All Systems Are Lying
Soulwax
En janvier 2024, Soulwax mettait fin à cinq années de vide scénique et entamait une tournée européenne que d’aucuns imaginaient déjà comme une nouvelle étape dans une carrière riche en créations et réinventions. Dès la première date à Amsterdam, il fallait déchanter : dans un décor reproduisant la scénographie de la tournée précédente, le groupe nous faisait le coup de la setlist best of, exception faite de deux nouvelles compos qu’il donnait l’impression de ne pas s’approprier. Coup de fatigue ou coup d’arrêt ? Il aura fallu attendre les dates en festival l’été dernier pour se rassurer avec une setlist généreuse en nouveautés maîtrisées. On avait retrouvé le Soulwax qu’on aimait, pluriel et audacieux. Encore fallait-il transformer l’essai avec All Systems Are Lying.
Avant toute chose, il est important de se poser la question de la finalité de ce disque. Depuis toujours, et surtout depuis l’ouverture des studios Deewee, Soulwax a cherché à bétonner sa réputation d'amoureux du studio. Mais ça c’était avant All Systems Are Lying, un disque qui donne l’impression d’avoir été pensé dans l'antre de la Kruidenierstraat, mais pour exister en dehors de celui-ci. C’est un sentiment qu’on n'avait plus ressenti depuis Nite Versions, auquel ce septième album s’autorise des clins d’œil quand il lache - épisodiquement - la bride, comme si Stephen et David Dewaele luttaient contre la tentation de revivre les frissons electro-rock d’il y a 20 ans. Car les entertainers d’hier sont devenus des esthètes accomplis. Et cet attachement au beau reprend rapidement le dessus, et inonde alors des compositions où tout un éventail d’influences, new wave, post-punk ou hard rock, entrent en symbiose là où elles se télescopent chez tant d’autres.
Mais si le disque s’attèle à dépasser la ligne d’horizon tracée soigneusement sur From Deewee, on a la légère impression que ces deux-là peinent à se réinventer. Pourtant, depuis Much Against Everyone’s Advice en 1998, chaque nouvel album semblait vouloir faire abstraction de tout ce qui l’avait précédé. Les plus polis parleront d’un disque synthèse. On optera ici pour une expression plus connotée, celle de ‘fan service’. Car cet album a ce côté « dis-moi quel auditeur de Soulwax tu es et je te dirai quel morceau écouter en priorité » ; sauf si tu aimes tout ce que le groupe a jamais produit et alors tu écoutes « Gimme A Reason » pour voir 25 ans de Soulwax condensés en 6 minutes et 42 secondes.
Mais revenons à cette tournée de 2024 : le fait que des morceaux comme « E Talking » ou « Conversation Intercom » aient refait leur apparition dans la setlist pourrait laisser penser que Stephen et David Dewaele sont dans une forme de résignation - un vrai procès d'intention, on en a conscience. Mais c’est ce qui fera probablement dire à certains (et nous les premiers) que Soulwax s'engage peut-être dans une voie de garage en recyclant une bonne partie du logiciel From Deewee. Pour autant, on ne bouffe pas que de la soupe à la grimace, bien au contraire : le disque tient totalement la route, et des morceaux comme « Run Free » ou « New Earth Time » sont même à classer parmi les meilleurs jamais écrits par la fratrie. Et puis au-delà de son côté crowd pleaser évident, All Systems Are Lying va parler à toute une autre frange de la fanbase parce ces fameuses bonnes idées, le groupe les intègre dans une écriture qui pense très fort aux guitares, sans pour autant les faire exister comme à l’époque où les influences étaient à aller chercher du côté de Kyuss ou des Masters of Reality. Bref, tout le monde devrait y trouver son compte, et c'est peut-être ce qui fera de ce disque un des plus populaires de la carrière du groupe, à défaut d'être le meilleur.