate You Please Die ? Vous avez la tête aux compos pour le prochain album ou ça en est déjà à un stade plus avancé ?

Joseph : On est déjà pratiquement que sur des nouveaux morceaux sur la tournée qu’on est en train de faire. Une bonne partie a été composé durant l’hiver. Notre prochain album n’est pas encore enregistré mais on ne se précipite pas. C’est assez frais et d’autres idées vont arriver d’ici-là. On planche pour 2024 en gros, avec un gros flou sur la période.

Chloé : Je me suis décidé au fait sur le nom du groupe que je choisis ! Slowdive. Je trouve que le nom est bien lié à leur musique. Vive le shoegaze.