Dossier

Top 10: reformations

par Jeff, le 1 mai 2011

Avec un dossier comme celui-ci, consacré aux reformations, le principal problème est la probabilité qu'en cours d'élaboration, un groupe chéri décide de reprendre du service sans crier gare. D'ailleurs, rien que ces derniers mois, Pulp, Electrelane ou Death From Above 1979, trois formations vénérées par le rédaction de GMD, ont toutes annoncé leur retour aux affaires. On le sait également, ces dernières années, le business de la reformation s'est révélé être particulièrement juteux pour de nombreux groupes qui avaient entre-temps sombré dans l'anonymat, et on pourrait penser qu'il n'a pas été si facile que cela de dégotter dix références indispensables – en essayant par ailleurs de ne pas s'appesantir sur des néo-retraités comme les White Stripes ou LCD Soundsystem. Mais l'entreprise fut plus aisée  que prévueet on vous laisse sans plus tarder découvrir nos 10 lauréats, en vous expliquant à chaque fois les raison du split, les raisons qui devraient les pousser à se retrouver et les chances que cela arrive.

The Smiths

Pourquoi ils se sont séparés? Version pilule bleue: c'étaient des garçons très sensibles, qui n'ont pas supporté le stress du succès trop rapide, la fatigue des tournées incessantes, les difficultés à gérer administrativement au quotidien un groupe de rock quand on n'a pas de manager. Facteur aggravant : la relation forcément compliquée et vouée à partir en couille entre Morrissey, l'esthète éduqué à la sexualité ambigüe, et Johnny Marr, le guitariste prolo aux passions beaufs. La symbiose artistique aura duré un peu moins de 4 ans et le groupe vécu de 1982 à 1987, avant de se démanteler dans un trip assez haineux, bien relayé par la presse branchée indie de l'époque. Version pilule rouge: selon différentes sources, les Smiths ont beau n'avoir été qu'un groupe de rock indépendant ayant principalement cartonné en Angleterre, ils ont en fait généré un ENORME PAQUET DE POGNON et bien davantage que les problèmes d'égos, de drogues et de picole, c'est surtout le partage du pactole qui a causé la rupture définitive entre chacun de ses membres. Dès 1985, les Smiths entraient en conflit avec Rough Trade au sujet des royalties et fin des années 90, Rourke et Joyce, la section rythmique du groupe, gagna un procès leur permettant de chacun récupérer des centaines de milliers de livres sterling. L'un des derniers morceaux des Smiths, d'ailleurs revendu par Johnny Marr à Bryan Ferry s'appelait "Money Changes Everything". Pas un hasard...

Pourquoi ils doivent se reformer? C'est le rêve d'une bonne partie de la Génération X, des nombreux fans de Morrissey, y compris des gangs latino qui le vénèrent à Los Angeles, de sans doute près de 70% de la population britannique de plus de 13 ans et de tout ce que l'industrie musicale compte de requins. Chaque année, des sommes à 6 chiffres (parfois même 7 chiffres) sont proposées à Morrissey et Marr pour qu'ils enterrent la hache de guerre et chaque année, le NME ou les Inrocks annoncent que cette fois, c'est peut-être la bonne... Bernique à chaque coup !

Quelles sont les chances de reformation? Disons qu'officiellement, elles sont toujours à peu près nulles, vu qu'aucun des musiciens n'est franchement dans le besoin, qu'ils entretiennent toujours tous la réputation de se haïr cordialement et qu'aucun ne recherche vraiment une nouvelle notoriété. Sans compter le fait que Morrissey reprend régulièrement les Smiths sans rien demander à personne... Si on devait parier sur un avenir proche, on dirait malgré tout qu'il existe sans doute un pourcentage raisonnable de chances de voir d'ici 2020 Johnny Marr et Morrissey partager la même scène, disons un taux proche de celui envisagé par les sondages pour Sarkozy au premier tour. Par contre, si on les imagine rejoints en concert par Mick Joyce et Andy Rourke, là ça dégringole carrément à une note qui correspond politiquement à celle de Philippe De Villiers ou Olivier Besancenot dans les sondages politiques français. Bref, bernique again !

