Dossier

Television Rules The Nation #24

par la rédaction, le 18 décembre 2023

Chaque numéro de Television Rules The Nation, ce sont cinq suggestions, qu'il s'agisse de films, de séries ou de documentaires. Et à chaque fois, un lien avec la musique, mais pas forcément avec l'actualité, le dossier se voulant d'abord être alimenté par la seule envie de partager des contenus de qualité.

Divertimento

Dans le genre des films « bien-pensants » mais surtout mal-réfléchissants, les histoires de jeunes de banlieue qui réussissent malgré les épreuves dans des domaines traditionnellement l’apanage de la bourgeoisie, c’est une pente facile à prendre.

Sauf que dans Divertimento, l’histoire est vraie, et réelle. Zahia Zouani (Oulaya Amamra), née en 1978 à Pantin, veut percer dans le milieu de la musique classique, mais pire encore : elle veut être cheffe d’orchestre. Avec sa sœur Fettouma (Lina El Arabi), violoncelliste, elles intègrent le bourgissime lycée Racine, et sont confrontées à la violence d’un milieu qui les rejette ostensiblement. C’est là où le film de Marie-Castille Mention-Schaar trouve sa subtilité, en se faisant l’image de cet art dont Bourdieu écrivait qu’il était « le plus classant de tous ».

Cette violence, c’est des mots, mais surtout, et plus insidieusement des regards, des gestes, et une situation qui ne trouvera sa paix que par un concours de circonstances rarissimes : un capital familial déjà conséquent, la latitude donnée par les collectivités au conservatoire de Pantin, mais aussi la présence du légendaire chef d’orchestre roumain, Sergiu Celibidache (joué par Niels Arestrup), qui prend Zahia Zouani sous son aile et l’aidera à monter l’Orchestre Divertimento, qui existe et tourne toujours. (emile0)

Split

Quand l’autrice de l’excellent essai cinématographique Le Regard féminin, Iris Brey, se met elle-même derrière la caméra, on est forcément un peu curieux. Dans cette courte série (cinq épisodes de dix-huit minutes), le personnage joué par Alma Jodorowsky se laisse entraîner par la naissance d’un désir lesbien pour sa collègue de plateau, une jeune actrice jouée par Jehnny Beths. Au-delà d’une intrigue relativement simple, le film repose sur l’association entre ce qu’on imagine être un véritable female gaze selon Iris Brey et la bande-son proposée par les deux légendes que sont Rebeka Warrior et Maud Geffray.

Le résultat est un glissement évident sur le spectre qui va de l’ambiance voluptueuse à la musique de club. On notera la cohérence du propos, même si les deux artistes se sont partagées le travail. Rebeka Warrior est en charge du générique et de toutes ses variations, tandis que Maud Geffray a pris en main toute la bande originale. Et si la série est parfois un peu premier degré dans le scénario, le travail conjoint de la musique et de l’image en font une chouette proposition. (emile0)

La Grande Magie

De quoi parle La Grande Magie, cette pièce d’Eduardo De Filippo, reprise au cinéma l’an dernier par Noémie Lvovsky ? Assurément du temps qui semble s’arrêter dans ces ces fins d’été à la campagne, et de ces journées à la Thomas Mann où l’aube et le crépuscule se confondent ; de l’amour, agent chaotique pour une vie réglée et monotone ; mais aussi de l’art.

Dans cette France méditerranéenne des années 1920, le Professeur, un magicien interprété ici par Sergi Lopez, met de l’extraordinaire dans l’ordinaire. Alors qu’il fait « disparaître » Marta, la femme de Charles, voici qu’elle disparaît pour de bon. Entre le rêve d’une magie qui devient possible et la douleur d’un homme incapable d’exprimer son amour, le film de Noémie Lvovsky se mue en comédie musicale orchestrée par Feu! Chatterton. De la chansonnette amoureuse à l’atmosphère inquiétante de celles et ceux qui plongent dans la folie pour éviter d’affronter la mort – la leur comme celle des autres - le film trouve un point de cohésion particulièrement audacieux et rafraîchissant tout en n’étant pas du tout de son époque. Et surtout une belle occasion de voir Sergi Lopez donc, mais aussi François Morel, Judith Chemla (incroyable dans le film) ou Rebecca Marder donner de la voix. (emile0)

Robot Dreams

Il en fallait tout de même, une sacré dose de culot, pour accoucher d’une telle œuvre. Robot Dreams, ou Mon Ami Robot par chez nous, est en effet un long métrage d’animation surprenant, déroutant. Non par son sujet, l’histoire, simple mais jamais simpliste, d’un chien qui se lie d’amitié avec un robot. Non par sa forme, inspirée du roman graphique du même nom, coloré, enfantin presque.

Non, là où Robot Dreams épate, c’est par son choix, radical, du muet. Ici, pas une parole n’est échangée, tout passe par les sons, et par la musique. Cri d’amour au New-York des années 80 (ville où a vécu, à cette époque, le réalisateur Pablo Berger), Robot Dreams tient en grande partie debout grâce aux compositions de Alfonso de Vilallonga, tantôt discrète, tantôt redondante, donnant à cette histoire un rythme, une musicalité, des dialogues même. Et quand surgissent les premières notes du "September" de Earth Wind & Fire, tube ô combien usé, irritant, c’est bien davantage qu’un classique qui résonne, mais les mots même d’un chien, et d’un robot, qui revivent leurs plus belles heures. Bouleversant. (Nico P.)

Encore Une Danse

Il y a 30 ans, Carlos et Margarita étaient le couple de danseurs de tango le plus célèbre du monde. Mais ils se sont éloignés, brouillés même. Carlos vit aujourd'hui à Madrid, profitant de la seconde chance que la vie lui a offerte, et Margarita vit à Buenos Aires, plongée dans la solitude et l'oubli. Un événement soudain va obliger le couple à se réunir.

Encore Une Danse est un road-trip dont le but est finalement moins important que le voyage, qui leur fera affronter leurs souvenirs, leurs peurs, leurs désirs. Et leurs corps. Car c’est bel et bien là que le film est le plus enivrant. Quand ces deux individus, hier dansant, hier enjoués, se voient face à face, incapables de succomber à la musicalité, au rythme. Vieux, tristes, ternes, ils n’entendent plus les notes, ne connaissent plus les pas. Le tango, ici, est la métaphore de la vie, une vie désormais trébuchante. (Nico P.).