Dossier

Les oubliés du premier semestre 2018

par la rédaction, le 30 juillet 2018

Big Budha Cheez

Epicerie coréenne

Avec Epicerie Coréenne, Big Budha Cheez gagne sa place - à défaut de gagner des milliers d'euros - au rang des duos les plus singuliers du rap français, aux côtés de Butter Bullets et Triplego. L'heure des loups, leur premier album sorti en 2016, avait déjà montré l'attachement, voire l'obsession, des Montreuillois pour l'esthétique du New-York des années 90 : pour rappel, le disque avait été entièrement enregistré sur bandes analogiques, Waly y sonnait comme un Ill de bonne humeur et le flow nasal de Fiasko Proximo parvenait à évoquer celui du regretté East. Ici, le binôme passe à l'étape supérieure en injectant une dose de psychédélisme à leur boom bap d'ayatollah. Fiasko raréfie ses prises de micro pour se concentrer sur les machines, avec bonheur : ses plages instrumentales, "Belle mer" et "Jack n'a qu'un oeil", constituent peut-être les deux plus jolies pistes de l'album. Prince Waly, lui, continue de déballer ses références à la mafia et à la pop culture avec le charisme qu'on lui connaît - quoique ses textes soient un poil moins personnels que ceux de Junior, superbe EP solo produit par Myth Syzer sorti en 2016. S'il manque peut-être à Epicerie Coréenne un moment particulièrement fort, l'approche acoustique et artisanale de BBC est tout à fait salutaire dans un rap français aujourd'hui dominé par les MHD, Naza et autres Vegedream. Même si on doute que la plaque des Montreuillois atterrisse un jour sur l'enceinte de Kimpembe.

Durand Jones & the Indications

Durand Jones & the Indications

De passage chez Lost in Sound, à Liège, le disquaire nous a glissé dans les mains une plaque ayant totalement échappé à nos radars, malgré sa sortie chez Dead Oceans. Un album de Soul-Funk. Plutôt étonnant pour ce label que l’on affectionne assez. On se laisse donc tenter. L’aiguille tombe, et le premier sillon lâche une bombe. Une voix rauque expire un "How long" étiré, avec une manière particulière, dont on reconnaît l’âme entre mille : le fantôme de Charles Bradley. Cette force inimitable s’extrait d’un disque qui n’est pourtant pas le sien, d’une voix qui ne joue pas la parade de l’imitation – quand les cordes vocales expriment leurs blessures. Au-delà d’une référence volontaire, sans aucun doute, Durand Jones & The Indications s’annonce juste et calibré. Il évite les travers de la soul-funk, dont les forces s’opposent parfois pour livrer un résultat froid, ou peu incarné. Une âme forte plane ainsi sur les 8 titres, chargés de s’emparer de toutes les émotions possibles au fil des différents rythmes du genre, à l’aide d’un jeu retenu de guitares, de coups de cuivres raffinés et précis comme ses percussions élégantes. On comprend que le label ait désiré maintenir cet album – enregistré bien plus tôt dans des conditions tout aussi honorables – à la surface médiatique : sa lumière ne pourrait s’éteindre, il doit briller pour hier et demain.

DJ Healer

Nothing 2 Loose

On se laisse toujours déborder par les chroniques en lien avec Traumprinz aka Dj Metatron aka Prince of Denmark aka Prime Minister of Doom et dernièrement aka Dj Healer. Au delà de la simple prouesse de suivre la vie de ces divers alias, le producteur allemand livre des albums exigeants, assez difficiles à cerner, on pense notamment à 8 paru sous Prince of Denmark. Nothing 2 Loose, premier effort sous l’identité Dj Healer n’échappe pas à la règle. Enrobé dans un voile de mysticisme, Dj Healer étire son savoir-faire en jonglant entre house, techno et plages ambient. Oeuvre intimiste et contemplative, Nothing 2 Loose ne prendra toute son ampleur que dans une écoute prolongée et solitaire, loin du tumulte. Le climax de ce voyage est atteint grâce à l’usage récurrent de samples vocaux porteurs de messages religieux, notamment le magnifique « God’s Creations » et sa voix déclamant « That’s God’s creation/It’s absolutely amazing to look at it ». Bien connu d’un Burial ou plus récemment sur la compilation Mono No Aware de PAN, ces passages méditatifs n’en donnent pas moins une véritable ossature à l’ensemble de ce LP. Loin de l’usine à bangers, Nothing 2 Loose doit s’aborder comme un tout, où ombre et lumière, joie et tristesse se répondent et se font échos en permanence. Un album à la beauté saisissante dont Traumprinz (et sa cohorte d’alias) sait si bien accoucher. En un mot comme en cent, immanquable.