The Stone Roses

Pourquoi ils se sont séparés ? Drogues, beaucoup. Crises d'egos, également un gros dossier. Procès de plusieurs années avec le premier label, Silvertone, ça n'aide pas. Deuxième album pour Geffen qui n'arrive pas et quand, finalement, il débarque, tout le monde s'en fout et écoute Oasis, Pavement ou Nirvana à la place. Départ du batteur, Reni, sans un mot. Départ de John Squire, le guitariste, qui se plaint d'une ambiance particulièrement pourrie qui aurait été le quotidien du groupe durant des années. Pour couronner le tout, une fin particulièrement piteuse pour des mecs ayant représenté la fierté musicale britannique de la fin des années 80 : hué par le public, crucifié par les critiques, complètement à côté de la plaque. Ian Brown et Mani arrêtent les frais fin 1996, après un véritable chemin de croix qui ressemble fort à une version dramatique et sombre du film Spinal Tap.

Pourquoi ils doivent se reformer? Pourquoi pas. Comme pour les Smiths, il y en a qui attendent cela depuis des années et d'autres qui mettraient des sommes dingues pour que cela se fasse. Le principal problème, c'est que les Stone Roses, c'était une certaine idée de l'énergie et de la jeunesse. Donc, à moins de pas mal se réinventer, ces mecs aujourd'hui ensemble, ça donnerait surtout des quasi quinquas en train de buriner des hymnes d'ados extasiés de 1990. Mouais. On a Primal Scream pour ça, non ?

Quelles sont les chances de reformation? Les rumeurs sont régulières et souvent crédibles. Les démentis tombent toutefois généralement aussi vite que très lourdement. Dernier exemple en date : le 7 avril 2011, où le retour des Stone Roses est annoncé en grandes pompes par le NME. Réponse radicale de Mani : un communiqué quelques heures plus tard invitant les journalistes et le business musical à pratiquer le pêché de chair homosexuel. Ce qui n'a pas empêché ce même Mani de jadis annoncer que la possibilité d'une reformation ne tenait qu'à Ian Brown, vu que les deux autres et lui étaient plus ou moins partants (à l'époque). Bref, à chaque contrôle fiscal, le taux de probabilité augmente...

A Tribe Called Quest

Pourquoi ils se sont séparés? Officiellement, ils ont évoqués des "divergences artistiques" en 1998 et on peut être tentés de les croire. Aux vues des travaux de chacun après le split, on sent une vraie cassure entre les expérimentations osées de Q-Tip et le classicisme de Ali Shaheed Muhammad. Pendant ce temps, Phife se battait avec des galères de label et de graves soucis de santé. Ceci dit, on parle aussi de vrais conflits d'égo, notamment entre Phife et Tip. Ce dernier et Ali se sont aussi disputés récemment sur la paternité de certaines productions. Au final, le groupe a tout simplement implosé après une décennie passée la tête dans le guidon et couronnée d'un succès toujours plus pesant.

Pourquoi ils doivent se reformer? Parce que Q-Tip est plus en forme que jamais, que Phife Dawg est débarrassé de ses ennuis de santé et parce qu'Ali ne fait pas grand chose de ses journées. Aussi, parce qu'on ne voit plus de vraie raison expliquant l'inactivité du trio: Q-Tip est redevenu bankable, Phife est en bonne santé et Ali ne fait rien de ses journées. Enfin, surtout, parce qu'en ces temps étranges, le hip hop a plus que jamais besoin de ses légendes.

