Rust At The Gates Of Heaven

Wear Your Wounds

Deathwish Inc. – 2019
par Alex, le 30 juillet 2019
5

Mettons directement les pieds dans le plat : Wear Your Wounds ne déroge pas à la règle des supergroupes qui font sacrément rêver sur le papier mais qui déçoivent sur disque. Le casting de ce projet expérimental conçu autour de Jacob Banon de Converge est pourtant maousse puisque l’on retrouve Adam McGrath de Cave In, Mike McKenzie de The Red Chord, Sean Martin de Twitching Tongues et ex-membre d'Hatebreed ainsi que Chris Maggio, le batteur des désormais retraités Trap Them. Et si, à l'inverse de la première livraison WYW sortie en 2017, les musiciens précités ont sur ce troisième album tout le loisir d’étaler leur jeu de manière plus manifeste, on est tout de même encore loin d'atteindre des sommets d'efficacité.

Conçu durant les rares moments d’accalmie dans l’agenda infernal des membres du groupe, Rust On The Gates Of Heaven est un album en courant alternatif, capable de proposer de très bons plans, entre beauté glaciale et riffs tranchants, puis d'enchainer sur des titres d'une banalité confondante. Passée l'anecdotique ouverture piano/voix/guitares shoegaze, on rentre dans le vif du sujet avec le single et morceau titre, qui comme affirmé précédemment, laisse entrevoir une approche plus ambitieuse, quelque part entre le post-rock de Mogwai et les sonorités sludge de Mastodon. Des titres comme « Truth Is A Lonely Word » ou l’autre single « Shrinking Violet » font également partie des moments forts du disque grâce à une structure progressive savamment mise en place.

La tonalité générale du disque effleure d'ailleurs ce large spectre de sonorités post-machin, avec une production signée Kurt Ballou (who else) qui fait la part belle aux guitares et aux solos, à l'image des derniers instants de « Tommorow's Sorrow » ou de « Rainbow Fades ». Au niveau du songwriting, les titres résonnent déjà moins comme un assemblage inachevé d’idées que comme un projet qui s’ouvre à différentes formes d’explorations. Et si certains breaks ne manquent définitivement pas de robustesse, le résultat n'atteint pourtant jamais la charge émotionnelle et l’intensité que l’on est en droit d’attendre du groupe, compte tenu de la direction qu’il prend ici.

Parfois prévisible, trop souvent linéaire, le disque a finalement bien du mal à cacher un certain manque d’inspiration derrière ses quelques touches atmosphériques. Difficile d'ailleurs d'écrire ces lignes quand on connait l’imposant curriculum des musiciens concernés mais force est de constater que nombreux titres ne parviennent pas à maintenir l’ensemble du projet à flot voire manquent totalement leur cible. Trop ordinaires où simplement désincarnés, les morceaux souffrent d'un surplus de textures et de longueur qui fait que l'on ne parvient jamais totalement à s'embarquer dans ce voyage. Impossible également de se rattacher à cette facette du chant de Bannon, majoritairement mélancolique mais trop plat que pour servir de bouée de sauvetage.

Le seul constat positif ici est que Wear Your Wounds évolue de façon naturelle et ressemble déjà beaucoup plus à un groupe qu'à un projet solo. Là ou le précédent album était totalement articulé autour de Bannon et ses idées avec des contributions externes, Rust On The Gates Of Heaven le voit se mettre en retrait et laisser plus de place à ses autres géniteurs pour exprimer leur technique. Il faudra toutefois encore un peu de travail pour insuffler ce manque d'âme dans les compositions et faire en sorte que le résultat effleure l'excellence à laquelle Bannon et ses sbires sont généralement coutumiers dans leurs autres prérogatives.