The 20/20 Experience

Justin Timberlake

Jive Epic – 2013
par Soul Brotha, le 20 mars 2013
6

Avec son acolyte Timbaland, Justin Timberlake est à l'origine d'une mutation profonde dans la musique R&B. Son album Futuresex/Lovesounds, vitaminé par des rythmiques électroniques froides taillées pour le grand public, marque une cassure dans le genre qui poussera la plupart de sses stars à suivre le mouvement (de Musiq Soulchild à Usher), parfois pour le meilleur, souvent pour le pire.

Sept ans plus tard, JT amorce un retour très attendu avec The 20/20 Experience. Le 1er single "Suit & Tie" et l'imagerie rétro qui l'accompagne ont annoncé la couleur : retour vers le passé ! Place au bon vieux R&B, on ne le reprendra plus à faire un Sexyback ! Si, sur le papier, le programme est alléchant connaissant le talent du bonhomme (et l'énorme expérience de Timbo, auteur de ce genre de trucs notamment), le résultat est un peu mitigé.

Il y a beaucoup de choses à dire sur la direction artistique de l'album. En premier lieu, pourquoi faire des morceaux aussi longs ? On n'a bien sûr rien contre les odyssées musicales, mais seulement quand elles ont un sens. Ici, Timberlake semble surtout étendre artificiellement ses chansons. On peut citer "Don't Hold The Wall" ou "Spaceship Coupe" comme exemples flagrants. On finit par s'endormir alors qu'un morceau étendu doit être justifié par un concept particulier, un solo ou, simplement, la beauté définitive d'une instru (un exemple parmi d'autre, dans un genre différent). C'est aussi et surtout la répétition de ces morceaux marathons qui lasse.

Et les instrus, parlons-en : déception également. On a saisi le parti pris "rétro" du blondinet de Memphis, mais il aurait peut-être fallu se souvenir que "le R&B d'avant", ce n'était pas que des midtempos mous du genou. Or, ceux-ci règnent en maître dans The 20/20 Experience ("That Girl", "Mirrors"...). On peut aimer mais sur la longueur d'un album, ça fatigue. Surtout que les quelques tentatives de morceaux plus dansants restent timides et mal assurées ("Let The Groove Get In" notamment).

Il y a donc quelque-chose de dérangeant dans l'écoute de ce disque. Tout est conçu avec grand soin, certains moments fonctionnent (l'intro "Pusher Love Girl" est chouette, le single "Suit & Tie" fait bouger la tête) mais l'ensemble est fade. Il manque un peu de piment et de lâcher-prise dans cet exercice de style ultra contrôlé. Pour un album de R&B, tout cela manque furieusement de synthés, de basses et, plus simplement, de plaisir. Justin Timberlake fait le taf, il déballe son concept mais le fond manque. Réussir un album, c'est évidemment beaucoup de travail mais c'est aussi un kif. Et on ne ressent pas du tout cela à l'écoute de ces dix pistes.

Au final, ce qui devait être "l'album de la maturité" (désolé pour le marronnier mais il était dur à éviter), un projet d'émancipation artistique et de choix musicaux marqués, n'est finalement qu'un simple disque de pop. Dans le genre, c'est de la bonne came et il s'en vendra des caisses mais c'est une déception pour ceux qui ont vu en JT un successeur potentiel de Michael Jackson à l'époque de Justified (un album composé à l'époque pour le King of Pop par les Neptunes). Justin Timberlake semble le cul posé entre deux chaises : tiraillé entre l'appel du grand public et l'envie de s'accomplir en tant qu'artiste. Et il est dur d'arriver à marier les deux.

Le goût des autres :
6 Jeff 6 Tristan 6 Yann 8 Ruben