Quelles sont les chances de reformation? On peut penser que c'est faisable, voire même envisageable. Depuis 2004, le groupe se remet à faire quelques concerts au compte gouttes. Aussi, les fameuses "divergences artistiques" semblent s'être quelque peu estompées. Q-Tip en a terminé avec ses expérimentations en livrant l'album "The Renaissance", véritable retour aux sources, ouvrant grand la porte. Néanmoins, certaines tensions semblent toujours exister entre Tip et Phife. On peut notamment l'observer sur le teaser du documentaire "Beats, Rhymes and Fights" qui a suivi le groupe lors de ces quelques concerts (et dont la sortie toute proche va encore relancer le débat). On assiste à de belles prises de becs, témoignant d'une certaine tension persistant au sein du trio.

Grandaddy

Pourquoi ils se sont séparés? C'est en 2006 que Grandaddy se sépare, après 14 ans d'existence, laissant au désespoir des hordes de fans - qui continuent à ce jour à mettre à jour forums et blogs dédiés au groupe. La cause de leur séparation : une inadéquation avec l'industrie du disque, quelques tensions, des incertitudes financières... Bref, un mélange de problèmes qui semblent ronger le groupe de l'intérieur. Le parti pris de Grandaddy, c'était de survivre dans l'industrie du disque grâce à une éthique irréprochable : refus de signer sur un gros label, de faire des concerts sponsorisés... Forcément, ils ne gagnent pas autant qu'ils pourraient avec leur musique, et il semblerait que ça crée quelques tensions au sein du groupe. Après quelques années de galère, il semble temps pour Grandaddy d'arrêter les frais. La séparation ne se fait pas particulièrement dans de mauvais termes, mais on croit comprendre qu'il y a à son origine de sérieux problèmes de communication au sein du groupe. Le leader et songwriter de Grandaddy, Jason Lytle, confie au NME à l'époque: "There was a lot of frustration in varying degrees, and a lot of it was built up from lack of communication." Lytle a souvent confié qu'en plus de ces problèmes éthiques et financiers, il n'était pas heureux de la vie d'artiste, supportant mal les tournées, sombrant à l'occasion dans la drogue et l'alcool. Alors en 2006, il a cette impression d'avoir fait le tour du format "groupe" et de Grandaddy, d'avoir essayé. Que la séparation était inévitable.

Pourquoi ils doivent se reformer? Grandaddy, c'est "le" groupe de la fin des années 90. Dans les années 2000, tous les fans de musique indépendante adorent Grandaddy. Et on les comprend. Il suffit d'écouter leurs albums pour se rendre compte que la pop-rock solaire et mélancolique de Grandaddy est irremplaçable. Véritable souffle nouveau de la pop, Grandaddy a laissé un vide après sa séparation en 2006. Mais ils ont laissé l'empreinte d'un groupe unique, viscéralement différent, qui a voulu tracer son chemin en marge des exigences marketing de son temps. Et c'est bien ce qui les a achevé. Mais le résultat en vaut la peine : ils ont offert aux générations à venir une poignée de disques inoubliables, mélange subtil de longs morceaux lyriques, de petites perles pops et de petits bouts d'indie-rock américain. Grandaddy, c'est un peu le groupe pop dont on a rêvé, qu'on a eu, et qu'on nous a enlevé.

Quelles sont les chances de reformation? Chaque membre du groupe s'est embarqué dans des projets personnels. Puis, deux membres de Grandaddy (Burtch et Lytle) ont formé un nouveau projet, Admiral Radley. Les chances de reformation aujourd'hui semblent plutôt maigres : à propos de la sortie d'un DVD de Grandaddy, Lytle a confié qu'il n'avait pas envie de se pencher sur les problèmes de droits, et que les coûts étaient trop importants. Cela dit, lors de ses tournées solo, Jason Lytle joue toujours ses compositions de Grandaddy, ce qui laisse percevoir qu'il a peut-être une nostalgie qui subsiste, une envie de faire vivre ces morceaux. Mais la séparation vient surtout de l'inadéquation de Lytle aux tournées et à l'industrie du disque, à la pression d'être une légende de l'indie rock. On peut dès lors penser qu'une reformation ponctuelle serait possible, peut-être pour un concert ou une tournée, mais une reformation sur le long terme, avec des albums à la clé, semble plutôt improbable pour le moment.

