The Satanist

Behemoth

Nuclear Blast – 2014
par Simon, le 2 juin 2014
8

Ce disque de Behemoth, on ne l'attendait plus. Pour deux raisons. Tout d'abord parce que tout groupe étiqueté "metal" (quelle que soit son obédience) finit invariablement par tomber dans cette catégorie des super-formations qui peinent à se renouveler, préférant les magmas d'influences multiples aux œuvres urgentes. Et Behemoth, ce sont 25 ans d'une carrière débutée dans le raw black metal pour évoluer vers un death technique, avant de repasser par une fusion des deux. Surtout que tous ces groupes font face à un défi qui n'existe que dans leurs sphères : comment supporter le poids des années quand tout doit nécessairement se jouer à l'énergie. Crie-t-on à 45 ans comme on pourrait le faire à 20 ? La deuxième raison, et certainement la plus importante, c'est que Nergal  - frontman et véritable cœur du groupe - a dû affronter une leucémie, dont le Polonais semble aujourd'hui sorti. Une pause forcée de quatre ans, où la vie s'est jouée à un fil. Après une telle épreuve on se serait tous mis à élever des chèvres au calme dans le Lubéron (pour une fois que l'ami Burzum aurait pu nous inspirer quelque chose de positif...), mais pas lui. Non, Nergal est de nouveau dans les starting-blocks, en forme. Et miracle: malgré les circonstances évoquées plus haut, Behemoth nous sort peut-être son plus grand disque. Une performance absolument étourdissante, qui se constate dès la première écoute, entre renforcement de choses déjà connues et véritables partis pris musicaux.

The Satanist est à l'image de sa pochette : mystérieux, lyrique et puissant. Neuf titres qui se déroulent comme une succession de bonnes idées, toujours entre black et death metal. Un disque raffiné, réalisé par des mecs à qui on pourrait, au mieux, apprendre à jouer de la flûte. Comme ces grands livres d'aventures où il arrive une couille au héros toutes les vingt pages, The Satanist est un disque qui ne se refuse aucun rebondissement, aucun changement de hauteur, sur toutes ses composantes. Un bon système audio vous révelera une guitare basse délicieuse, claquée, métallique et magnifiquement équilibrée (le groove de "The Satanist", entre autres). Behemoth se permet également l'inclusion de cuivres et de chœurs féminins en périphérie du corps principal, ce qui n'est qu'un élément de plus à rajouter à la puissance lyrique de The Satanist. Des arrangements et une production épiques, parfois à la limite de l'acceptable, mais qui font toujours mouche comme en témoigne "Ora Pro Nobis Lucifer" ou l'incroyable final sur "O Father O Satan O Sun".

Et puis on ne va pas se mentir: ce disque est une fois de plus une histoire montée de toutes pièces par un Nergal démoniaque, et extrêmement consciencieux. Tout tourne autour de ce Polonais que rien ne semble calmer, pas même la Mort. Sa voix est hargneuse, et atteint des pics d'évocation assez rares ("The Satanist", "Amen", "Messe Noire" ou "O Father O Satan O Sun"). Une présence vocale tout sauf stéréotypée, qui abandonne les voix pitchées du black metal et le chant guttural pour travailler une veine gueulée mais claire, paradoxalement proche de ce qu'on pourrait entendre chez les meilleures formations de punk-hardcore. Tout cela mis ensemble donne un album où tous les titres explorent des sillons différents, tout en restant une œuvre magnifique d'agressivité black/death. Rajoutez à cela un livret intérieur où Nergal s'étend sur la composition de chaque piste, des lyrics affolants de blasphème et de satanisme niais et vous obtenez une œuvre mystique de premier choix, qui s'impose directement comme un des candidats au poste du disque metal de l'année.