The Magic Place

Julianna Barwick

Asthmatic Kitty – 2011
par Simon, le 4 mars 2011
8

Depuis quelque semaines le nom de Julianna Barwick est sur toutes les lèvres. Après un EP – Florine – et un album – Sanguine – tous deux auto-produits, l'Américaine semble véritablement prendre un départ ascendant avec The Magic Place. L'ogre Pitchfork en ayant fait l'un des « Best new music », les oreilles du monde semble enfin se tourner vers ce concentré de talent pur, et c'est en soi une bonne nouvelle. The Magic Place est presque exclusivement une affaire de voix, sensibles et éthérées. Neuf titres durant, Julianna Barwick superpose les effets vocaux dans une grande danse symphonique du meilleur effet. On se prend directement au jeu et on tombe ainsi dans les abysses méditatives d'un univers en tous points onirique. La comparaison avec le chant des sirènes, tentant de faire plonger Ulysse dans les profondeurs de la mer, est plutôt adéquate tant The Magic Place est absolument charmeur et obsédant. On peut essayer autant qu'on veut, on finit toujours par succomber à ces enchevêtrements de voix sibyllines.

Pourtant les œuvres essentiellement vocales n'ont rien de neuves : qu'on pense à la belle Joanna Newsom, au psychédélique Panda Bear ou aux barbus de Fleet Foxes, l'organe-roi a, semble-t-il toujours fait partie d'un certain inconscient collectif. Musicalement très proche d'une formation comme Grouper ou Laura Gibson, Julianna Barwick s'appuie intégralement sur la puissance évocatrice de sa voix pour transfigurer The Magic Place. Et ça fonctionne à plein tube. Vous y trouverez ci et là un piano délicat, ainsi qu'une tripotée de nappes ambient d'un charnel assumé, le tout pour donner encore un peu plus de texture à un disque finalement bien plein. La vraie question est : est-ce suffisant? On aurait en effet bien peur que The Magic Place finisse par se caricaturer comme un disque papier-peint, mais la jolie Américaine a senti le danger et de par un format plutôt court – moins de quarante-cinq minutes – elle parvient à maintenir l'attention à son paroxysme. On peut donc continuer à rêver tranquille sur un disque aux faux airs de bande originale fantasmagorique, coincée entre Alice aux pays des merveilles et Edward aux mains d'argent. Une très belle expérience à découvrir impérativement.

Le goût des autres :
7 Thibaut