Concert

The Cure

Sportpaleis, Antwerpen, le 23 novembre 2022
par Eric, le 27 novembre 2022

Comme attendu, il y avait du monde dans les stations de tram menant au Sportpaleis, salle davantage réputée pour son accès pénible que pour la qualité de son acoustique. Et ça n'est pas la pluie et le froid qui ont démotivé la masse parquée devant l'arène anversoise en possession d'un ticket acheté il y a un an à l'annonce de la tournée européenne de The Cure. Le pays est petit donc une seule date fera l'affaire - la France aura eu droit à pas moins de huit dates -,  mais le public belge est fidèle au groupe de Robert Smith et le Sportpaleis s'est rempli aussi vite que la vessie d'un participant à l'Oktoberfest.

Si le groupe anglais n'est pas rare sur scène (il était de tous les festivals en 2019), il faut remonter à 2000 pour une tournée en salles articulée autour d'un nouvel album, Bloodflowers. Malin, le corbeau le plus célèbre de la planète aura régulièrement botté en touche en ne défendant en 2004 l'album éponyme du groupe qu'en festival et en postposant la sortie de 4:13 Dream juste après la tournée des salles européennes en 2008. Et même si ça nous chagrine un peu de l'écrire, peu importe que rien de neuf n'agrémente les setlists des prestations à rallonge des Anglais, chaque tournée ressemblant plutôt à une occasion rêvée pour toute une nouvelle génération de fans de se frotter à ce répertoire impeccable dans lequel on finit toujours par se replonger. Et c'est ce qui distingue peut-être The Cure d'autres dinosaures du genre, U2 et Depeche Mode en tête, dont les tournées sont annoncées avant autant de fracas que le lancement d'un nouveau smartphone. 

Particulièrement en forme depuis de la dernière tournée d'été, Robert Smith n'avait pas manqué d'annoncer que le groupe était enfin entré en studio pour mettre fin à presque quinze années de silence discographique. Comme d'habitude, les annonces foireuses et les rumeurs n'ont pas manqué, le frontman allant même jusqu'à dire que le groupe ne tournerait pas tant et le retour d'un Perry Bamonte pas rancunier plus de quinze ans après son éviction. 

C'est donc à six que The Cure traine son spleen XXL dans des tailles du même acabit depuis huit semaines avant d'atterrir chez nous pour une prestation de 2h40 qui a mis beaucoup de monde d'accord, pour peu que l'on ne soit pas venu en espérant danser sur les nombreux hits du groupe. Connu pour varier les setlists d'un soir à l'autre, la constance de ce Lost World Tour est de présenter des titres devant figurer sur ce monstre du Loch Ness qu'est devenu Songs From A Lost World et dont le public belge aura découvert cinq extraits sur un total de vingt-huit titres. 

Dès l'ouverture avec un nouveau titre, "Alone", l'ambiance générale s'annonce plutôt triste et mélancolique - Smith a été visiblement touché par une série de deuils familiaux - et le reste du concert sera du même tonneau. Hormis quelques singles comme "Pictures Of You", "Lovesong" ou "A Night Like This",  il faudra attendre "Play For Today", "Charlotte Sometimes" ou l'épique "Push" pour sortir une partie du public d'une forme de torpeur possiblement due à l'enfilage de perles noires que sont "Burn", "At Night", "Cold", "Shake Dog Shake", "The Last Day Of Summer" ou l'inattendu "The Hanging Garden". Débarrassé de quelques titres (au hasard "Never Enough"ou "Wrong Number") qui avaient tendance à affaiblir les prestations auxquelles on a assisté, le cru du jour a des allures de messe noire idéale. Le genre que l'on aurait bien échafaudée adolescent dans les marges de nos cahiers, en y rajoutant juste quelques bonnes tranches de Disintegration qui ont fait défaut ce coup-ci.

Peu d'effets de manche et visuels, le son est énorme et correct pour l'endroit, le jeu de basse de Simon Gallup fait toujours des merveilles, Robert Smith chante mieux que jamais et les chansons dans leur plus simple appareil, entre ombre et lumière, font le reste. C'est l' hypnotique "Endsong", long de dix minutes et qu'on est curieux de découvrir sur disque, qui clôture alors les nonante premières minutes d'un concert dense et hyper généreux.

Le groupe reviendra pour un premier rappel avec l'inévitable "A Forest" pour finir, mais surtout le plus rare et spectral "Faith". Et n'en déplaise aux rageux pour qui plus rien n'est valable depuis 1982 (ou 1989 pour les plus tolérants), The Cure n'en serait sans doute pas là aujourd'hui sans une kyrielle de tubes pop aussi imparables que pas toujours taillés pour la scène. Robert Smith, visiblement heureux d'être là, enclenche le jukebox final avec "Lullaby" avant le le triplé The Walk" / "Let's Go To to Bed" / "Close To Me" et les éternels "Friday I'm In Love" / "In Between Days" / "Just Like Heaven" avant un dernier "Boys Don't Cry" et de lâcher un "This was fucking great! See You Again!" semblant venir du cœur. On est pas obligé de le croire mais peu importe, un soir de novembre pareil ça fait vraiment beaucoup de bien par où ça passe.