Process

Sampha

Young Turks – 2017
par Tariq, le 20 février 2017
6

Le nom de Sampha a longtemps ressemblé à l'un de ces endroits secrets, ce genre d'adresse qu'on s'échange sous le manteau entre gens de la haute, le lieu où le péquin moyen est condamné à rester devant la porte, ne pouvant que fantasmer devant les lumières et les plaisirs qui ont l'air de s'échapper des rideaux en velours.  

Ce fut d'abord le producteur SBTRKT qui utilisa les incroyables qualités vocales du chanteur pour habiller une bonne partie de son album éponyme, sorti en 2011. Puis ce vautour de Drake vint lui chiper l'envoûtant "Too Much" et en fit l'une des pièces maîtresses de son Nothing Was The Same. Plus récemment, Kanye West, Frank Ocean et Solange ont fait appel au crooner londonien pour donner un peu d'épaisseur à leurs productions. 

Ainsi, si on a croisé Sampha au détour de certains albums incontournables de ces dernières années, on ne savait quasiment rien de lui, en dehors de cette voix puissante et obsédante, qui avait séduit les plus grands. Malgré la bulle spéculative autour de son nom, le Britannique a très intelligemment pris le temps de travailler avant de se présenter au monde. C'est désormais chose faite, avec ce premier album Process.

Et le résultat est, pour le moins, mitigé. Cela dit, le disque commence sur les chapeaux de roue : la trilogie "Plastic 100°C" / "Blood On Me" / "Kora Sings" vous expédie tout droit dans un espace hors du temps et de la matière, où s'entrechoquent breakbeats hip-hop, voix soul et influences électroniques. Trois pièces d'une maîtrise et d'une puissance tout simplement incontestables.

Si les deux pistes acoustiques qui suivent, "No One Knows Me (Like The Piano)" et "Take Me Inside", parviennent à nous tenir un peu en haleine, c'est en deuxième partie d'album que ça se gâte. Les morceaux ne manquent pas de bonnes idées ("Reverse Faults" et ses arpèges venus de l'espace <3), ils sont tout simplement moins prenants, moins aboutis que l'entame du projet. Dans le process de création de ce premier album, Sampha semble justement avoir trop réfléchi, finissant par s'enfermer dans sa propre tête au lieu de s'ouvrir au monde.

Mais cessons de jouer les mauvais coucheurs : Process ouvre tout de même un horizon des plus prometteurs. On a bien compris la volonté du chanteur/compositeur de proposer un debut album totalement à son image - ici, à part Kanye qui intervient sur le raté "Timmy's Prayer", Sampha est apparemment seul derrière les machines. Mais on ne doute pas un instant qu'à l'avenir, le Britannique ouvrira les portes de son studio à d'autres producteurs, permettant à sa soul électro-cathartique de devenir de plus en plus incontournable. Avec ce premier effort, Sampha coche la case la plus importante du cahier des charges : on a déjà hâte de découvrir la suite. 

Le goût des autres :
6 Amaury