Preparations

Prefuse 73

Warp – 2007
par Simon, le 18 octobre 2007
7

Alors que le hip-hop se cherche un nouveau souffle au travers de multiples scènes underground, celui-ci peut encore et toujours compter sur un allié de taille. Et même si Scott Herren a déçu quelque peu tout au long de ses dernières productions, on n'en demeurait pas moins impatient de découvrir ce Preparations tant l’annonce avait fait grand bruit; l’Américain ayant lui-même avoué revenir à des sonorités plus proches d’un One Word Extinguisher, qui demeure encore et toujours comme un chef d’oeuvre de l’abstract hip-hop contemporain. Un retour au bercail qui fait des sceptiques, ceux là ayant préféré abandonner la piste « Prefuse 73 » jusqu’à nouvel ordre.

Et il faut croire que le travail de chroniqueur prend toute sa consistance une fois rencontré un disque comme ce Preparations qui aura de quoi diviser les plus observateurs d’entre nous. Et pour cause, les premières écoutes amènent notre jugement à penser au hold-up : un disque d’apparence lisse, comme si Scott Herren se contentait à nouveau de piocher dans sa traditionnelle boîte à sons sans renouvellement aucun. Une longue enfilade de presets impeccablement digérés depuis belle lurette, qui auraient suffi à eux seuls à conférer à ce disque son lot de louanges ingrates. Passée cette relative déception aussi immédiate qu’inévitable, il était grand temps de prendre cette nouvelle livraison à bras le corps pour tenter d’embrasser son contenu réel, tenter de percer ce nouveau mystère à venir.

Fini les arrangements typés « radio », on prend ici le temps de prendre son temps, d’allonger de manière patiente son goût immodéré pour les nappes évanescentes (« Spaced+Dissonant », « I Knew You Were Gonna Go ») les constructions electro hip-hop audacieusement alambiquées, distillant de manière subtile ses touches organiques au milieu de cette organisation digitale de haut éclat (« Pomade Suite Version One », « Girlfriend Boyfriend », « Class of 73 Bells » ou encore la participation de John Stanier sur « Smoking Red »). Les plus insistants ne manqueront pas de me rappeler qu’il n’y a encore rien de neuf à ce stade de la chronique. Et ils auront sûrement raison, car comme dit plus haut, la démarche ne change pas d’un iota, mais ceux-là même qui grognent sur le retour d’Herren à des univers plus que familiers n’étaient-ils pas les premiers à réclamer un tel retour depuis les quelques déceptions musicales dont il a fait preuve précédemment?

Mais il est également ici question de talent, d’une maîtrise architecturale de tous les instants servie par un souci du détail toujours stupéfiant. Et c’est seulement à partir de là qu’il nous sera permis d’entrevoir les plus belles pépites de ce Preparations : « Beaten Thursdays » et son contraste mélodique enivrant, un « Class of 73 Bells » et sa voix d’outre-tombe sur laquelle on sait pas s’il faut pleurer ou rêver, « Girlfriend Boyfriend » et son apparat groovesque au possible. La liste paraît en définitive bien longue si on décide de prendre cette nouvelle sortie pour ce qu’elle a réellement à nous offrir : une nouvelle occasion de nous languir de cet esprit malade et pourtant tellement lucide qu’est celui de Scott Herren. Un disque décidemment bien fourni qui s’investit encore un peu plus dans cette jungle musicale qu’il a lui-même autrefois plantée.

Reste à ce stade les déçus, qui ne comprendront pas pourquoi s’être arrêtés en si bon chemin après ce One Word extinguisher titanesque, qui ne comprendront pas par là même que les choses évoluent et que ce Preparations reste néanmoins un très bon album de abstract hip-hop/downtempo qui se fait attendre dans sa lente éclosion (comme tout le reste de cette discographie complexe), Il fallait peut-être s’y attendre en ayant placé jadis la barre si haut. Mais les plus belles fleurs ne sont-elles pas après tout celles dont on aime contempler la fragile croissance?

Le goût des autres :
7 Julien