Death Song

The Black Angels

Partisan Records – 2017
par Nicolas F., le 8 mai 2017
8

Depuis que je promène mon humble plume sur votre site préféré pour vous parler de jazz et d’artistes pour la plupart d’un âge déjà bien avancé (ou pour les moins chanceux déjà morts depuis belle lurette), j’attends en fait secrètement et avec grande impatience la sortie d’un nouvel album des Black Angels qui pour le coup, sont eux bien vivants.

Je le concède ici volontiers, je suis depuis une dizaine d’année un (très) grand inconditionnel de la bande d’Austin. Même après mille écoutes, les dantesques Directions to See a Ghost (2008) et Passover (2006) me dressent toujours autant les poils - pour ne pas dire plus. Toi aussi cher lecteur tu as sûrement ton Black Angels à toi, ce genre de groupe qui t’enlève toute objectivité, qui sera toujours le plus beau à tes yeux quoi qu’il fasse et dont tu possèdes absolument toutes les sorties et que tu suis tournée après tournée quand bien même ses concerts seraient parfois un peu emmerdants - comme ce fut le cas lors de leur passage au Botanique en 2013. Pour résumer, les Black Angels enflamment littéralement mon petit cœur de mélomane, voilà c’est dit !

Le groupe a quand même pondu deux chefs-d’œuvre absolus de rock psychédélique (cités juste au dessus) qui font aujourd’hui quasiment office de classiques et ont en tout cas grandement contribué à l’essor de toute la scène néo-psych du troisième millénaire au même titre que le Brian Jonestown Massacre ou les Spacemen 3 en leurs temps. Chefs-d’œuvre confirmés d’ailleurs par la suite avec quelques singles et 10’’ sortis à l’occasion de divers Record Store Day (spécialement Phosgene Nightmare) et dans une moindre mesure par l’album Phosphene Dream en 2010. Mais, impartialité oblige, la sortie de route eut finalement lieu en 2013 avec l’indigeste et anecdotique Indigo Meadow. Non qu’il fut véritablement minable, cet album renvoya néanmoins les Black Angels dans le rang par excès de lissage pop qui les fit renoncer à leur son crasseux si caractéristique. Passée cette déception, il aura fallu attendre quatre angoissantes années pour que se remette en selle le combo d’Alex Maas et que soit vite oublié cet accident de parcours. Aujourd’hui nous est livré ce Death Song et gloire à lui, il vient dès la première écoute dissiper tous les doutes, les Black Angels en ont encore dans le slibard! Et pas qu’un peu.

Déjà le titre est parfait, assez évident certes mais hyper approprié car en plus de résumer le climat parfois pesant des paroles, il est surtout un magnifique hommage au Velvet Underground de 1967 et son emblématique et singulière « Black Angel’s Death Song » qui inspira d’abord son nom au groupe texan, sa musique et maintenant son cinquième album. La pochette l’est tout autant. Son graphisme signé du guitariste Christian Bland est un vrai modèle de psychédélisme déjanté avec son sublime kaléidoscope hallucinogène, absolu cauchemar épileptique et à l’intérieur, ce portrait de femme énigmatique aux yeux vides dont les traits se fondent doucement en une multitude d’ornement floraux macabres.

Mais l’essentiel reste le fond et il est lui aussi de très haute volée. Dès l’introductif « Currency » et ses ponts aux accords abrasifs à souhait, on sent qu’on retrouve nos Anges Noirs là où on les avait laissés après Phosphene Dream. Dans la même veine, « I’d Kill for Her » enfonce le clou d’un son enfin déterré et du retour aux aspirations et à l’énergie des débuts. La production est remarquable, parfait équilibre entre héritage sixties (13th Floor Elevators en tête) et modernité adaptée aux canons stoner et indie (« Comanche Moon », « Hunt Me Down »). La voix d’Alex Maas reconnaissable dès ses premières inflexions continue de hanter chaque composition comme elle l’a toujours fait c’est à dire naturellement, sans artifice mais toujours très haut perchée au dessus du bouillonnant chaos ambiant. Autre satisfaction, les Black Angels, fidèles à eux mêmes, sont toujours aussi à l’aise dans l’exercice des ballades un peu troubles, en témoignent l’élégant « Half Believing », le touchant « Estimate » et le lascif « Life Song » qui clôt l’album. A signaler enfin la présence (notamment dans la deuxième partie du disque) de vénérables claviers Mellotron, Moog, Harmonium... qui donnent à l’ensemble une touche joliment périmée et ouvre la musique des Black Angels à de nouvelles influences comme sur le titre « I Dreamt » digne héritier de Silver Apples jusque dans la voix d’Alex Maas curieusement proche de celle de Simeon Coxe.

En onze titres essentiels, les Black Angels retrouvent donc leur place au sein du gratin néo-psych, celle d’une figure tutélaire d’un mouvement aux multiples branches dont il est bon parfois de se rappeler l’importance et la solidité du tronc.

Le goût des autres :