Autechre
Klub Progresja, Varsovie, le 10 août 2025
Le brat summer est apparemment mort. Terminés la coke et l’hédonisme, et pour s’en assurer (et planter un dernier clou dans le cercueil) on a donc décidé d’aller voir un des groupes les moins extravertis du monde dans une ville peu connue pour son tourisme et sa sensualité : Autechre à Varsovie.
Pour cette courte série de dates estivales qui les voyait parcourir 5 villes européennes avant une tournée US et UK, le duo anglais était accompagné de Russell Haswell et de « talents locaux » sur certaines dates. Aucune idée donc de qui était la première personne sur la scène du Klub Progresja ce dimanche soir, on sait simplement qu’elle joue intégralement sur Eurorack. Le tout modulaire, c’est également le choix qu’avait fait Russell Haswell pour un live court mais ultra-efficace. Arc-bouté sur son set-up posé à même le sol, l’anglais a alterné entre ambient, noise et moments ultra-percussifs, tout en rendant hommage à Ozzy Osbourne et en s’enquillant quelques Heineken au passage. Absolute Chad.
Mais sans leur manquer de respect pour autant, le public n’était pas là pour les premières parties. Non, les spectateurs attendaient Autechre comme des morts de faim, t-shirts du groupe sur le dos (toujours le même design depuis 2022 à l’exception de l’année indiquée... on l’a évidemment racheté) et bras croisés en attendant l’extinction des feux. 21h pile, la salle est plongée dans l’obscurité, et les premières textures émergent.
On pourrait décortiquer sans cesse la moindre prestation live d’Autechre, et les fans hardcore ne s’en privent d’ailleurs pas sur Reddit. Pour tenter de s’inscrire dans leurs pas, on évoquera rapidement un live dans la lignée de Rennes (le set C version « sombre » donc selon la nomenclature de r/autechre) mais sous stéroïdes, les morceaux les plus rythmés pouvant parfois le rapprocher de Lisbon_B / Lyon (le set D tant apprécié des fans). Bref le fameux Rig du duo continue d’évoluer, et on a hâte d’entendre les différents update apportés, surtout que les deux Anglais ont annoncé vouloir continuer sur leur lancée de tournées, sans projets de disques à venir.
Ceci, on ne l’a bien sûr conscientisé qu’après coup, tant l’intensité du live proposé empêche toute réflexion. 90 minutes d’une musique toujours au bord du précipice, Rob et Sean jouant extrêmement bien avec les attentes du public, au point de faire croire à une fin du live au bout d’une grosse heure avant de repartir de plus belle sur 20 minutes endiablées. Perdus dans le noir, il n’est alors question que d’osciller entre deux lignes de basses, d’essayer de se raccrocher à une structure rythmique avant qu’un nouveau séquenceur ne l’envoie valdinguer par dessus bord, et de prendre régulièrement quelques gros ascenseurs émotionnels sur de superbes segments mélodiques qui surgissent du néant. Un univers entier convoqué au détour d’un patch Max/MSP et d’un geste sur un contrôleur MIDI, avant de repartir dans la soupe primordiale d’où il était venu pour céder la place à de nouvelles constructions.
Les deux architectes de cette Création sont bien là, deux figures fantomatiques derrière leurs écrans de MacBook en luminosité minimum. L’un très calme, semblant à peine bouger, l’autre beaucoup plus engagé, se balançant en rythme alors qu’il agit mystérieusement sur le son. Et quel son ! De là où on était, on n’a clairement pas eu à souffrir de quelconques problèmes d’EQ, et ce alors qu’on était près des enceintes / loin des ingés son. S’il fallait critiquer quoi que ce soit, ce serait d’ailleurs plutôt les 2-3 personnes qui décident de transformer leur téléphone en grenades flash au moment de prendre quelques vidéos. Les yeux fermés pour ne plus être dérangés, on a quand même pris conscience que la luminosité augmentait tout à coup, trop pour que ce soit de simples téléphones. Incroyable mais vrai, c’était bien les projecteurs du Progresja qui étaient allumés, avant de trembloter pendant les 5 dernières minutes du concert. Un dernier souffle drone pour la route, et Rob et Sean de tout à coup disparaître alors que le son commence à faiblir. 30 secondes plus tard, deux ombres se faufilent en back-stage sans un regard, sous de pesants sacs à dos et les acclamations du public. Le brat summer est mort, vive le neurodivergent summer !