AIN'T NO DAMN WAY!

Kaytranada

RCA Records – 2025
par Aurélien, le 1 octobre 2025
7

On cligne des yeux et on réalise : voilà déjà une décennie que Kaytranada squatte les playlists, et son règne continue d’être sans partage. Loin d’être l’épiphénomène de la scène beat Soundcloud comme certains (dont nous) auraient pu le parier, le Canadien continue de faire taire les rageux et de remplir des salles de plus en plus grandes, tout en se rendant toujours plus indispensable auprès de quelques chouettes charbonneurs du rap US – son cool album avec Aminé en 2023 est là pour en témoigner. Bien dans ses baskets d’entertainer, jamais trop putassier mais toujours suffisamment lisse, on pensait le producteur condamné à sortir des disques qui font chauffer le carnet d’adresses avec plus ou moins de succès. Du coup, quand AIN’T NO DAMN WAY! débarque au beau milieu du mois d’août sans le moindre featuring pour appâter le chaland, on a eu envie de croire à un retour aux sources. Grand bien nous en fasse : on aurait été déçus que ce quatrième disque nous file entre les doigts, à l’heure du sable mouillé dans les Birkenstock et des granités fraise.

AIN’T NO DAMN WAY! est donc un album purement instrumental, et pas tout à fait une beat tape comme à la grande époque des classiques de Madlib ou Karriem Riggins : même si ça en a le côté rond et instinctif, on sent bien que le Canadien a fait un travail de polissage nécessaire pour en faire ce chouette no skip. En tout cas, ça ne triche pas : aucun refrain carré n’est là pour rattraper une production bancale, et ces douze titres ne doivent compter que sur les grooves vintage, quelques samples et une production méticuleuse pour exister par eux-mêmes. Louis Kevin Celestin semble bien l’avoir intégré, et choisit ici de nous sortir le grand jeu, à sa façon : s’il ne révolutionne nullement sa recette, il démontre qu’il est toujours le chaînon manquant entre Theo Parrish et J Dilla en mettant les pieds aussi bien dans une house rondouillarde mais catchy ("THINGS", "SPACE INVADER" qui n’aurait pas dénoté chez Lone) que dans des prods autrement plus soulful (formidable "SHINE YOUR LIGHT FOR WE"), sans oublier des détours bienvenus vers le R&B ("TARGET JOINT", "DO IT ! (AGAIN !)" avec la voix des TLC).

Kaytranada parvient une nouvelle fois à nous mettre dans sa poche sans trop avoir à forcer sur son talent : en 35 petites minutes, soit son album le plus court en date, et en évitant à tout prix la générosité de ses albums précédents, AIN’T NO DAMN WAY! concentre une collection de productions simples mais léchées, et qui réussit à garder comme fil rouge ce même mood caniculaire. Il faut bien le reconnaître : ce n’est pas tout à fait le disque qu’on s’attendait à jouer en boucle en retournant les saucisses sur le barbecue ou en conduisant d’une main sur la route des vacances, mais force est d’admettre que ce nouvel effort sonne diablement frais, que sa replay value est indiscutable. La preuve? On vous en parle un 1er octobre, on commence à se les geler sévère et pourtant ça tient toujours autant la route.