2023 en 20 albums

par la rédaction, le 8 janvier 2024

Qui dit janvier dit notre traditionnel top de fin d'année. Comme l’an dernier, les vingt places à se partager ont donné lieu à de nombreux accords, mais aussi à de nombreux débats. C’est la raison pour laquelle certains disques se retrouvent classés plus haut que d’autres malgré une note plus basse, et ça explique pourquoi certains albums manquent ; soit qu’on ait préféré les mentionner dans notre top des vingt meilleurs titres de 2023, soit qu’on ait simplement décidé de trancher. On compte bien sur le fait que vous commenterez nos choix sur les réseaux ou sur Discord, et comptez bien sur le fait que ça ne changera pas le classement. Comme d’habitude, notre top 1 est un disque qui a marqué l’année – très rapidement cette fois – et qui représente un style qu’on a toujours souhaité mettre en avant sur le site. Est-ce le meilleur top d’albums disponible sur le web ? C’est possible. Est-ce que c’est à nous de le dire ? C’est possible aussi.

#20

The Great Escape

Larry June & The Alchemist

Après des collaborations remarquées et remarquables avec Roc Marciano ou Freddie Gibbs, l’inoxydable producteur The Alchsmist s’est amouraché de Larry June, chantre du stoner rap. Sans entraîner de révolution dans son sillage, The Great Escape remplit parfaitement ses promesses de disque feel good qui a incarné l’été dès le printemps : c’est une musique qui sent bon le bitume chaud, les embruns de la Bay Area et les joints de cali kush pure. S’il est évident qu’il n’est qu’un “simple” bon disque à mettre à l’actif de l’alchimiste, il est clairement une consécration pour Larry June qui prouve, sans faire trop d’infidélités à sa façon de travailler, qu’il est bien un diamant brut qui mérite d’être poli par la main d’un des plus grands joailliers du rap jeu.

#19

PoiL Ueda

PoiL Ueda

C'est l'histoire d'une lutte à mort, une violence politique intense, mais que les poètes et poétesses ont transformée en une métaphore sur la vanité des ambitions mortelles. Ou comment la tragédie devient belle vue de loin, un biwa à la main. Car le meilleur ami de Junko Ueda, celui qui ne l’a jamais quittée durant toutes ces années, c’est ce satsuma biwa, l’instrument de l’épopée historique, et qui se mêle au chant si particulier de la tradition médiévale japonaise. Tout ce cadre esthétique semble préparé pour qu’une rencontre avec le groupe de prog lyonnais PoiL n’arrive jamais, et soit même complètement hors de propos. Et pourtant, c’est arrivé, et c’est absolument génial. PoiL Ueda est à ce jour le meilleur projet de PoiL, de Junko Ueda, et l'un des meilleurs albums prog de ces dernières années.

#18

Godcaster

Godcaster

Avec sous le bras un deuxième album incendiaire, le collectif de Brooklyn n’attend qu’une chose : entrer en éruption sur la planète rock. Les 8 titres emballés en 45 minutes remettent au goût du jour une recette qui parlera autant aux nostalgiques des early 2000s qu’aux néophytes à la recherche d’un peu de fraîcheur dans une offre musicale trop souvent formatée : de la guitare cinglante, des parties vocales capables de basculer du spoken word aux beuglements incontrôlés en une fraction de seconde et des compositions qui prennent un malin plaisir à nous caresser à rebrousse-poil. Alors Godcaster, pure resucée de jeunes opportunistes prêts à recycler la collection de CD-R de leurs parents et de vinyles éraflés de papy et mamy ? Pas si vite. Ce serait nier l’originalité fondamentale du projet. La formule fonctionne ici à la perfection parce que le groupe ne se bride jamais : plutôt que singer passivement ses illustres prédécesseurs, la bande préfère enfoncer la pédale d’accélérateur là où la bienséance aurait recommandé un coup de frein maîtrisé pour négocier un virage en douceur. Cette fougue devient le fil conducteur d’un album qui flingue dans tous les sens.