Perel

Hermetica

La capacité des gens à s'emballer pour le moindre pet mouillé de LCD Soundsystem est aujourd'hui inversement proportionnelle à cette même capacité à donner un peu d'amour pour DFA Records, le label de James Murphy. C'est sûr qu'à une époque où DFA sortait les albums de Hot Chip, The Rapture ou Hercules & Love Affair, il n'était pas bien compliqué de suivre la hype avec le dévouement d'un DSK lâché dans la Playboy Mansion. Aujourd'hui certes moins bankable, le label new-yorkais continue quand même de sortir d'excellents disques, à l'instar de ce premier album de Perel, productrice allemande qui a il est vrai tout pour plaire au gourou James Murphy tant elle coche toutes les petites cases correspondant aux genres musicaux qu'il affectionne particulièrement - la house, la new wave, le kraut. Mais le vrai talent de Perel consiste à amalgamer tout cela dans un disque certes arty mais absolument pas farty, porté par une personnalité forte et complexe dont on sent qu'elle traîne depuis un paquet d'années ses guêtres dans le Berlin qui ne dort jamais. Et puis Hermetica a le charme de ces disques qui ont été certes pensés comme un projet à apprécier dans sa globalité, mais qui séduit également par la force de ses singles, potentiels ou non - et ici, les vainqueurs se nomment "Pastarella Al Limoncello", "Alles", "Myalgia" ou "Die Dimension".

Betonkust & Palmbomen II

Center Parcs LP

Appartenant à une génération qui a survécu au wonky, à la vaporwave, à la liquid bass ou à l'aggrotech, je n'en suis plus à une extravagance sémantique près. Et donc, les Bataves Betonkust & Palmbomen II d'appartenir à un mouvement que l'on baptiserait VHS House pour sa propension à user d'un canevas lo-fi house pour usiner de vieux souvenirs - ou la conception que l'on se ferait de ceux-ci. Pourquoi pas. Surtout quand la démarche se légitime à travers l'enregistrement de ce LP pour Dekmantel dans un vieux Center Parcs situé en plein milieu des Pays-Bas et que les deux producteurs ont investi le temps d'un week-end de très basse saison. Globalement pris en tenaille entre romantisme suranné et clubbing mélancolique, ce Center Parcs LP prend un malin plaisir à nous faire sentir comme une bamba triste avec sa tronche d'oxymore. Mais là où les deux Hollandais remplissent leur mission, c'est que jamais ils ne donnent l'impression d'écouter un disque qui ressemblerait à un série de clichés auxquels on aurait apposé les pires filtres Instagram. Par ailleurs, leur amour de la musique électronique au sens le plus large est trop fort pour qu'ils ne se laissent pas enfermer dans carcan house lo-fi dont les limites peuvent vite plomber une démarche - au contraire, on entend sur ce Center Parcs des influences new wave, techno ou sytnh-pop distillées avec finesse. Par contre, de là à dire que c'est le genre de disque qui nous ferait troquer une semaine sur l'île d'Oléron contre un séjour dans un Center Parcs des Pays-Bas, il y a heureusement de la marge...

