Night Slugs Allstars Vol.1

Various Artists

Night Slugs – 2010
par Simon, le 10 janvier 2011
7

Diables d'Anglais, eux, leur bass music et leur insolente capacité de mutation. Le dubstep a eu beau, vague après vague, se mondialiser et se désincarner, les Anglais ont toujours été là pour dicter de loin les codes de son évolution. Il est un point positif que nul ne saurait démentir : le dubstep – et plus largement l'ensemble des musiques à basses venues d'Outre-Manche – n'est qu'un moyen, jamais une fin. Un processus en mouvement perpétuel, une œuvre sociale qui fait corps avec sa génération et qui ne répond finalement d'aucune autorité, sinon celle de la jeunesse qui l'a adoubée. Ce système fait d'influences croisées va et vient et aboutit sans cesse à renouveler un organigramme complexe de branches et sous-branches. Le chroniqueur a beau essayer d'avoir le contrôle intellectuel sur ce phénomène, essayer de ne pas se perdre au beau milieu de ce désordre organisé, il aura toujours un temps de retard.

L'autre élément qui singularise ce phénomène musical, c'est la rapidité avec laquelle un sous-genre est porté en grâce par son public. Prenez ce label, Night Slugs, qui a réussi le pari de s'imposer sur la toute jeune scène qu'est le uk funky, le tout en moins d'une année. Mais chaque chose en son temps. Tout d'abord il convient d'encadrer ce qu'il convient d'appeler uk funky : énième mutation du genre dubstep, celle-ci se pare d'apparats venant de mondes aussi divers que la house, le r'n'b, la synth-pop, l'electro, le grime ou la soca. Un produit hautement coloré et rythmiquement infaillible, à mi-chemin entre l'urgence de la rue et les nécessités du clubbing sauvage. C'est dans ce contexte à la jeunesse presque illégale que Night Slugs imposera sa révolution de palais.

Co-fondé par un des quatrième couteaux d'une scène fidget-house qui sent le cadavre – L-Vis 1990 – Night Slugs publie ses premières mémoires après seulement un an d'existence. Un constat d'urgence qui parait moins ridicule que la situation le laisse penser. Car il faut bien l'avouer, les producteurs du label ont enchaîné les EP comme des morts de faim. Une folie créatrice – jusque là sans jugement critique – qui se doit de se libérer sans calcul. Ces années fastes accouchent généralement de ce que les producteurs ont de mieux à offrir, et là aussi les statistiques ne mentent pas puisque Kingdom (avec son That Mystic EP), Girl Unit (Wut EP) et Egyptrixx (The Only Way Up Ep) ont montré une clairvoyance musicale à tomber raide.

Ce Night Slugs All Stars Vol.1 est logiquement dans la même veine, et tente de démontrer avec vigueur, et non sans une certaine réussite, toute la pertinence du mouvement funky-house. Il existe au sein du label une cohérence de principe : qu'importe les directions prises (Lil Silva penchera pour la soca, Egyptrixx pour la house, Girl Unit pour le dubstep, Kingdom pour le grime, Jacques Greene pour l'acid-house...), tout regorge de claviers cheesy as fuck, de basses redondantes et de parties vocales un peu putes comme on les aime.

La compilation n'est pour autant pas exempte de défauts : certaines tracks cherchent parfois leur chemin et surtout on se rend compte qu'il y avait peut-être mieux à faire à écouter certaines pépites isolées au détour d'un EP. Mais ne jouons pas les enfants gâtés, cette première rétrospective est surtout le témoin vivant, et tout en dynamisme, d'une arrière-garde anglaise qui ne désemplit pas. Profitez-en, dans six mois on sera déjà plus loin.

Le goût des autres :
7 Jeff 8 Thibaut