#17

Beyond Vision

Acid King

Lorsqu’une année est riche en sorties intéressantes, le risque est de passer à côté de celles qui se seront avérées essentielles pour le style qu’elles défendent. C’est ainsi qu’à GMD, en 2023, on a failli faire tomber quelques albums aux oubliettes comme le dernier Acid King, sorti en mars, et qui pourtant était dès le départ sur une place de choix pour rafler le titre d’album doom de l’année. Rien que ça. Non, ne cherchez pas, nous n’avons aucune excuse. Mais heureusement, les rattrapages sont possibles et ce top de fin d’année est l’occasion de vous toucher in extremis un mot de l’excellent Beyond Vision qui réunit à lui seul tout ce qu’un doomeux apprécie dans une galette de son genre favori. Une plage ambiante quasi floydienne et un riff de départ d’une simplicité quasi enfantine, mais lourd à souhait, donnent le ton de ce nouveau disque pour enchainer sur un « Mind’s Eye » tout simplement superbe qui amène subrepticement la voix envoûtante de Lori S sur fond de distorsions de guitare dignes du meilleur des années 70. Cette voix utilisée de manière parcimonieuse et équilibrée tout au long de l’album offre de beaux effets de surprise lorsqu’elle sort de l’atmosphère tantôt chamanique tantôt spatiale de cette espèce de gigantesque jam travaillée à la crasse sonore succulente comme l’illustre le titre éponyme. Doom, notre coeur fait doom.

#16

Rat Saw God

Wednesday

Wednesday c’est un son lourd, des guitares power-pop, des passages shoegaze, de fortes influences country et une écriture folk assez folle drivant une voix qui peut passer de la douceur à l’extrême férocité en quelques secondes. Vous obtenez la recette idéale pour un rock sudiste de haute volée. Si le précédent Twin Plagues, sorti en 2021, possédait déjà tous les ingrédients de ce mélange, il a fallu attendre Rat Saw Dog pour que la pâte monte. L’ambition est ici décuplée, mais l’authenticité reste.

#15

Eau de source

Souffrance

Souffrance a 38 ans ; autrement dit un âge synonyme, pour de nombreux rappeurs, d’une carrière qui entame tout doucement sa pente descendante. Sauf que le Montreuillois a un parcours de vie plus cabossé qu’une carrosserie à la fin d’un épisode de Fast & Furious, ce qui explique son décollage extrêmement tardif dans le rap français. Depuis quelques années, avec sa dégaine de tueur et sa mine renfrognée, le membre de L’uZine débite ses tranches de vie avec un flow à la précision chirurgicale. Mais avec ce troisième album en deux ans seulement, Souffrance a bien mérité d’être autre chose que le « rappeur préféré de ton rappeur préféré » (ce qui explique les présences de Vald ou Oxmo Puccino sur Eau de source, on imagine). Comme d’habitude avec lui, les intentions sont claires : « J’ramène un truc neuf, j’suis pas venu piller des tombes. » Donc non, en 2023, on n’a pas croisé le Souff’ sur un son de Gazo, par contre, pour nous en mettre plein les oreilles avec « du nouveau ancien son » et plein la vue avec des images qui nous impriment durablement la rétine, il aura été un compagnon de hood indéfectible.

#14

The Beggar

Swans

Tout au long des deux heures de The Beggar, Michael Gira adopte cette posture omnisciente, presque messianique, tant dans les textes que dans les effets vocaux, scandant ses doutes sur une trame musicale garantie 100% pur Swans. Entendez par là : des pièces grandioses, un son massif, des arrangements dosés avec parcimonie sur une rythmique qui invite à la transe, dans un mix essoré jusqu’à l’os. Ici vidée de ses accroches mélodiques, la musique de Swans en devient encore plus intense, et ferait presque oublier l’absence du guitariste emblématique Norman Westberg. Cet album exigeant, mais loin d’être inaccessible, révèle de nouveaux tourments à chaque écoute. Le disque idéal pour ponctuer une carrière mouvementée, même si on est prêt à s’agenouiller et supplier Gira de ne pas s’arrêter en si bon chemin.