Ty Seagall

Freedom’s Goblin

Le dernier Ty Segall, donc. Quoiqu’à la vitesse où besogne le bonhomme, il s’agit peut-être déjà de l’avant-dernier à l’heure où on écrit ses lignes. Petit chute de tension dans sa course effrénée, le lévrier du rock garage nous avait passablement déçu avec son millésime 2017 qui ressassait des préoccupations usées jusqu’à la corde. Il semblerait bien qu’il ait thésaurisé ses réserves de kérosène pour la charge suivante, un double album de 19 titres qui ne se refuse pas grand chose. Ambitieuse et insatiable, la liberté du lutin prend toutes les formes et se fout des transitions. On y trouve ce qu’on aime et qu’on pouvait attendre de lui (des ruées dans les brancards, des ballades hallucinées et des riffs qui pèsent cinq tonnes) mais aussi des écarts plus surprenants qui confirment que la source est loin d’être tarie : de l’hymne de fond de bar ("The Last Waltz") au saxophone en perdition ("The Main Pretender"), du groove qui a chaud au cul ("Despoiler of Cadaver") à un épilogue de douze minutes qui vous propulse dans les champs de pâquerettes à travers un kaleidoscope géant ("And, Goodnight"). La plus belle réussite de l’entreprise réside sans doute dans le fait que cet ensemble hétéroclite soit le plus accessible depuis la sortie de Manipulator. Well done.

Mark Pritchard

The Four Worlds

On ne pensait pas entendre parler de Mark Pritchard de sitôt. Le fondateur de Global Communication, projet qu'il constituait avec Tom Middleton et qui avait donner un bon coup de sang à l'acid ambient et ses nébuleuses, n'avait pas produit d'album depuis presque dix ans lorsqu'il avait sorti son Under The Sun en 2016. Ce qui était un retour aux affaires pour celui qu'on appelle aussi Harmonic 313 n'avait pas été un échec, mais on restait sur des ambiances un peu faciles, à l'image de ce titre avec Thom Yorke. Sur The Four Worlds, Pritchard s'est reconstitué un style, et s'est permis des innovations, notamment sur son featuring avec l'étonnante The Space Lady. Plus court, plus synthétique, l'album propose une bonne demi-heure d'un voyage calme mais qui pourrait rapidement tourner à l'inquiétude, comme le suggère le morceau-titre.

Jeff Rosenstock

Post-

Rien n’est aussi prévisible, aussi immobiliste qu’une soirée de nouvel an. Les sacro-saintes dates du 31 Décembre et du 1er Janvier obéissent à un ensemble de règles, de traditions et de ratés (l’immanquable texto à 21h du mec qui avait oublié qu’il était en Russie, putain de décalage horaire) qu’il serait mal vu de chambouler. C’est au matin de ce gloubi-boulga de résolutions, décomptes et embrassades moites que Jeff Rosenstock s’est décidé à sortir POST-, l’un des albums rock de ce début d’année 2018. S’il était légitime de se palucher devant l’énorme folie créative des King Gizzard & The Lizard Wizard en 2017, l’hyperactivité de l’Américain mérite également le coup d’oeil, jonglant entre ska, punk et indie rock dans Bomb The Music Industry!, Kudrow, Pegasuses-XL ou encore The Arrogant Sons of Bitches depuis 1995. A côté de ce c.v. déjà bien rempli, c’est en solo que Rosenstock a su exprimer son plein potentiel, notamment sur l’unanimement salué WORRY sorti en 2016. Fort de cette légitimité arrachée après une carrière bien loin du mainstream, Rosenstock signe chez Polyvinyl et s’épargne toute promotion pour la sortie de POST-. La galette se révèle être une magnifique surprise, Rosenstock s’éloignant d’essais punk moins mélodiques pour venir se mêler à un power-pop jubilatoire. Réussissant à imposer sa patte dès les premières notes de “USA”, Rosenstock nous emmène dans un amas d’hymnes (“Melba”, “Let Them Win”) et de balades (“9/10”) incroyable d’énergie et de générosité. Merci patron !

