Dossier

Wake Up The Dead #6

par la rédaction, le 7 juillet 2018

Sleep Terror

El Insomne

Emile

Quand on fouille dans l'actualité des musiques « extrêmes », on fatigue souvent de l'homogénéité qu'on peut y trouver, que ce soit dans les sonorités, le graphisme des pochettes, les ambiances générales, etc. Heureusement, de temps en temps, on tombe sur des disques qui nous foutent un sourire pas possible. Et à ce niveau, dans le délire du metal alternatif, le one-man band de Luke Jaeger commence à se faire une place plus qu'intéressante. A l'aide du batteur Marco Pitruzella, El Insomne propose une musique foutrement délirante. Sur une base de progressive death viennent se greffer des sonorités d'Amérique du Sud, du math-rock, du heavy, de la funk, afin de donner une soupe humoristique, efficace, voire carrément belle, comme sur le morceau « Panacea ». Un métal solaire, innovant, et très attaché au groove, comme en témoignent de nombreux passages de l'opus. Au final, le deuxième album de Sleep Terror fait émerger une version moderne et énervée de Primus. Un régal pour l'été.

The Armed

Only Love

Alex

Depuis sa formation en 2009, le collectif du Michigan The Armed a maintes fois démontré l’envie de partager une musique débridée et complexe, aux antipodes de ses pairs, qui malgré son approche particulièrement radicale se révèle toujours originale et non moins mélodique. Jouissant peut-être d’une exposition plus confidentielle au sein d’une scène hardcore saturée, le groupe qui compte dans ses rangs le batteur Ben Koller (Converge) continue de délivrer des sorties toujours captivantes sans jamais se répéter. Enregistré au God City Studio de Kurt Ballou, Only Love, le deuxième album du groupe, est un véritable monolithe de 11 titres, bruitiste et exigeant, qui laisse entrevoir au fur et à mesure des écoutes, un impressionnant sur sa composition. On ne sait jamais vraiment dans quoi classifier tout ce boucan tant les américains empilent les couches et explorent tous les recoins. On pense parfois à la folie d’un Dillinger Escape Plan avant de rebondir sur des ambiances synthétiques à la Genghis Tron pour finir sur des séquences pop ou noise. A tout moment, la musique de The Armed semble compacte et sur le point d’exploser avant de prendre l’auditeur à contre-pied avec un break déroutant ou un couplet catchy. Un album labyrinthique dont on n’a pas vraiment envie de sortir.

Vulgar Display of Purring

Vulgar Display of Purring presents : New York

Emile

Le monde du métal, ça n'est pas qu'une projection musicale de l'intérieur du crâne sclérosé de Burzum ou des concerts où se mêlent wall of death et effusions de sang. En réalité, on le sait tous, l'univers du métal, c'est avant tout beaucoup d'amour et des projets géniaux. Le dernier bon délire en date nous vient de New York, avec un projet nommé Vulgar Display of Purring, qu'on imagine être un hommage humoristique a l'album de Pantera, Vulgar Display of Power. Le projet se propose de monter une compilation pour chaque État américain dans laquelle on présentera les meilleurs groupes heavy locaux au profit des associations de défense... des chats. Le premier volume est consacré à l'Etat de New York, et on avoue être étonnés d'y retrouver des groupes avec autant de notoriété que Unearthly Trance, Tombs ou Artificial Brain. Tous ont accepté l'invitation de Bob Lugowe, boss du label Brutal Panda Records, afin de s'investir pour les associations d'aide aux félins errants, au point de conclure la sortie de l'album par un concert caritatif qui a eu lieu le 26/06 au Saint Vitus, le QG de Brooklyn en matière de gros riffs. Au final, la compilation, au-delà d'être drôle et caritative, est également de qualité, avec une variété délirante de style et des reprises originales, comme le "Over" de Portishead joué par Godmaker. Si votre chat vous fait la fête avec du headbanging quand vous rentrez du taf, vous saurez ce qu'il faut mettre comme son.

MØL

Jord

Alex

Avec deux EP sous le coude et une signature sur le label anglais Holy Roar, il était temps pour la formation danoise MØL de montrer au monde l’étendue de son talent. C’est chose faite avec Jord, formidable disque mêlant la beauté du post rock et du shoegaze avec la froideur du black metal. Encore un énième clone de Deafheaven ou Alcest diront les plus sceptiques? Ce ne serait pas rendre hommage aux cinq garçons d’Aarhus qui en 40 minutes, proposent une musique émotive et froide, à l’identité déjà bien affirmée. Sur Jord, les titres sont truffés de bonnes idées et ne cessent de changer de rythme sans jamais perdre en impact, malgré l’étiquette « métal atmosphérique » qui entoure la production. A la différence d’autres formations blackgaze qui peuvent parfois se lancer dans de longues et fastidieuses démonstrations de style, MØL évite les clichés et va à l’essentiel avec des tracks dépassant rarement les cinq minutes, leur permettant ainsi de ne pas éroder l’aspect brutal et tendu de leurs compositions. Certes, rien de totalement novateur dans tout cela mais voir le quintet proposer une telle maîtrise d’entrée de jeu, force l’admiration. Jord empile les moments de grâce, dans un parfait équilibre entre instants déchirants et riffing pachydermique. Un premier essai riche, varié et ténébreux, qui laisse présager le meilleur pour cette jeune formation.

Caput Mortuum

Return of The Sinister

Emile

On avait quitté Maurice de Jong au début de l'année sur un disque violent, qui arrachait nos oreilles comme une scie arracherait de la chair. À peine quelques mois plus tard, c'est avec son projet Caput Mortuum qu'il revient. Plus drone et ambient (dans le sens le plus large du monde) qu'avec Gnaw Their Tongues, le démonologue hollandais offre avec Return of the Sinister une vingtaine de minutes de descente aux Enfers. Derrière ses hurlements déshumanisés, le brave Maurice propose des variations oscillant entre le black métal et l'expérimental noise, le tout façonné dans un grand bourdon de la mort. Enregistré en un jet, "in a spasm of hate" comme il l'écrit lui-même, l'album est une décharge d'angoisse et d'incertitude qui nous plonge la tête la première dans une baignoire onirique et ensanglantée. Parfait pour des vacances en famille.