#13

Ecorcha / La Taillée

La Tène

Il y a des rencontres étonnantes et évidentes. Dans La Tène, il y a déjà ce projet de départ : on pourrait résumer l’idée à un échange entre Les Disques Bongo Joe et La Nòvia, deux formidables centres de l'expérimentation dans la musique traditionnelle. D’un côté deux genevois : le percussionniste Cyril Bondi, moitié de Cyril Cyril, et son acolyte Laurent Peter alias D’Incise. De l’autre cinq musiciens auvergnats, réunis autour du joueur de vielle à roue Alexis Degrenier, et vus chez France, Super Parquet ou Tanz Main Herz. Bref, une dream team de la musique trad minimaliste et hypnotique. Et ce quatrième album, après cinq ans de pause, est un encore plus grand ravissement. On ne peut qu’inciter l’auditeur·rice averti·e à s’imprégner du pouvoir énorme de la répétition. Toujours pareil, jamais la même chose : chaque boucle s’enfonce en nous, pour amener une transformation permanente.

#12

Dogsbody

Model/Actriz

Frontal, le post-punk de Model/Actriz dégage quelque chose d’excitant, qui fait que l’on ne sait jamais ce qui nous attend au tournant. Chaque morceau ressemble au précédent, mais l’angle d’approche est sans cesse renouvelé, conférant au disque une fraîcheur inédite. Ce côté imprévisible est renforcé, pour ne pas dire décuplé, par la performance magistrale du chanteur Cole Haden, capable de passer en quelques secondes seulement d’un râle sensuel à un grognement inquiétant. Remarquable pour ses singles comme pour le KO debout que suscite une écoute globale, Dogsbody confirme la santé éclatante d’une scène alternative US qui parvient à recycler tout un pan du patrimoine bruyant de manière originale et avec une énergie qui n’est assurément pas celle du désespoir.

#11

Erotic Probiotic 2

Nourished By Time

Instinctif, c’est le premier adjectif qui nous vient à la bouche pour parler de ce premier long format tant il semble avoir été fait en un claquement de doigts, sans recul. 34 minutes de groove qui brillent par leur simplicité et leur efficacité. D’ailleurs, on ne s’étonnera guère d’apprendre que Brown a produit l'album dans le sous-sol de ses parents à Baltimore durant le confinement - le DIY à son meilleur niveau. Pendant l’enregistrement et l’écriture de ce grower total qui fusionne RnB, house, pop, new wave, on imagine aisément le jeune Marcus absorbé par les discographies de Moodymann, Blue Nile ou encore Omar-S. Avec de si belles références sous le coude, le baryton de Baltimore nous mène dans son univers doux-amer débordant de synthétiseurs et autres boîtes à rythmes. Des sonorités et une construction rythmiques qui ont un air de déjà-vu sans jamais se laisser aller à un kitsch douteux.

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#10

Heavy Heavy

Young Fathers

Dix ans que le groupe anglais continue de voler plus ou moins sous les radars, endossant malgré lui l’étiquette de « petit cousin de TV On The Radio », chargé de nous divertir en attendant leur hypothétique comeback. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir servi jusqu’ici une discographie pratiquement irréprochable qui aurait dû élargir petit à petit son audience tout en affinant son identité. On espère donc que cette fois-ci sera la bonne et que Heavy Heavy fera bouger les lignes. Parce que Heavy Heavy mouille sérieusement la chemise - et la nôtre par la même occasion. Tel un joggeur qui s’impatiente de voir le feu passer au vert, ce quatrième album reste en permanence sur ses appuis et ne s’autorise que de rares moments de répit. La tension est constante et la trajectoire parfaitement négociée. Le trio est désormais parvenu à cet équilibre où il est capable de condenser tout son savoir-faire en trois minutes sans que cela ne paraisse ni laborieux ni calculé.

#9

Une Nouvelle Chance

Ascendant Vierge

La musique d’Ascendant Vierge a vraiment quelque chose d’unique. Ce n’est pas qu’on manque d’improbables mélanges de genres en 2023, ni que le duo révolutionne la musique électronique ou la chanson, mais plutôt que ce mix apparaît, morceau après morceau, comme une véritable évidence. Pourtant, tenir dans une tension raisonnable une écriture de chansonnière et des productions à vocation rave, c’est une mission périlleuse. Sauf peut-être quand ça vient du cœur. Et plutôt que de dire qu’il y en a pour tout le monde sur ce disque, on conviendra que le duo a enfin trouvé sa patte : plus pop, moins complexe, mais aussi plus assurée sur certaines sonorités.

