Room Inside The World

Ought

Merge Records – 2018
par Quentin, le 8 mars 2018
6

Soutenus par les gars sûrs du label Constellation, les Montréalais de Ought ont réussi à se tailler une jolie place sur la scène post-punk avec deux premiers albums totalement réussis et secs comme des coups de trique. Aussi évident que cela puisse paraître, le chanteur et leader Tim Darcy jouait un rôle considérable dans cette reconnaissance. Un peu à l 'instar de Tom Verlaine chez Television, il incarne la figure du poète bohème qui intrigue autant qu'il fascine. Alors que son charisme et son lyrisme soutenaient l'anxiété et la nervosité de More Than Any Other Day et Sun Coming Down, ce nouvel album du groupe fuit la panique pour offrir de quelque chose de plus posé, moins tendu.

En conséquence, Room Inside The World sonne beaucoup plus "safe" que ses prédécesseurs. Parfois même un peu trop pour ceux qui s'étaient habitués aux fulgurances du groupe canadien. Les écoutes passent et le sentiment se confirme: c'est comme s'il avait levé le pied et mis de côté son ressenti d'angoisse nerveuse. A la place, Ought explore un univers plus raffiné, et use du saxophone, du vibraphone et de la clarinette pour élargir sa palette. Quant à Tim Darcy, qui agissait comme un caméléon sur les précédents albums, il semble avoir fait un pas de côté pour prendre une position "à la Morrissey". Forcément, ça divise. Mais il ne faut pas s'y tromper: pour un groupe comme Ought, tous ces changements sont autant de prises de risques. Le gros problème, c'est que ces risques ont l'inconvénient d'amener le groupe à se fondre dans la masse des groupes en apparence très cools, mais qu'on oublie aussi très vite. Ce qui nous amène à penser que la musique de Ought ressemble désormais un peu à celle de tout de le monde. Et ça, c'est vraiment dommage car même si Room Inside The World recèle d'excellents morceaux (et même d'un tube, "These 3 Things"), on regrette l'imprévisibilité qui nous avait séduit sur les deux précédents disques.

Au vu du passif du groupe et de l'amour qu'on lui porte, on ne leur en tient pas rigueur car comme on le disait déjà dans la chronique de Sun Coming Down, on a vite compris que la musique de Ought se résume en une quête, une réflexion permanente qui les mène à réfléchir aux limites de leur musique. C'est certain: sur Room Inside The World, les Canadiens ont opté pour une démarche qu'on n'avait pas vu venir et force est de constater qu'en éliminant la tension qui animait leur post-punk, ils ont perdu un peu de cette magie qui le rendait si uniques et passionnants. Ce qui ne nous empêche pas de nous rappeler que la chronique nous oblige à nous positionner et à rendre un verdict sur un instantané. Bien entendu l'exercice est motivant mais avec des gars intelligents comme ceux qui composent Ought, on sait que cet album n'est qu'une étape dans un travail de recherche bien plus large.

Le goût des autres :
6 Yann