Blown
TTSSFU
C’est le bordel, on ne sait pas trop où on met les pieds, certaines choses ne semblent pas à leur place, d’autres manquent, sans doute. C’est le bordel, c’est un peu sale par terre, il y a de la poussière et des restes de pizza, et sans doute faudrait-il aérer un peu. C’est le bordel, mais tant mieux, dans cette chambre où TTSSFU, nom de code de la mancunienne Tasmin Nicole Stephens, compose et enregistre ses titres sur GarageBand. C’est le bordel aussi sur ce disque, résultat d’une création amateur, foutraque, volontairement à rebours, à la fois limité (par le logiciel, amateur) et débridé (quitte à ce que ce soit, encore une fois vous l’aurez compris, le bordel).
La biographie officielle est ainsi écrite : “entre les atmosphères brumeuses de The Cure et l’énergie de The Drums ou The Strokes, son EP Me, Jed and Andy — entièrement autoproduit — marque une étape clé avec “Studio 54”, son premier single chez Partisan Records. Après avoir ouvert pour Soccer Mommy et Mannequin Pussy, et foulé les scènes de festivals comme Green Man ou Manchester Psych Fest, TTSSFU trace sa route”. Reprenons. Oui, on entend ici, comme sur son premier EP donc, un Robert Smith bafouillant, cultivant sa noirceur, sa différence, et oui, on entend un peu de la retenue de The Drums, cette évidence. Pour les Strokes, en revanche, on hésite encore. Peut-être les Strokes des débuts, alors, avant le premier album, à l’époque des premiers concerts. Quant à tracer sa route, c’est certainement le cas avec ce mini album (très gros EP ?), qui semble condenser, concrétiser tout ce qui fait ce qu’elle est, tout ce qu’elle a toujours voulu être, en sept titres qui vous explosent à la gueule (Blown, c'est bel et bien son petit nom), titres malins, idiots (l’ouverture “Cat Piss Junkie”, qui semble presque parodier le Clash), romantiques (“Forever”), envoûtants (“Sick”).
Jeune signature du label Partisan Records (The Black Angels, Cigarettes After Sex, IDLES), TTSSFU devrait sans mal faire parler d’elle dans les prochains mois, les prochaines années. Ce bordel est aussi le témoignage d’une fragilité, d’un doute qui auront bientôt disparu, happés par le professionnalisme, le métier, les responsabilités et les attentes. On ne reste jamais jeune bien longtemps. Profitons des beaux jours, soyons insouciants.