#8

GUTS

Olivia Rodrigo

Du haut de ses 20 ans, Olivia Rodrigo signe avec GUTS une pépite pop-rock qui entre tout droit dans la catégorie des très grands albums de ce premier quart de siècle, surpassant au passage le déjà excellent SOUR. En 40 minutes bien tassées, la Californienne coche toutes les cases du disque référence : sens inné du refrain (« Vampire »), aisance absolue pour passer d’un registre College Rock (« Bad Idea, right ? ») à un répertoire tout en délicatesse et retenue (« Making the bed »), maîtrise totale du sarcasme (« Love is Embarassing ») et écriture crue qui lui vaut la mention « explicit lyrics » sur la moitié des titres. Qu’Olivia Rodrigo s’érige désormais en porte-étendard d’une génération d’ados fatigué·es d’avoir été biberonné·es aux pandémies, aux conflits armés illisibles, aux angoisses climatiques, aux fausses promesses des pro de l’influence et à l’omniprésence médiatique de boomers prédateurs n’a rien d’étonnant. En revanche, ce qui surprend le quadra derrière ces lignes, c’est que Guts réussisse le grand écart parfait pour toucher droit au cœur les parents de ces mêmes ados.

#7

I

Musique Infinie

On a du mal à dire autre chose que ceci : on ressort de ce disque dans un état de stupéfaction. Entre l’expérience sensorielle totale, la plongée dans l’infinité de ce que la musique peut faire dans son sens très large, la facilité qu’on a à y reconnaître des choses connues, et une atmosphère qui reste celle d’un club, on est simplement, et au meilleur sens possible, perdus. Que signifie ce I qui titre le disque ? Une façon simple de confondre une lettre, un chiffre et un symbole, une porte d’entrée littérale sur l’archéologie de l’esprit humain qu’il permet ? On espère surtout que c’est plus simple que cela, auquel cas, s’il y a un I, c’est qu’il y aura un II.

#6

Javelin

Sufjan Stevens

En septembre on apprenait que Sufjan Stevens était en rémission du syndrome de Guillain-Barré, une maladie neurologique rare, se réveillant un matin incapable de marcher. Postant ici et là des photos de sa rémission, telle sa déco de chambre d'hôpital, qui mêle licorne, fleurs et urinal, il surprend tout le monde le jour de la sortie, en publiant un dernier message déchirant : le disque est dédié à son compagnon, disparu en avril dernier. Si Sufjan Stevens a maintes fois évoqué son passé, jamais à ce point nous ne l’avons entendu se livrer si ouvertement sur son rapport actuel au monde. Le regard d’un homme de presque 50 ans, pas épargné par les épreuves de la vie, mais décidé à les prendre à bras-le-corps avec les éléments qui constituent le fil rouge du Sufjanverse, à savoir l’amour et la foi, les deux étant bien sûr intrinsèquement liés, comme dans ce meme bien connus des fans: “Is he singing about God or being gay”? En cela le dernier-né de la constellation sufjanesque n’est sans doute pas son plus surprenant : un « disque de la maturité », certes, un nouveau jalon certainement.

#5

Satisfaction

SPY

10 titres pour 13 minutes au compteur. Inutile de vous dire qu’à ce tarif-là, SPY opte pour un niveau d’intensité comparable à celui que l’on peut ressentir quand on se balade sur la Canebière avec un maillot du PSG. Mais l’agressivité et l’envie permanente d’en découdre étant un élément commun à tous les disques de punk hardcore, c’est ailleurs qu’il faut aller dénicher les éléments qui font de SPY l'une des plus grosses promesses de la scène : dans le rythme de l’album d’abord, qu’on pourrait penser bêtement frénétique, mais qui joue au contraire sur les cadences et les cassures avec beaucoup d’intelligence. Dans la performance bestiale du chanteur Peter Pawlak ensuite, pour des high scores sur l’échelle de Jean-Luc Mélenchon – celle-là même qui permet de déterminer la véhémence d’un propos. Dans la production enfin, qui permet à chaque membre du groupe de briller à sa manière à un moment ou un autre du disque – que ce soit au détour d’un breakdown cataclysmique ou d’un riff de basse qui vous tord les boyaux. Dans une année 2023 qui, par la grâce d’une déferlante post-Turnstile, offre une visibilité inédite à la scène hardcore (Militarie Gun ou Gel auraient pu occuper cette jolie place), il est bon de se dire qu’il y a des groupes comme SPY pour assurer le SAV.