At The Drive-In

Pourquoi ils se sont séparés? L’équation habituelle : drogues + tournée interminable + divergence d’opinions = allez tous vous faire foutre. Formé au milieu des années 90 alors que ses membres voyaient à peine le bout de leur puberté, At The Drive-In n’a pas eu le temps d’absorber le succès à la sortie du monstre Relationship of Command en 2000. Complètement exténué, le groupe commence à annuler ses premiers concerts à la fin de cette même année pour se dissoudre définitivement dans une salle de Groningen en février 2001. Mais les deux crinières de la bande avaient la tête ailleurs depuis quelque temps déjà… Cedric Bixler-Zavala et Omar Rodriguez-Lopez sont fatigués du punk, du hardcore et de tous ces trucs de djeuns. Ils veulent aller goûter du peyotl sur leurs terres texanes et sublimer leurs visions dans une mixture psychédélique baptisée Mars Volta. Depuis lors, le duo a pondu cinq albums aux noms suspects (de De-Loused in the Comatorium en 2003 à Octahedron en 2009), exhalant à la fois des moments de pur génie et de boursouflure totale. De l’autre côté du fleuve, ceux dont on ne retient jamais le nom (Jim Ward, Paul Hinojos et Tony Hajjar) se concentreront sur Sparta, un projet aux guitares nettement plus conventionnelles. Hinojos s’en fatiguera et s’en ira rejoindre les deux compères sniffeurs de cactus.

Pourquoi ils doivent se reformer? Parce que At The Drive-In était probablement l’un des groupes les plus bandants (hommes, femmes et hermaphrodites confondus) en ce qui concerne le rock qui taillade les chevilles et décolle la cervelle de son habitacle. Parce que nous sommes trop nombreux à ne pas avoir eu le temps de contempler sur scène la transe épileptique de Bixler, séquestré dans une déferlante sonique qui tamponnerait un bison en plein galop. Parce que, dans leur domaine, At The Drive-In a vachement du mal à se trouver des successeurs à la hauteur.

Quelles sont les chances de reformation? La question est régulièrement posée mais l’addition des différentes réponses ne donnent que peu d’espoir. Il y a deux ans, Bixler s’était avancé à un timide « pourquoi pas » tout en se flagellant d’avoir été la source de bien des malheurs du groupe. Ward ne voulait tout simplement pas en entendre parler. Rodriguez a résumé la situation par un laconique « Voudriez-vous vous remettre avec votre première petite amie quinze ans plus tard ? » avant de rejoindre El Grupo Nuevo de Omar Rodriguez Lopez, la formation avec son nom dedans. Tout le monde se retrouvant fort occupé à l’heure actuelle, on imagine mal les gars de El Paso venir cachetonner pour nous faire plaisir.

Black Star

Pourquoi ils se sont séparés? Parlons ici d'une pause indéterminée qui s'est imposée naturellement aux deux instigateurs du projet, Msos Def et Talib Kweli. Il faut savoir que si leur unique réalisation est aujourd'hui considérée comme un véritable classique, elle n'a pas vraiment mobilisé les foules à sa sortie – à l'image des autres productions estampillés Rawkus, label dont la contribution n'a jamais été autant soulignée que depuis qu'il a mis la clé sous le paillasson. Ainsi, même s'il a souvent été question de donner un petit frère à Mos Def & Talib Kweli Are Black Star, les cotes respectives de Mos Def et Talib Kweli étant montées en flèche en un temps record, il leur a été tout bonnement impossible de se retrouver en studio pour bosser sérieusement sur un nouveau chapitre de l'aventure Black Star. Et même si nous ne sommes pas dans les secrets des Dieux du hip hop, on imagine que l'hyperactivité du Mighty Mos ne doit pas être étrangère à cet état de fait, lui qui a surtout pensé à se faire un nom à Hollywood, ne trouvant alors que peu de temps pour enregistrer un beau paquet d'albums bien chiants.

