Piñata

Freddie Gibbs & Madlib

Madlib Invazion – 2014
par Aurélien, le 31 mars 2014
8

Madlib est définitivement increvable: le mec est à ce point amoureux de sa collection de disques qu'il semble avoir oublié d'être blasé par son art de beatmaker, malgré les projets et les années qui défilent. Reste que de notre côté, on a du mal à citer son dernier projet qui soit réellement parvenu à retenir notre attention. Car entre la folle série des Medicine Show ou ses disques jazz estampillés Yesterday's New Quintet, il y a eu à boire et à manger. Partant de ce constat, on était finalement assez excités à l'idée de le voir pondre une nouvelle plaque taillée sur mesure pour un emcee, presque dix ans jour pour jour après la sortie d'un Madvillainy avec DOOM encore dans toutes les mémoires. En 2014 Madlib offre ainsi son temps de cerveau à Freddie Gibbs, un MC qui avait bien besoin d'un peu de sobriété pour  obtenir la consécration.

La sobriété justement, n'est pas le meilleur mot pour qualifier la récente actualité du Gangsta Gibbs. Au fil de mixtapes bancales (Baby Face Killa) ou sans saveur (ESGN), on a appris à composer avec un MC dont le charisme vocal et la technique s'éparpillent sans s'imprimer sur la durée – sauf lorsqu'il est en featuring. Et à ce titre, Piñata arrive à point nommé pour inverser une tendance qu'on pensait immuable après sa piètre incursion sur des prods de Young Chop. S'il demeure comme un album en forme de relation longue-distance entre la Californie et l'Indiana (les bougres ne se sont jamais retrouvés en studio), Piñata démontre toute la complémentarité qui règne entre ses protagonistes, et se révèle être feel good album bien branlé, contenant ce qu'il faut de gravité pour coller au mieux à l'univers d'un Freddie Gibbs qui, il faut l'admettre, n'est pas très à l'aise lorsqu'il s'agit de verser dans l'émo-thug.

Après, on n'ira pas jusqu'à dire que Madlib a su se mettre élégamment dans la merde sur ce projet. Il ne fait en réalité qu'agir dans sa plus pure zone de confort, alignant des productions probablement datées qu'il intégre dans un fil narratif saccadé et riche en interludes. Reste qu'en sa qualité de directeur artistique, le mec a eu le nez creux et a su offrir un ensemble sonore hétérogène qui sied tant à son collègue qu'aux invités venus faire fondre nos cœurs de guimauve – avec une mention spéciale pour "High", l'incroyable collaboration avec Danny Brown aux airs de match retour après son morceau sur le dernier Danny Brown.

Bref, ce qu'on retiendra surtout de Piñata, outre une bonne tripotée de titres de première bourre, c'est un chouette échange de bons procédés: d'un côté, le disque offre une vraie place dans le rap jeu américain au poto Gibbs, à qui il manquait un album de référence. De l'autre, il permet au géant Madlib de revenir sur le devant de la scène autrement qu'au travers de projets aux frontières de l'autisme. C'est tout profit pour l'auditeur: malgré quelques brefs moments d'égarement, Piñata témoigne d'une alchimie permanente qui facilite les écoutes répétées, à rêver de printemps dans les projects du Queens. Rien de moins qu'un bel album donc, à la hauteur des promesses.

Le goût des autres :
8 Jeff 7 Amaury L