Intermissions 2000-2008

Oren Ambarchi

Touch – 2010
par Simon, le 28 janvier 2010
7

Dieu qu’il est bon de retrouver aux affaires un homme tel qu’Oren Ambarchi. Il peut se vanter de disposer d’un des curriculum vitae les plus chargés de la scène expérimentale et ses collaborations feraient pleurer tout amateur de musiques risquées : Fennesz, Pimmon, Keiji Haino, John Zorn, Jim O’Rourke, Phill Niblock, Dave Grohl, Evan Parker, Toshimaru Nakamura, Peter Rehberg (mieux connu sous le nom de Pita), Merzbow ou encore Sunn O))) (le groupe ne peut en effet plus se passer des services d’Oren, en témoignent Black One et le récent Monoliths & Dimensions). Tous ont unanimement reconnus les incroyables talents d’Oren Ambarchi, lui qui a réinventé l’usage de la guitare en démontrant son incroyable potentiel une fois mise en contact de la matière électronique. Mais Intermissions 2000-2008 n’est pas tout à fait un nouvel album de l’Australien, il s’agit en effet d’une compilation de raretés, de performances live, de face B quasiment introuvables ou tout simplement de pièces inédites - le tout, sorti sur des labels aussi recommandables que peuvent être Touch, Southern Lord ou Preservation.

Et le festival Oren commence avec « Intimidator », pièce osée de drone qui met en scène un chassé croisé entre des infrabasses écrasantes et des percussions explosant de manière éparses, le tout dans des montées de drones complètement alcooliques : le talent ne prend pas deux secondes à s’exprimer. Et on retrouve cette patte unique à chaque fois exprimée de manière exhaustive, même quand il s’agit de s’attaquer à des pistes plus lyriques, directement empruntées au folk (le remix du « Parasail » de Paul Duncan en est un impressionnant exemple). Car ce qui fait la force d’un homme comme Oren Ambarchi réside dans l’incroyable connaissance de son instrument qui, une fois finalisée, autorise à le dématérialiser totalement pour le réinvestir dans un champ musical tout à fait inédit. Car de la guitare traditionnelle il ne reste plus rien ou presque, plus rien ne différencie son jeu d’oscillations électroniques, de drones en suspension ou de doom-metal sous cloche stérile (on comprend directement que Sunn O))) s’extasie sur son travail). Le reste n’est qu’expériences, tentatives souvent fructueuses d’approfondir encore plus le champ de recherche de tous les techno-monstres amateurs de sciences électroniques (au sens propre comme au sens figuré).

« Moving Violation » reprend les infrabasses et les drones là où il les avait laissées avec « Intimidator », ajoutant craquements et signaux digitaux dans une forêt de grésillements nasillards, « The Strouhal Number » joue de sa mélodie désaccordée pour nous plonger en pleine méditation alors que « A Final Kiss On Poisoned Cheeks » clôture sur vingt-cinq minutes d’angoisse grandissante, jusqu’à son apogée dans la déflagration. Le disque est consumé. Bref, Intermissions 2000-2008 est une remarquable porte d’entrée au monde d’Oren Ambarchi ainsi qu’une collection de perles pour tous les fans du monsieur, une opération double qui consacre une bonne fois pour toutes le caractère essentiel de l’œuvre de ce géant de l’expérimentation.