Pourquoi ils doivent se reformer? Tout simplement parce que depuis Mos Def & Talib Kweli Are Black Star, on n'a jamais entendu un album qui, dans cette veine laid back et consciente, a fait mieux. En compagnie du producteur Hi-Tek sous la bannière Reflection Eternal, Talib Kweli a bien essayé de creuser un peu plus le sillon Black Star, mais comme nous le diraient certainement Felix Grave et Didier Barbelavie, Talib sans Mos, c'est comme une Golf GTI qui n'aurait plus qu'une vitesse. Par ailleurs, on se rappelle que le disque était apparu en pleine guerre des côtes et se plaisait à jouer la bonne conscience d'un hip hop qui se devait de revenir à ses fondamentaux. Si les violences ont aujourd'hui cessé, quand on voit les egos surdimensionnés qui phagocytent le rapgame actuel, on se dit qu'il ne serait pas inutiles que Mos Def et Talib Kweli reviennent jouer les professeurs.

Quelles sont les chances de reformation? Cela doit faire à peu près 5 ans que l'on parle à intervalles réguliers d'un retour en studio du binôme. Début 2011, un nouveau morceau produit par Madlib a même leaké, sans que cette fuite soit accompagnée d'informations plus précises quant à un éventuel retour aux affaires. Ceci étant, les deux hommes étant toujours dans la force de l'âge et encore en mesure de se mesurer aux jeunes loups de la division, il n'y a pas de raison qu'ils reprennent le chemin des studios pour nous pondre un album qui sera forcément attendu de pied ferme.

Neutral Milk Hotel

Pourquoi ils se sont séparés? Parce qu'en 1999, Jeff Mangum, tête pensante du projet, en a décidé ainsi. Fragile mentalement, le génial songwriter n'a jamais été vraiment à l'aise avec la vie en communauté sur les routes américaines et tous les désagréments que cela sous-entend quand on est un petit groupe de rock indépendant parmi d'autres. Visiblement lassé de ces tournées dans des conditions précaires et plutôt en froid avec la presse musicale, le bonhomme a décidé de jeter son bébé avec l'eau du bain. S'en est suivi une dépression nerveuse carabinée qui l'a fait sombrer dans l'anonymat le plus complet et disparaître des radars.

Pourquoi ils doivent se reformer? Parce qu'à l'époque du chef d'œuvre In The Aeroplane Over The Sea, le groupe n'était qu'un élément parmi d'autres de la galaxie Elephant Six et que personne a l'époque n'a jugé bon de le considérer à sa juste valeur. Entre-temps, la galette susmentionnée s'est écoulée à 300.000 exemplaires et figure immanquablement en excellente position dans les classements des meilleurs disques des années 90, juste à côté du OK Computer ou du Loveless de My Bloody Valentine. Dans une veine psychédélique et chargée en émotions, on n'a rarement fait mieux que In the Aeroplane Over The Sea depuis, et des galettes signées Arcade Fire, The Decemberists ou Beirut doivent certainement beaucoup à Jeff Mangum.

Quelles sont les chances de reformation? Assez difficile à dire, vu la personnalité plutôt volatile de Jeff Mangum. Ceci étant, ces dernières années, ses apparitions scéniques se sont répétées et la bête avait plutôt l'air en forme. De plus, ses compagnons au sein du groupe continuent d'être actifs au sein d'autres formations et on imagine qu'ils n'auraient pas trop de mal à les quitter s'il fallait réactiver l'un des projets les plus passionnants de ces quinze dernières années. Et cerise sur la gâteau, il y a quelques mois, Jeff Mangum s'est vu confier la programmation du prestigieux festival All Tommorow's Parties en Angleterre. D'aucuns y auraient bien vu le nom de Neutral Milk Hotel figurer en haut de l'affiche. Ils devront se contenter d'un set en solo de Mangum. Encore un peu de patience. Ou beaucoup en fait.

