Jesus Was An Alien

Perel

Kompakt Records – 2022
par Émile, le 6 juillet 2022
8

Je ne sais pas qui fait les pochettes de Jul mais j’ai l’impression qu’il avait fait un petit tour du côté de l’Allemagne en découvrant la pochette de Jesus Was An Alien. Et pourtant, rien ne relie l'OVNI le plus célèbre de France à Perel si ce n’est une fascination pour une esthétique SF - bien plus rodée et conscientisée dans le cas du disque qui nous occupe. En tout cas, cette image de la productrice teutonne en mode madone avec la main gauche en l’air, en train de donner le sein à un bébé extraterrestre, c’est un bon gros statement. Un lâcher-prise qui va dominer tout l’album, se donner la joie de l’humour, du pastiche et des paillettes new-yorkaises malgré son attachement au célèbre label de Cologne qui l'a recrutée, Kompakt Records.

Un véritable bol d’air frais donc. Si Hermetica restait pris dans ce mélange de post-punk, de house et d’EBM, le nouvel album de Perel sait explorer des territoires bien plus vastes. La meilleure preuve de cette ouverture, c’est le titre éponyme, écrit avec Marie Davidson. Une esthétique disco surexposée qui place le club dans la scène plus imposante des questions métaphysiques. Cette blague du bébé Jésus extraterrestre, c’est celle d’une véritable question sur l’intensité des soirées club, sur la nature particulièrement sérieuse des rassemblements collectifs et de la possibilité d’effacer la question du sens de la vie en enchaînant les shots. Et quand le second degré cache l’existentiel, ça porte un nom : le vertige. Ce vertige, il apparaît justement sur le morceau « Religion », sorte de percée dans l’inconscient festif, et faisant écho au rappel à l’ordre expérimental de la faim dans « Hunger ».

Dans la même perspective, il est également l’aboutissement de la showwoman qu’est Perel. Si « Real » est le titre de l'album qui a pour l’instant le plus de succès, c’est parce que le public d'Annegret Fiedler sait pertinemment qu’elle n’est jamais aussi bonne que lorsqu’elle décide de mettre la danse au cœur de sa production. Et elle aussi, puisque c’est le plus gros single dévoilé avant l’album, dans cette esthétique glam 80’s plus proche du pastiche que de la caricature. Ce n’est pas non plus un hasard si « Real » fait partie des titres chantés du disque : sur scène comme en clip, Perel a toujours tenu à donner une place essentielle au spectacle d’énergie que peut être un concert. On la sentait déjà dans son élément avec Curses, et un peu frustrée - elle ne serait peut-être pas d'accord - par les formats Boiler Room, souvent le niveau zéro d’une performance scénique inséparable de sa création musicale. Alors le show se fait aussi sur les pochettes, celle du single « Real », mais surtout celle du disque, véritable lâcher-prise qui transpire la confiance et permet à son talent pour la mise en scène de pleinement s’exprimer.

Le résultat de tout cela, c’est que Jesus Was An Alien monte d’un cran l’aspect club de ses productions, délaissant les hangars pour les paillettes, à l’instar de ce qu’on pouvait déjà entendre sur « Die Dimension », à la toute fin de son premier disque. Entre « Matrix », le très techno « Kill The System » ou « The Principle Of Vibration », Perel parfait son ethos de reine de la nuit, et lui permet de faire d’un morceau comme « Life Aquatic » un moment de pause et d’expérimentation : un slow dans la meilleure boum du monde. Une boum consciente, réfléchie, drôle, dans laquelle on danse, et dans laquelle, parfois, on a un peu peur.

Le goût des autres :