Deo Favente

SCH

Capitol Music France – 2017
par Tariq, le 1 juin 2017
5

SCH porte un lourd fardeau sur les épaules. Au sein d'une période du rap français qui fait la part belle à l'énergie, à la légèreté, aux clubs ; perdu parmi les MHD, Gradur et consorts, Julien Schwarzer est l'héritier d'une certaine plume typique des années 90/2000 : morbide, sale, tortueuse et torturée. Le voir boxer dans la même catégorie que les artistes pré-cités, avec une musique aussi difficile d'accès que la sienne, est une victoire pour tous ceux qui ont grandi sur les psaumes du Rat Luciano puis, plus tard, au rythme des rimes outrancières de l'écurie Néochrome.

Cette filiation, le rappeur d'Aubagne est parvenu à la porter vers les sommets en mettant au point un personnage bigger than rap, sorte de gangster méditerranéen kitschouille, portant cheveux gominés et fringues hors de prix, à la limite de la caricature. Un personnage qui a impacté la pop culture grâce à l'énorme "Champs Elysées", et son "Pas loué" parodié à l'envi, mais aussi grâce à ses formules choc reprises jusque dans les cortèges de manifestations. La force du jeune sudiste c'est de parvenir à se fondre parfaitement dans son rôle, insérant détails issus de l'univers du grand banditisme et influence de variet' dégoulinante des années 70/80 dans ses morceaux. Bref, le Marseille de la French Connection comme si vous y étiez.

Problème : pour l'instant, SCH n'est jamais parvenu à faire vivre ce personnage sur la longueur d'un album entier. Sur A7 et Anarchie, ses deux projets précédents, le mafieux flamboyant ne déployait ses ailes que le temps de quelques titres incroyables ("A7", "Fusil" et "Anarchie" notamment). Deo Favente n'échappe pas à la règle : le rappeur ne convainc que sur une poignée de morceaux noyés dans une tracklist interminable. Difficile de savoir d'où vient la faute, mais on peut supputer que les méthodes de travail de Kore et son frère DJ Bellek, qui ont fabriqué la marque SCH, ont atteint leurs limites. Les deux frangins, très au fait des tendances en vogue outre-atlantique, semblent vouloir à tout prix ancrer l'univers du Marseillais dans un format banger/trap au goût du jour, facilement identifiable par le public. 

Pourtant, le S y sonne souvent emprunté (le flow chelou de "Daydate"), quand il n'est pas tout simplement soupçonné de plagiat (voir la polémique autour de "Ca va"). Son talent, SCH ne l'exprime jamais mieux que sur d'interminables freestyles en roue libre (le grandiose "Comme Si") ou sur des formats purement chanson. Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'il continue de creuser la veine variété française sur certaines pistes de Deo Favente. Lorsqu'il décrit les piscines de lean sur "Pas la paix", ou quand il rend un hommage vibrant à son père disparu sur "La Nuit", il parvient à faire revivre avec brio les grandes figures de la chanson populaire méditerranéenne. Comme tous les nouveaux venus dans le "milieu", après une entrée fracassante, le S doit désormais revoir ses méthodes de travail pour permettre à son entreprise de se pérenniser.