Fugazi

Pourquoi ils se sont séparés? Plutôt que d'opter pour une séparation en bonne et due forme, Ian McKaye, Joe Lally, Brendan Canty et Guy Picciotto ont opté pour le fameux "hiatus" si souvent utilisé de nos jours. En gros, il s'agit là d'une manière à peine voilée de dire qu'on se sépare, mais pas vraiment. Et qu'en gros, un jour peut-être, on reprendra les choses là où on les avait laissées histoire de renflouer les caisses. Mais dans le cas du groupe de Washington D.C., on le voit mal retourner en studio ou sur les planches pour de l'argent, lui qui dans l'esprit de tous ses fans passe pour un exemple d'intégrité. Quoiqu'il en soit, en 2003, les différents membres du groupe aspiraient à changer d'air ou, plus simplement, à retrouver une vie normale – on avance d'ailleurs les velléités familiales du batteur Brendan Canty comme l'une des raisons de la pause indéterminée prise par Fugazi. Depuis, tout le monde s'occupe comme il peut.

Pourquoi ils doivent se reformer? Fugazi ayant toujours été un fervent défenseur du DYI et des concerts et albums à prix très démocratique, on se dit que pour une fois, on ne va pas se faire sucrer des sommes folles pour enfin revoir ce groupe qui nous a tant remué les tripes il y a une dizaine d'années. Et puis, outre ses considérations purement mercantiles, Fugazi a été et reste le meilleur groupe de post hardcore au monde. Point à la ligne.

Quelles sont les chances de reformation? A priori, assez maigres. Tout le monde semble s'accommoder de l'actuelle situation, et vu les agendas respectifs plutôt chargés en l'état actuel des choses, il n'y a pas de raison que cela change. Et comme théoriquement, le groupe ne risque pas de céder à l'appel des dollars facile, cela ne va faciliter en rien une réunion. Tout récemment, Ian MacKaye disait rester en contact étroits avec les autres membres du groupe, sans pour autant évoquer la reformation. En attendant, le groupe passe beaucoup de temps à numériser ses archives d’enregistrements live qu’il compte bientôt proposer au téléchargement sur le net. C'est déjà ça de pris...

The Talking Heads

Pourquoi ils se sont séparés? Plus de dix ans avant la séparation officielle du groupe (1991), déjà durant l'enregistrement de Remain in Light donc, de vives tensions existaient entre les musiciens d'une part, le chanteur David Byrne et le producteur Brian Eno de l'autre. Une vraie collection de bisbilles : crises d'égos, frustrations artistiques, entourloupes administratives au moment de créditer les droits d'auteur, fossé d'incompréhension entre ceux qui voulaient simplement jouer du funk blanc et l'autre paire d'intellos du rock, qui ne jurait elle, que par l'expérimentation et l'ouverture aux cultures étrangères méconnues... Dès 1979, on frôla donc le split haineux mais finalement, c'est Brian Eno qui se fit lourder après la sortie de leur chef d'œuvre. Trois ans de bouderies plus tard et à la condition expresse que David Byrne garde ses envies expérimentales et tropicales pour sa carrière solo, les Talking Heads réapparaissaient dans un format purement pop. Quatre albums suivirent, les plus rentables de leur carrière, mais aussi les moins passionnants. Fin eighties, Byrne finit par supplier les autres de mettre fin à cette aventure qui ne l'intéressait plus, vécue dans la frustration artistique en compagnie de gens qui lui plombaient sa journée. Le divorce eut finalement lieu, dans la douleur et le ressentiment fielleux.

