The Double EP: A Sea of Split Peas

Courtney Barnett

Marathon Artists – 2014
par Jeff, le 6 février 2014
8

A Goûte Mes Disques, on aime vivre avec notre époque. Pas qu’on s’y force, juste que ça nous plaît. Et en 2014, qui dit vivre dans son époque dit bouffer pas mal de techno rugueuse ou des albums estampillés ‘rock’ où il est impossible de ne pas croiser des couches de claviers ou des bidouillages sur laptop.

Partant de là, chaque rédacteur traîne son vécu et ses poches pleines de madeleines de Proust. L’auteur de ses lignes a eu 16 ans en 1995, et à l’époque le règne du tout-à-la-guitare sur le rock était à peu près total. Alors forcément, à intervalles réguliers, un salutaire retour aux sources s’impose. Et ce voyage dans le temps, c’est en compagnie de Courtney Barnett qu’on a décidé de l’entreprendre en ce début d’année. Pas que l’Australienne propose une musique qui a refusé de quitter les 90’s, mais plutôt parce que l’économie de moyens déployés, ce côté back to basics carrément juteux, il est du genre à caresser dans le sens du poil le trentenaire un peu nostalgique – le vieux con qui sommeille en nous quoi.

Mais avant de voir ce que ce disque a dans le ventre, n’oublions pas les présentations. Courtney Barnett nous vient de Melbourne où elle a fondé son propre label, Milk Records, qui a sorti ses deux premiers EP’s (I’ve Got a Friend Called Emily Ferris et How to Carve a Carrot into a Rose) ici combinés dans un album intitulé The Double EP: A Sea of Split Peas pour Marathon Artists – la maison qui héberge notamment les compatriotes de Jagwar Ma.

Douze titres pour cerner une personnalité que l’on pourrait trop vite qualifier de « molle du genou ». En effet, difficile de ne pas penser au qualificatif slacker quand on entend le chant délicieusement traînant de l’Australienne venir se poser sur de belles mélodies que ne renierait certainement pas un certain Stephen Malkmus – quand elle ne fait pas l’un ou l’autre clin d’œil à Sonic Youth sur les titres plus nerveux du disque. Difficile non plus de ne pas voir dans la demoiselle une sorte de version aussie et arty d’Hannah Horvath, le personnage de chieuse patentée (mais dotée d’un sens de la formule certain) joué par Lena Dunham dans la série Girls. Car il y a dans ce storytelling désarmant de nonchalance suffisamment de sincérité pour qu’on boive les paroles de Courtney Barnett comme on avale une pinte de Foster’s – et vu le manque total de goût de cette pisse de chat, ça va très vite.

Bref, dans ce chouette magma d’influences absolument pas dégueulasses, Courtney Barnett  parvient à nous pondre un disque qui évite le piège de la linéarité ou de l’interminable courbette. C’est frais sans être léger, c’est référencé sans être complaisant, et c’est surtout d’une maturité assez épatante pour une fille qui, rappelons-le quand même, n’a que 25 ans à peine.