Tengo John

Multicolore Mixtape

Que faisiez vous de votre vie à 23 ans ? Pour ma part, j'empruntais un important volume de culs de sac, quelque part entre alcools trop forts, actes manqués, et débacles amoureuses. Un destin de perdant magnifique que Tengo John lui, semble avoir réussi à esquiver avec une nonchalance et un bagout certains. A la musique tout du moins, le jeune Montreuillois semble particulièrement soucieux de reprendre l'héritage de Espiiem là où l'interessé l'a laissé trois ans après son Noblesse Oblige. Et on parle ici d'un personnage atypique qui a toujours eu à coeur de proposer un produit rap fort d'une vraie proposition, le plus moderne et le moins consensuel possible. Un pari plutôt réussi au regard de cette Multicolore Mixtape, premier long format du MC de Seine Saint Denis qui porte assez bien son nom dans sa volonté d'exprimer une importante variété de couleurs - quitte à perdre un peu en cohérence. Au service d'un flow technique et conquérant, le rappeur s'offre des détours bienvenus par des hymnes chantés ("Geisha", "Printemps"), une popsong en italien, sans jamais oublier de dédicacer un peu le Montreuil qu'il aime ("Cityzen Spleen" avec Prince Waly) et placer un maximum de références à des mangas divers et variés ("Tortank"). Quelque peu indigeste sur une écoute intégrale, difficile pourtant de nier le potentiel de ce gamin qui tente tout, pour louper si peu de choses à l'arrivée. Et le plus excitant dans tout ça, alors même qu'il lui reste encore tout à prouver.

C.A.R.

Pinned

J'ai le plus grand respect pour des gens comme Andrew Weatherhall ou Ivan Smagghe. Le problème, c'est qu'à part faire bander des néo ou quasi quarantenaires ayant une tendance assez marquée à l'aigrissement, ces monuments de la bamboule psychotropée ont trop souvent tendance à exister dans une indifférence inversement proportionnelle à leur talent. On comprend en observant le peu d'engouement ayant entouré la sortie du second album de C.A.R. qu'il en va également ainsi de leurs meilleurs disciples. Car Chloé Raunet est allée à très bonne école: c'est au sein du groupe de post-punk Battant que la Française a fait ses gammes, sur Kill the DJ. A l'image de New Order qui dut entamer sa mue au lendemain du suicide de Ian Curtis, Chloé Raunet a vu l'aventure BATTANT se terminer en même temps que le décès de Joel Sever, l'autre force motrice du groupe. De cette aventure, C.A.R. a conservé un amour pour une certaine forme de minimalisme. Mais à l'instar de New Order, elle a également pris le parti de rapprocher son travail du dancefloor, et d'enrober ses compositions d'un groove mécanique qui fait frissonner les échines. D'ailleurs, la plus belle preuve de ce que l'on raconte, c'est que des gens comme Michael Mayer, Marcus Worgull ou Peaking Lights n'ont eu aucun problème à se réapproprier son travail le temps d'un remix. C.A.R, ou le meilleur des deux mondes.

Myth Syzer

Bisous

“Ce que j’avais en tête c’est les routes quand je pars en vacances dans le Sud, à travers la campagne française… Cet album c’est la Roche-Sur-Yon, les Sables d’Olonne…”, expliquait le producteur Myth Syzer à la radio à propos de Bisous, son premier album solo sorti en avril dernier. Et, à l'écoute, on ne peut que donner raison à la tête pensante du crew Bon Gamin : Bisous a tout du road-trip entre copains, le poste radio crachant bien fort les refrains cheesy des années 80, des classiques du new-jack/R&B, ou les derniers bangers brumeux en provenance de Toronto. De fait, Thomas Le Souder se trouve au point de jonction de deux mouvements qui traverse la musique hexagonale ces derniers temps : d'un côte, une certaine chanson française s'est rendu compte qu'elle ne pouvait plus ignorer le hip hop (Angèle, Eddy de Pretto, Thérapie Taxi...). De l'autre, des rappeurs qui ne rechignent plus à assumer leurs influence variet' (Damso, Lomepal, Hyacinthe). Syzer se fait le réceptacle de cet ère du temps et propose un projet encore plus ambitieux que ceux des artistes cités plus haut : à la fois producteur et interprète de son propre disque - qui, dans le rap, avait osé relever le défi jusqu'ici? Dr. Dre? Timbaland? - ses mélodies vocales simplettes sont un fil rouge qui permet aux nouvelles têtes de la scène R&B (Bonnie Banane, Oklou, Lolo Zouaï) et du rap (Hamza, Jok'air, Bon Gamin évidemment...) d'exprimer leur talent. Et Bisous de devenir ce disque chorale empli de ballades que l'on aime chanter avec les amis en voiture l'été. King Syzer.

