The Course of the Inevitable III: Pieces of My Pain

Lloyd Banks

Money By Any Means – 2023
par Jeff, le 27 juillet 2023
8

Contrairement à certains artistes que ça ronge de l’intérieur, Lloyd Banks semble s’accommoder de son statut d’homme de l’ombre. Déjà à l’époque de la G-Unit, il n’avait aucun problème à jouer les lieutenants dévoués, laissant à 50 Cent la lumière et les beefs à répétition avec ceux qu’ils considéraient comme de simples pions (Young Buck, Tony Yayo) ou une concurrence menaçante (The Game).

Bien à l’écart des remous, le natif de Baltimore perfectionnait une technique qui a toujours fait de lui le meilleur rappeur de la G-Unit. Sauf que contrairement à Curtis Jackson, il n’était pas un businessman dans l’âme, et quand Fifty a envoyé son crew dans le mur, ses membres n’ont pu compter que sur leur talent pour survivre. Et ce n’est pas un hasard si Lloyd Banks est celui qui a le mieux tiré son épingle du jeu sur des projets sortis dans une indifférence imputable à son incapacité à se vendre ou faire des concessions.

Probablement ragaillardi par le retour en grâce du boom bap tel qu’on le concevait dans son Queens dans les années 90, Lloyd Banks s’est décidé à repartir pour un nouveau (ultime ?) tour de piste en se lançant dans une trilogie alors qu’il a atteint un âge où personne ici ne lui en aurait voulu de passer du temps en famille à profiter des royalties générées par « Poppin’ Them Thangs ». Et preuve que sa crédibilité est intacte, des gens comme Freddie Gibbs ou Roc Marciano se sont fait un réel plaisir d’honorer de leur présence le premier volet de The Course of the Inevitable, qui nous a rappelé combien Lloyd Banks n’avait besoin de rien pour faire des miracles : quatre kicks, une snare, une boucle de piano et le tour est joué.

Nous sommes deux ans plus tard, un second volume tout à fait recommande est passé par là, et le moment est venu pour Lloyd Banks de finir le travail avec un troisième opus riche de seize titres, tous produits par de parfaits inconnus. En même temps, même s’il a pu côtoyer les meilleurs en studio, Lloyd Banks n’a jamais été le genre de rappeur à se fondre dans le moule, mais plutôt à faire son business en espérant que les autres le suivent lui et son flow rocailleux dans son délire – ce qui explique peut-être pourquoi ses collaborations avec Scott Storch ou Timbaland ont été des histoires sans lendemain.

Alors dès les premières mesures de l’impeccable « Pieces of My Pain », Lloyd Banks ne fait même pas l’effort de nous faire croire que cette partie conclusive sera l’occasion de voir les choses en grand ou de proposer quelque chose de neuf : « Boom-bap, I'm quarterback, who the fuck you think taught 'em that? ». Autant dans le fan service que dans le plaisir d’être encore là en 2023, Lloyd Banks brille par sa générosité au micro et sa capacité à faire entrer en fusion son flow menaçant et les productions lugubres qui l’accompagnent. Et bien qu’on se régale sur ce genre de disque de la présence d’un Tony Yayo qu’on croyait éteint ou d’un Method Man qui fait le taf sur le mélancolique « 101 Razors », The Course of the Inevitable III: Pieces of My Pain ressemble fort à un disque à la gloire de son géniteur, de son talent et de sa résilience dans un milieu qui n’aura jamais su le reconnaître à sa juste valeur – tout cela sans jamais sombrer dans la colère stérile et le mauvais esprit revanchard.

On aimerait vous dire qu’avec cette trilogie, Lloyd Banks va enfin être reconnu à sa juste valeur, rejoindre LL Cool J ou Jay-Z dans la liste des rappeurs introduits au Rock’n’Roll Hall of Fame et crouler sous les co-signs de la jeune génération. Mais non, Lloyd Banks est juste un grand rappeur, rien de plus. Mais ça suffit amplement à notre bonheur. Et probablement au sien aussi.