Wordplay For Working Bees

Lucy

Stroboscopic Artefacts – 2011
par Simon, le 22 avril 2011
9

On a connu Lucy comme un producteur discret mais à suivre de près : son terrifiant remix pour Gui Boratto, sa dizaine d'EP's et finalement sa présence chez CLR – label de Chris Liebing. Mais tout cela pourrait ne plus trop compter tellement le producteur a pris aujourd'hui une dimension nouvelle. Exit les grands labels, Lucy bosse désormais pour son propre compte - et vu les premières références de Stroboscopic Artefacts, on ne peut que se réjouir de cette initiative. Exit aussi les sonorités policées et les plaques tech-house au kilomètre, le Lucy nouveau est devenu un monstre de la techno froide et anxiogène. Un changement de cap qui s'officialise avec ce Wordplay For Working Bees, premier album taillé dans l'acier.

Plus qu'un simple bon disque de techno, Wordplay For Working Bees est avant tout un monument de froideur, qui se matérialise dans un délicieux univers IDM. Les lignes sont donc instables, à géométrie variable et bien souvent anti dancefloor. Il sera en effet difficile de claquer un beau déhanché sur ce premier album, l'ensemble des onze titres en présence se focalisant plus sur des ambiances sombres et percussives. Mais cela n'est en rien un écueil puisque Wordplay For Working Bees reste un disque puissant et physique, qui trouve une voie de prédilection dans un concept techno assez originel, où la physique sonore prend tout son sens. Et à ce jeu là, Lucy est un véritable prodige : son aisance avec des textures dark-ambient voire concrètes, la spatialisation fouillée des éléments et les ambiances analogiques font de cette œuvre un véritable bonheur pour toutes les oreilles aventureuses, qui aiment que leur techno défriche des zones encore inexplorées. Pour beaucoup d'amateurs, la perspective qu'un jour Autechre produise un album techno demeure un fantasme persistant. Pourtant ici on est clairement dans ces lignes là : même attrait pour les rythmes chauds et métalliques, même grain vintage une fois dans les textures ambient et même sens de l'agencement des sonorités. Tout rappelle en fait le côté psychotique d'un Confield et la justesse d'un Oversteps.

Wordplay For Working Bees est donc clairement cet hybride fou entre deux univers sombres et évocateurs. La techno et l'IDM font donc ici très bon ménage et chacun des genres apporte ses forces à l'ouvrage sans pour autant se dénaturer. Cet album claustrophobe est un monde à part entière, un voyage mental autant que physique, et surtout un des albums concept les plus réussis de cette année en cours. Parce qu'à bien y regarder d'un peu plus près, on peut d'ores et déjà qualifier ce Wordplay For Working Bees comme un classique du genre.

Le goût des autres :
8 Thibaut