Blakroc

Blakroc

Cooperative Music – 2009
par Soul Brotha, le 7 décembre 2009
10

Quand on y réfléchit, le crossover rock/hip hop a t-il déjà réellement existé? A part quelques exceptions notables (Run DMC/Aerosmith ou les Beastie Boys, même s'ils n'ont jamais véritablement été un groupe de rap) et une série d'albums flirtant avec les guitares électriques au début des années 2000 (The New Danger de Mos Def, Phrenology des Roots ou encore Electric Circus de Common), ce terrain est quasiment vierge. C'est dans ce contexte que déboule Blakroc, la collaboration improbable entre les Black Keys, duo venant de l'Ohio connu et pour ses riffs bluesy crasseux, et Damon Dash, figure majeure du 'hip hop game' et grand gourou de l'illustre label Roc A Fella (longtemps la maison de Jay-Z avant une brouille entre les deux hommes). Le deal est simple: les BK apportent la musique, Dame, les rappeurs. Le moins que l'on puisse dire, c'est que tout le monde a bien rempli sa partie du contrat.

Musicalement, on était en droit d'être curieux quant à l'approche retenue par les Black Keys. Comment un groupe de rock, avec tout ce que cela comporte comme particularités musicales, peut-il produire un disque de rap? La réponse à cette question compliquée est simple: en ne changeant à peu près rien. La couleur sonore du disque rappelle clairement Attack & Release, le dernier album du groupe. Riffs agressifs et pincées de blues: crado comme on l'aime. Seule concession faite, elle est inévitable, c'est au niveau du rythme. L'ensemble est plus chaloupé afin de laisser une place aux MC's.

Car de ce coté-là, nous avons droit à un casting cinq étoiles! Le morceau d'ouverture, "Coochie" convie Ludacris qui pose sur un instru finalement très proche, dans sa structure plus que dans sa sonorité, de ce qu'il fait d'habitude et fait même revenir Ol' Dirty Bastard d'entre les morts pour un couplet dantesque. Les autres têtes d'affiches répondent aussi présentes, largement. Raekwon démolit sa piètre performance de Only Built For Cuban Links II (vous l'aurez compris, on est pas tous d'accord sur cet album au sein de la rédaction), le RZA passe pour un vrai rappeur (avec un flow, une diction convenable et tout) et Q-Tip est a son (top) niveau. Même Jim Jones s'en sort plutôt pas mal, c'est dire. On sera plus circonspect concernant Nicole Wray, son morceau soul étant le moins intéressant de l'album et c'est en grande partie dû à sa voix assez anonyme.Néanmoins, la plus grosse surprise de cet album reste la prestation de Mos Def. Après toutes les railleries qu'on a pu lui balancer à la sortie de The Ecstatic (six mois plus tard, ce disque reste une infamie), il se rattrape magistralement ici avec deux prestations de haute volée. "In The Vista" et sa guitare lancinante nous permet de redécouvrir son flow nonchalant et volubile à la fois, tout comme "Ain't Nothing Like You" où sa coopération avec Jim Jones fonctionne à merveille. Comme quoi, c'est bête à dire, mais il suffit d'être bien produit pour (re)faire de la bonne musique...

Quoi qu'il en soit, Blakroc est un miracle. Il s'agit du premier projet crédible de fusion hip hop/rock. Personne ne s'est compromis dans cette histoire, les Black Keys ont fourni une prestation musicale éclatante au service d'un crew de rappeurs en pleine forme. Ce projet excitant est un des meilleurs album hip hop de ces dernières années: un groupe de rock qui propose sa lecture de la musique rap et qui se débrouille pour que ce soit brillant, oui, clairement, c'est un miracle.

Le goût des autres :
7 Simon 8 Julien Gas 8 Gwen 8 Romain 6 Thibaut 7 Jeff