Space is Only Noise

Nicolas Jaar

Circus Company – 2011
par Julien Gas, le 3 mars 2011
8

Le New-Yorkais Nicolas Jaar est sur toutes les lèvres et tous les blogs depuis 2008. Son premier album, attendu tel le messie, est apparemment ce qui va révolutionner la musique électronique, casser les schémas et  lui donner un nouveau souffle. L'album est maintenant dans les bacs. Chronique d'un phénomène.

Beaucoup de buzz autour du bonhomme, beaucoup d'attentes aussi, mais rien de véritablement surfait puisque, depuis son premier Ep (Student), sorti sur le très arty label Wolf+Lamb,  force est de constater qu'il en aura bluffé plus d'un. A l'époque, le jeune New-Yorkais d'origine franco-chilienne n'avait que 17 ans! S'ensuivra l'excellent Nicolas Jaar Live Fall 08’ balancé sur le web et écouté en boucle au-dela d'un simple automne. Son deuxième Ep, la tornade Time For Us, nous a insufflé un groove infectieux dans les dents, une deep house suave, un truc rarement entendu, neuf et frais qui fera vite le tour du web. Un Ep qui offrira aussi à Nicolas Jaar sa première véritable visibilité et sa première consécration.

Toutes les conditions étaient donc réunies pour que presse musicale et mélomanes attendent ce disque comme on attend une vraie bonne came, un truc à nous faire tellement triper que ça  transformerait peut-être notre vision des choses et de la musique. Un truc aussi révolutionnaire qu'Aphex Twin ou Burial en leur temps, disait-on dans les couloirs des passionnés de sons ou des vendeurs de buzz. A vous de voir. En ce qui nous concerne, avant la sortie de l'album, trois titres nous avaient véritablement percuté les neurones, « Time For Us », « Mi Mujer » et l'excellent « El Bandido ». On attendait donc un album dans la même veine, celle d’une house groovy et toujours connectée au dancefloor, malgré un tempo lent.

A l'écoute du disque, le virage est sévère. Nicolas Jaar semble opter pour d'autres univers, des univers encore plus lents, avec moins de  groove et plus de collages, des ambiances plus cinématographiques et lounges  mais toujours avec une patte indescriptible influencée par la house, le jazz ou encore les percussions exotiques. L’album s’écarte du dancefloor  pour mieux se rapprocher du bar, de ces ambiances enfumées, éthyliques et volubiles. On y entend du Godard et du Tristan Tzara enrobé par  Ray Charles, on y aperçoit l’influence de l’éthio-jazz de Mulatu Astatke et l’on se noie dans cette multiculturalité neurasthénique addictive. Le Space is Only Noise de Nicolas Jaar est un grand disque à la maturité impressionnante qui nous emporte pour un voyage cohérent, implacablement déroutant et confortable à la fois. Nous dirons de lui qu'il est un disque rare. Un disque rare, mais pas un disque exceptionnel, trop confortable pour ça, trop luxueux, pas assez dark. Parce que oui, même si le disque de Nicolas Jaar est assez somptueux, il est parfois à la lisière de ces compiles lounges faites par des hôtels pour des branchés urbains un brin bling-bling. Heureusement, la plupart du temps le jeune franco-chilien sort gagnant de cette comparaison un peu vache, on vous l’accorde.  

Bref, Space Is Only Noise est un disque qui s’écoute les dimanches embrumés par l’hiver et les excès, entre une tasse de café et un brownie, entre Burial et St Germain. Un disque qui ne révolutionnera peut-être pas mais qui plaira longtemps, longtemps, longtemps…

Le goût des autres :
7 Simon 8 Thibaut 7 Laurent