Pourquoi ils doivent se reformer? Parce que les Talking Heads en concert, c'était purement et simplement monstrueux. En témoignent le film Stop Making Sense de Jonathan Demme, toujours considéré comme l'un des meilleurs concerts filmés de l'histoire du rock, ainsi que bon nombre d'extraits de prestations du groupe enregistrées durant les années 80 et aujourd'hui piochées sur You Tube (ce putain de concert à Rome, en 80!!!). Cela dit, pour aujourd'hui voir magnifiées sur scène des chansons des Talking Heads, il suffit toujours d'assister à un concert solo de David Byrne, qui à près de 60 balais, garde une classe et une niaque folles. Ainsi que les droits sur la plupart des tubes du groupe, qu'il ne se prive jamais de rejouer à sa façon depuis 20 ans. Bref, ils ne doivent pas forcément se reformer. On s'en fout même assez, à vrai dire, Byrne restant l'essence, n'en déplaise aux autres, des Talking Heads.

Quelles sont les chances de reformation? En fait, les Talking Heads se sont déjà reformés. C'était en 2002, le temps d'une vingtaine de minutes, trois chansons expédiées à l'occasion de leur entrée au Rock and Roll Hall of Fame. A la question de savoir si cette réunion pourrait se prolonger sur une véritable scène ou en studio, Byrne répondit qu'il n'avait plus aucun intérêt commun musical avec ces gens-là depuis déjà de très longues années. Bref, si une reformation caritative le temps de quelques chansons pour le Japon ou la séparation de la Belgique reste toujours possible, l'idée de voir ces 4 là un jour réellement se rabibocher et créer à nouveau ensemble relève toujours du plus hautement improbable.

Beat Happening

Pourquoi ils se sont séparés? Dans le cas d'un groupe comme Beat Happening, on ne peut pas vraiment parler de séparation, mais plutôt de l'absence de nouvelles sorties. Pas de clash flamboyant, pas de séparation officielle, plutôt un arrêt progressif de l'actualité du groupe. Considérés comme les précurseurs du mouvement de rock/pop indé 90s dès leurs débuts en 1982, le groupe est le véritable symbole d'une mouvance de musique DIY et libre. Porté par la voix sombre et approximative de Calvin Johnson, caractérisé par un son un peu sale et une attitude anti-conformiste, Beat Happening révolutionne le paysage pop. Dès 1993, après avoir sorti 5 albums cultes, les membres du groupe se dirigent progressivement vers de nouveaux projets. Trop occupés, les membres de Beat Happening ne se retrouvent plus pour composer. Ils sortiront tout juste un EP en 2000, Angel Gone, qui marque un retour rapide mais malheureusement pas durable sur le devant de la scène indé.

Pourquoi ils doivent se reformer? Parce que Beat Happening est probablement le plus grand groupe de pop indépendant qui ait jamais existé. Il rappelle la belle époque Sarah Records, mais avec un son beaucoup plus underground. La voix de Calvin Johnson est unique, et les morceaux sont insolents, je-m'en-foutiste et brillants. Ils représentent la voix qui s'est élevée contre la commercialisation de la musique - et une petite piqûre de rappel serait plutôt bien venue ces temps-ci. Une vraie leçon de DIY réussie. Beat Happening c'est aussi un groupe magistral, qui a eu une influence considérable sur des tas de groupes. Yo La Tengo a repris leur "Cast a Shadow" sur leur album Fakebook, les Manhattan Love Suicides ont offert une belle version de leur "Indian Summer"… En gros, une reformation de Beat Happening ferait plaisir à tout le monde et donnerait peut-être un petit coup de fouet aux groupes de pop actuels.

Quelles sont les chances de reformation? À priori, elles sont faibles. Pas que les membres soient restés en mauvais terme, mais ils semblent juste avoir tourné la page Beat Happening. En 2005, ils sont invités par Modest Mouse à All Tomorrow's Parties, mais déclinent l'offre. Dès lors, on peut imaginer que le box set Crashing Through a mis un point final à leur carrière. Mais on peut toujours espérer un dernier élan, et, si on ne risque pas de les revoir sur scène, ils pourraient toujours se retrouver pour un EP signé sur K Records.