Cruel Summer

G.O.O.D Music

Def Jam Recordings – 2012
par Aurélien, le 2 octobre 2012
7

Faut-il que Kanye West se sente à ce point poussé au cul pour s'obliger à entrer en studio au moins une fois par an? Difficile à dire. Mais vu comment les petits cons de la trempe d'A$AP Rocky ou Odd Future s'amusent à décomplexer le rap game, on a le sentiment que l'égocentrique ourson de Chicago se plait à jouer les juges de paix, de préférence accompagné. Et si traîner la chaise rouillée de son poto Jay-Z sur le racoleur Watch The Throne n'a pas franchement su recueillir notre enthousiasme l'an dernier, on doute que Cruel Summer, première compilation ''plus profonde que le Wu-Tang Clan'', manque d'arguments pour nous faire oublier cette pénible passe. C'est même l'ecstatique animalité révélée par cette battle royale à l'Américaine qui remettra les comptes à zéro. Et de la plus fun des manières.

Car les mecs de G.O.O.D Music prouvent ici qu'ils sont bien les rois de cette grande cour de récré qu'est le rap jeu. En affirmant qu'ils ont la plus grosse, qu'ils s'envoient la meilleure biatch, ou qu'ils roulent dans les plus grosses voitures. Un bordel tellement immature qu'on a jugé dispensable, passé le troisième titre de l'album, de compter les pokes à Kim Kardashian, aux illuminatis et à Louis Vuitton. Et le pire dans cette histoire, c'est que ça fonctionne à 200% : mégalo en diable, clinquant et parfois limite facile, Cruel Summer doit son écrasante réussite à une absence radicale de détail, de ligne directrice qui n'épargne fatalement pas les fautes de parcours, ''To The World'', ''The One'' et ''Bliss'' en tête. Mais qui révèle aussi des choses tout à fait inattendues à l'image de ''Higher'', superbe balade de pimp qui hérite du meilleur beat de 2012 ou encore ''Creepers'', qui marque un chouette retour en force pour un Kid Cudi qu'on commençait à croire très mal en point. Au rayon des autres très bonnes surprises, difficile de ne pas toucher un mot des épatantes performances de 2Chainz, Big Sean ou Common, parfaits chevaliers servants du Louis Vuitton Don là où l'omniprésent Pusha-T s'impose tout du long comme son bras droit idéal. L'ex-Clipse se plie en effet littéralement en quatre ici, offrant à cette plaque ce que son flow à de plus abouti et de plus félin. L'intéressé ira même jusqu'à déclarer ouvertement ''I believe there's a god above me / I'm just the god of everything else'' et, franchement, on peine à lui donner tort tant chacune de ses interventions relève du divin au beau milieu de cette belle escouade qui met pourtant la barre bien haut.

A l'arrivée, malgré leur trentaine souvent bien entamée, jamais la team de Chi City n'a eu autant d'insolence. Et cette seconde jeunesse contagieuse, G.O.O.D Music la doit à son entière dédication à l'entertainment pur et dur, ses bonnes idées à la pelle, et ses egotrips explosifs qui placent Cruel Summer à plusieurs kilomètres au-dessus de Watch The Throne – pas étonnant donc d'y voir ici Jay-Z relayé au rang de discret invité. Petits cons parmi les petits cons, l'exutoire dévoilé par Yeezy et ses camarades de (première) classe nous met K.O. dès le premier round avec cette plaque qui sonne comme un millésime hors de prix débouché en plein milieu d'un McDonalds : une luxuriante ivresse au beau milieu de quelques tâches de gras.

Le goût des autres :
3 Thibaut 6 Maxime 5 Soul Brotha 6 Ruben