Anna Wise / Jon Bap

geovariance

En lançant l'album d'Anna Wise, on ne peut pas vraiment dire qu'on s'attendait à ça. La chanteuse de RnB, qu'on entend notamment sur pas mal de morceaux de Kendrick Lamar, avait pourtant laissé des indices dans son dernier album solo, The Feminine : Act Two. Au milieu d'une ambiance trap-pop s'était glissés quelques tracks ambients expérimentaux, d'une minute à peine, mais qui pouvaient plutôt passer pour des interludes qu'autre chose. Aidée du guitariste et producteur Jon Bap, lui aussi bien barré dans son genre, elle a laissé de côté les mélodies sucrées pour s'enfoncer dans la mélasse de l'expérimentation électronique. Dans un étrange héritage oscillant entre l'afro-futurisme et les collages sonores des années 1960, l'album propose l'itinérance inouïe d'un duo qui fonctionne bien. Bruitages, petites nappes, enregistrements de chantonnements ou de paroles inaudibles, l'opus passe dans nos oreilles comme la déformation humoristique d'un vent marin. Un disque qui s'écoute avec surprise et qui en dit long sur la carrière à venir d'Anna Wise.

The Orielles

Silver Dollar Moment

Les membres de The Orielles s’étaient révélés au public d’outre-Manche dès 2017 avec “Sugar Tastes Like Salt”, finalement absent de leur premier album, titre pop efficace mais alourdi par une longueur peu nécessaire (quasi neuf minutes). Les trois Britons, dont deux n’avaient pas atteint la vingtaine, y montraient déjà ce qui ferait le sel et les limites de Silver Dollar Moment, sorti sur Heavenly Recordings en Février 2018. Du sel car The Orielles a l’insouciance de sa jeunesse, et parvient à canaliser son énergie dans une indie-pop sucrée et dansante. Les sautillantes lignes de basse de Esmé Dee Hand-Halford, couplées à la guitare quasi funky de Henry Carlyle Wade, font mouche sur plus d’un titre (“Old Stuff, New Glass”, “Blue Suitcase (Disco Wrist)”), tandis que sur d’autres l’intérêt est réhaussé par des sons de percussion inattendus (“48 Percent”). Si cette envie de s’amuser et de faire danser transparait dans chacune des 12 pistes de l’album, le trio n’évite pas quelques longueurs et passages moins pertinents, notamment sur des morceaux plus lents. Silver Dollar Moment pose les bases du “post-punk disco” que veulent porter ces jeunes Anglais, qui doivent maintenant muscler leur jeu pour livrer une suite plus marquante.

Tropics

Nocturnal Souls

Quand il fait chaud, on a toujours ce réflexe puéril (et peu écolo) de recourir à la climatisation, comme si la chaleur était une chienlit à fuir à tout prix. Alors qu'en vrai, il est tellement plus délicieux de déposer les armes, et d'accepter de se mettre dans cet état de profonde léthargie dans lequel les sens sont comme engourdis, résignés à l'idée du moindre effort. On ne sait pas si c'est le soleil Anglais qui a tapé fort sur le crâne de Christopher Ward - on en doute assez pour être honnête - mais le leader de Tropics semble avoir bien retenu la leçon de ses dernières baisses de tension par 30°C à l'ombre. Preuve en est, son quatrième long format Nocturnal Souls est un disque qui baigne dans cet état de somnolence, et qui ne cherche jamais à dire trop de choses, de peur que son songwriting aride ne perde tout son cachet hypnotisant. De ces neufs titres parfaits pour un road movie en plein coeur des paysages désertiques de la route 66, la chillwave de l'Anglais a des allures d'oasis pop, mais qui ne se savoure en tout cas jamais aussi bien qu'aux premiers symptômes de l'insolation.