#4

Saison 00

Luidji

Luidji veut avancer, et devenir un meilleur rappeur, un meilleur artiste, et avant toute autre chose, un meilleur homme. C'est l'une des choses que le Dr. Kompramm note dans l'interlude portant son nom, et qui est rare pour les hommes de son âge. Très loin des garçons toxiques qui se contentent d'être des fléaux et de le chanter, Luidji a préféré se soigner et élever ses standards (et ce en vigueur dans le rap français) en s'attaquant à des sujets plus sensibles, mais plus universels que ceux qu'il avait l'habitude de nous conter. Court, concis, et substantiel, Saison 00 est un album dont la qualité ne sera pas altérée par le temps, et qui gagne à être écouté et réécouté pour en percevoir les subtilités.

#3

That! Feels Good!

Jessie Ware

Épanouie dans sa discrétion et son approche tout en mesure, Jessie Ware se met sur ce cinquième album au service du disco dans une approche consciente et respectueuse. Ainsi, “Beautiful People” possède une énergie digne des bacchanales du mythique Studio 54. Pareillement, “Freak Me Now” vise le même objectif hédoniste, mais cette fois, les lumières stroboscopiques perlent d’une sueur French House, prouvant une fois de plus que l’objectif de fournir des tunes ne se limite pas aux territoires précédemment foulés par l’Anglaise. À l’ère des albums grand public interminables, ces quarante minutes où rien n’est à jeter et tout est à sa place font un bien fou. On tient le disque populaire dans tout ce qu’il incarne de plus noble, en ce sens qu’il respire la sophistication sans se prendre trop au sérieux. Ce disque est aussi une revanche, car six ans après avoir envisagé d’abandonner sa carrière, Jessie Ware retrouve le plus haut niveau, heureuse de se laisser aller, de danser et de s’amuser. Et nous avec.

#2

Post-American

MS Paint

Énorme OVNI que ce disque qui ne nous a pas lâché de l’année et pour lequel on avait annoncé la couleur dès sa sortie en mars en affirmant que MSPAINT est l’une des choses les plus fraîches du moment et leur premier album, un classique instantané. Force est de constater que 8 mois plus tard, notre opinion n’a pas changé d’un poil. Post-American, c’est 10 titres punk gavés aux atmosphères retro qui empruntent autant à l’énergie du hardcore qu’à l’esthétique de la synthwave. La formule est aussi étrange que réussie, et jamais l’attention n’est perdue grâce à une narration forte d’un bout à l’autre du disque. On reste irrémédiablement scotchés à cette première oeuvre, quasi parfaite du début à la fin, en attendant désormais que MSPAINT devienne le meilleur groupe du monde, tout simplement.

#1

Bitume Caviar (vol. 1)

ISHA & Limsa D'Aulnay

Après plusieurs années à gravir les échelons avec d'impeccables trilogies (LVA et Logique), c'est à quatre mains qu'ISHA et Limsa entament une nouvelle étape de leur carrière. Et pour ce faire, rien n'était trop beau : le rappeur d'Aulnay est parti retrouver son comparse a Bruxelles, et Dee Eye ou JeanJass sont parvenus à trouver du temps libre dans leurs agendas de ministres pour offrir quelques unes de leurs meilleurs prods. Le résultat, c'est ce Bitume Caviar (vol. 1) qui porte plutôt bien son nom : rarement des gouailles n'ont semblé aussi complémentaires que sur ces vingt huit minutes de musique où la paire semble prendre autant de plaisir à rimer que nous à les entendre découper des productions. On y trouve un ISHA bien plus constant que sur son Labrador Bleu, un Limsa presque méconnaissable quand il sort un peu de sa zone de confort, mais surtout on observe une alchimie et une fraîcheur qui permettent au disque de s'offrir des titres qui vont instantanément dans le panthéon des plus belles choses que le rap français nous ait proposées en 2023. Et puis sur ce disque au ton très rue dont on espère un volume 2 tout bientôt, c'est aussi l'occasion de remettre les choses au clair : si les faux gangsters citent Lunatic dans leurs rimes, les vrais préfèrent référencer Juliette Armanet.