Skáphe²

Skáphe

I, Voidhanger Records – 2016
par Simon, le 18 mars 2016
8

On peut se demander les raisons qui nous poussent à considérer Leviathan comme l’alpha et l’oméga du black metal, indépendamment de toutes notions d’écoles (nordique, méditerranéenne, slave, américaine,…), de genre (symphonique, raw, dépressif,…) ou de vagues historiques successives.

La réponse est finalement très simple : aucune autre musique que celle de Wrest ne sert le propos du genre avec autant de force, de douleur et de matière. La musique de Leviathan est un monde dans le monde, chaque album est un drame tangible et cette discographie n’a probablement aucun équivalent au moment de créer de l’ambiance et de l’univers. Si cette expression n’était pas usée jusqu’à l’os par des blogueux de tous bords, on parlerait de mise en abîme véritable, de musique sans chemin de retour. À ce jeu-là, Leviathan n’a aucun concurrent, il est l’incarnation du black metal dépressif joué seul, de manière extrêmement technique et imagée. Son territoire est une véritable chasse gardée, si bien que personne ne tente jamais de venir jouer les avatars dans cet univers total.

On ne s’attendait donc pas ce disque de Skáphe, duo islando-ricain dont le guitariste sort tout droit de Krieg (ceci explique peut-être cela, sachant que Leviathan a joué de la basse pour eux), marchant sans complexe sur les traces du meilleur de la discographie de l’Américain. Un disque court, trente-cinq minutes au compteur, mais qui condense toute l’angoisse, l’obscurantisme et la vision d’une nouvelle de Lovecraft dans ses mains.

Tout y est triste et violent, la voix pleure véritablement, crie à la lune et respire la démence ; les parties instrumentales occupent tout l’espace, refusent le tout-droit stylistique en alternant les dissonances, les musiques rituelles et les coups sur la gueule.

Cette musique est une pieuvre sortie d’un autre monde, une eau qui devient de plus en plus rouge au fur et à mesure que le sang la dilue, une vision d’horreur. Tout ceci pourrait être une tentative de vous convaincre de manière éhontée d’aller vers ce disque, mais rappelez-vous que si on a introduit Skáphe² comme un élève parfait du maître (et plus particulièrement de son Tentacles of Whorror), c’est que ce disque est véritablement cauchemardesque, pur dans sa douleur et ses spasmes, flirtant en permanence avec les limites de la santé mentale.

Si le roi reste toujours le roi ici (rien ne peut vraiment égaler l’univers de Wrest), Skáphe² montre tellement de qualités, de liberté et de violence mentale qu’on ne peut que saluer avec force l’effort produit ici, impeccable sur toute sa longueur. Un disque avec lequel on ne rigole pas, une vraie perle sortie d’un obscur demi-monde.

Le goût des autres :