Pong

Senking

Raster Noton – 2010
par Simon, le 12 octobre 2010
8

Çà devait arriver un jour ou l'autre. Maintenant que le monde entier est convaincu du bien-fondé du genre, voilà que le dubstep infiltre même les milieux « expérimentaux ». On a certes eu droit à un nombre incalculable d'hybrides dubstep/electronica (on vous renvoie vers les labels Tympanik Audio et Hymen pour approfondir le propos), mais de là à voir débarquer le genre sur Raster Noton, il y a un pas. Car il faut bien le dire, le label est surtout connu pour abriter les électroniciens les plus talentueux au cœur du click'n'cut minimaliste. On est loin de la saleté urbaine et des infra-basses rugissantes.

Et pourtant Senking, on va le voir, va réussir à concilier les impératifs de ces deux genres a priori incompatibles. Tout d'abord – et ce n'est en rien étonnant – on retrouve logiquement un son extrêmement clinique, où rien ne dépasse du cadre. Véritable marque de fabrique du label, le son est vêtu de blanc, les ruptures de noir. Le reste n'est que magie : le dubstep de Senking gagne en clarté à jouer sur des espaces couleur neige, chaque infra-basse se transforme en séisme et l'ensemble y gagne en masse. Peu d'écoutes suffiront à exhumer le paradoxe énorme qui fait de Pong un grand disque. Épuré à l'extrême mais massif, froid mais coloré : les neuf titres de cet album puisent leur grandeur dans le contraste et la contradiction. Ne vous étonnez pas de trouver une nappe ambient autour d'une mélodie signalétique, guettez plutôt les géniaux développements qui opposent dubstep et microscopie électronique. Jamais l' « auditeur lambda » ne sera laissé sur le côté, aucune complexité outrancière ne sera proposée ici, allant jusqu'à parsemer cette œuvre de mélodies bien imprimées (on vous renvoie à l'écoute de l'excellent « Low Flow »). Les amateurs de Pole vont se régaler.

Mais alors, quels sont donc les défauts de Pong? On n'en sait rien, on est encore trop sous le coup de l'admiration pour envisager prononcer la moindre critique négative à propos de cet hybride à l'audace déroutante. Faire rencontrer Kangding Ray avec Skream est un évènement qu'on avait du mal à imaginer – bien que certains l'avaient fantasmé. Difficile de prédire l'avenir de ce disque tant il fait office de patron esseulé dans sa catégorie. Quoiqu'il en soit, il paraît impératif pour quiconque s'intéresse un tant soit peu à la nouvelle scène dubstep de jeter une oreille attentive à ce projet détonnant. Londres en 2150 devrait ressembler à tout ça.

Le goût des autres :
7 Julien