Liedgut

Atom™

Raster Noton – 2009
par Simon, le 21 avril 2009
6

La venue de l’Autrichien Atom ™ sur le grand label Raster Noton avait fait l’effet d’une petite bombe chez les amateurs de musiques électroniques, beaucoup imaginant que l’étape suivante serait d’installer Felix Da Housecat chez Warp Records. Car si Uwe Schmidt est maintenant reconnu pour son travail au sein de la caste électronique, le gaillard doit avant tout cette reconnaissance à son travail sous le pseudonyme Señor Coconut, agissant alors pour le compte d’une house latine à consonance minimale (jouée par les plus grands producteurs aux quatre coins du globe). Mais réduire la carrière d'Uwe Schmidt à ces quelques précisions porterait dans l’ombre la masse gargantuesque de réalisations de l’Autrichien, exploitant plus d’une septantaine d’alias pour étancher sa soif de minimalisme.

Après l’excellent label Mille Plateaux, c’est à Raster Noton d’accueillir cet olibrius génial pour une nouvelle session de galipettes sonores. Liedgut se définit avant tout comme une relecture moderne du romantisme austro-allemand, une tentative osée qui ne peut éviter de faire le détour par les œuvres de Kraftwerk ou de Schubert. Conçu comme la primauté de l’âme sur la science, le romantisme se doit donc de laisser une grande part au ressenti de l’individu, observant les mécanismes de la technique scientifique pour mieux tenter de s’en dégager. C’est précisément dans cette optique que l’on comprend le choix d’Atom ™ de passer sur la structure allemande menée de main de maître par Alva Noto : maison mère du bruit blanc, Raster Noton est le meilleur exemple de cette dualité entre l’homme et la science. Ce bruit blanc (« Weißes Rauschen ») justement, défini à la fois comme expression de la mathématique pure et comme une tentative poétique de détournement sonore, occupe une place de choix dans la nouvelle œuvre de l’Autrichien.

Ajoutez à cela les vocoders d’une froideur toute kraftwerkienne (les interventions vocales étant d’ailleurs interprétées par Florian Schneider, récemment sorti de la formation allemande), les glockenspiels digitaux et les interférences électroniques, et vous obtenez un disque de pop minimaliste éminemment énigmatique, presque insondable à première vue. Jouant inlassablement sur les textures, Atom™ impose au cours de ces vingt vignettes musicales une vision complexe du post-modernisme électronique, balancé en permanence entre contraintes technologiques et éruptions émotionnelles. Finalement, Liedgut est un disque austro-allemand pour Austro-allemands. Difficile de percer le mystère, presque philosophique, qui entoure ce nouvel album : certes, on tombera rapidement amoureux des passages « chantés » qui parcourent cette galette (comme ce « Wellen Und Felder » au sommet), mais l’essentiel de ce disque trop court est susceptible d’échapper à l’entendement humain. Ce qui est sûr par contre, c’est que jamais le mythe kraftwerkien n’a été abordé avec autant de sérieux et d’implication musicale (je ne vous parle pas ici des innombrables pastiches new wave qui pompent à tout-va la science des claviers du célèbre quatuor). Alors, en dépit d’une autre solution, on préfèrera se comporter devant Liedgut comme on le ferait devant un poème trop complexe, appréciant la musique des mots en se faisant sa propre histoire d’une éternelle incompréhension.