Tired Of Tomorrow

Nothing

Relapse Records – 2016
par Quentin, le 23 juin 2016
8

Tired Of Tomorrow, voilà le titre évocateur d'un verre à moitié vide. Porté par l'énergie du désespoir, ce deuxième album de Nothing touche au sentiment paradoxal mais réconfortant de n'avoir plus rien à espérer. Domenic Palermo et sa bande vantent les mérites d'un quotidien désenchanté qu'ils ne connaissent que trop bien. Des cellules de prison à la perte de parents proches, en passant par une agression quasi mortelle, le parcours du groupe n'est définitivement pas une sinécure. Toute cette frustration se retrouve sur Tired Of Tomorrow, un disque qui flaire bon le shoegaze et les 90's.

Pour ceux qui connaissent bien le groupe, ce petit dernier des pensionnaires de chez Relapse Records se révèle aussi beau et sombre que son prédécesseur Guilty Of Everything, sorti en 2014. On y retrouve cette détresse, ce son puissant et tous ces ingrédients qui, dans les années 90, ont fait le succès de My Bloody ValentineSlowdive ou Lush - les guitares lourdes, le marécage de disto, le brouillard de reverb et toussa. Tous ces codes, les gars de Nothing les ont parfaitement assimilés. Ils perpétuent fièrement la tradition, non sans y ajouter un peu de nouveauté. Dans cette actualisation des formules, les gars de Philadelphie construisent un univers à la fois sombre et fragile. Sur papier, on pourrait imaginer le groupe signer sur n'importe quel label indé un peu cool, pourtant à l'écoute des textures sonores développées, on comprend mieux leur filiation avec Relapse, label plutôt habitué à donner dans les trucs qui buttent aveuglément des gerboises.

Vous l'aurez compris au bout de ces quelques lignes, Nothing n'avait pas vraiment le cœur à la gaudriole au moment de composer cet album. De toute façon, à l'écoute du disque, on aurait bien du mal à vous faire croire le contraire. Reste que le groupe a eu suffisamment d'intelligence et de talent pour s'en aller puiser de l'énergie dans les pires moments, pour produire un disque que cette fameuse énergie du désespoir évoquée plus haut propulse vers les sommets d'un genre très codifié certes, mais avec lequel on peut encore s'amuser. Et si le titre de l'album suggère que rien n'ira plus, la (dé)charge émotionnelle que constitue Tired Of Tomorrow nous laisse espérer le contraire.